LES ANNONCES   DE   JÉSUS   SUR  SA   MORT  ET  SA  RÉSURRECTION


Suite à la mort de Jean et à plusieurs reprises, Jésus avertit ses disciples qu'il souffrirait.
Mais en annonçant sa passion, il ne  s'engageait pas moins à se lever après sa mort (Lc 9:22; 17:24; 18:33; 24:7) . Il annonçait ainsi sa résurrection comme un engagement, un acte qu'il accomplirait lui-même; le verbe à l'actif ou au moyen était le seul des annonces à relever de son intention personnelle, tandis que les autres verbes à la voix passive  marquaient une action subie..

I - "il faut (pour) le Fils de l'homme 
beaucoup souffrir et être rejeté
par les anciens et des grands-prêtres
et des scribes et être mis à mort,
et après trois jours , se lever ". Luc 9/22 (codex Bezae)

II - 9:43  Il dit à ses disciples:
44 - " mettez-vous dans les oreilles ces paroles
là: le Fils de l'humain en effet
est sur le point d'être livré aux mains
des humains". 45 - Or eux ignoraient cette parole
là - et elle était voilée d'eux,
afin qu'ils n'en aient pas l'intelligence - et ils craignaient
46 - d'interroger sur la parole suivante :
" qui pourrait bien être plus grand qu' eux ?"
 
III - 17/23 - Et on vous dira : "voici ici, *voici là!
ne vous éloignez pas, ne poursuivez pas!
24 - En effet, de même que l'éclair, l' éclairant
- à partir de l'(éclair) sous le ciel *- éclaire,
ainsi sera aussi le Fils de l'humain! *.
25 - Or d'abord il lui faut beaucoup souffrir
et être rejeté de cette
génération-ci.
 
IV - 18/31 Prenant alors auprès de lui les Douze, il leur dit
" voici, nous montons à Jérusalem
et recevront une finalité toutes les choses écrites
à travers les prophètes au sujet du Fils de l'humain,
32 - qu' il sera livré aux païens et
bafoué, * et couvert de crachats,
33 - et l'ayant flagellé, ils le mettront à mort
et le jour le troisième,
il se lèvera !" 34 - Or eux, de ces choses ne
comprirent rien, mais la parole demeurait cachée
d'eux, et ils ne connaissaient pas les choses dites.

V - 24/6 Or, souvenez-vous combien il vous a parlé 
étant encore en Galilée* :
7 - qu' il faut pour le fils de l'humain
être livré aux mains
d' humains * - et être crucifié - et le troisième
jour, se lever! " . 8 - Et elles se souvinrent de ses
paroles.

VI  Parce que le Christ devait souffrir ces choses,
et entrer dans sa gloire. 24:26

VII Ainsi il est écrit : souffrir  le Christ ,
et se lever le troisième jour, 24:46

L' impersonnel δει, il faut, n'est pas de l'ordre de la nécessité (le grec dispose pour cela d'un terme précis ἀνάγκη) ; le correspondant est en hébreu על+infinitif,  qui pourrait se traduire en français  "il incombe de". En référence à la prophétie d'Isaïe sur le serviteur souffrant qui transparaît derrière ces paroles, il incombait au Messie de souffrir. Mais  Jésus y lisait-il un dessein divin ou une justification humaine? Les versets 6 et 10 d'Isaïe 53: «Le Seigneur a fait retomber sur lui  nos perversités...Le SEIGNEUR a voulu le broyer par la souffrance» ne seraient-ils pas à faire précéder de la précaution: "et nous estimions que le Seigneur faisait retomber sur lui...”?

“Selon le fixé, le fils de l'homme s'avance, mais oi! à celui par qui il a été livré”. Lc 22:22
De ce verset  plusieurs lectures  sont possibles:
1 - Selon la démarche que le Fils de l'homme s'est fixée à lui-même il s'avance.
2 - Selon ce qui a été fixé dans la prophétie...
3 - Selon ce qui a été déterminé par Judas et les grands-prêtres...
4 - Selon ce qui a été déterminé par Dieu....

La première proposition qui  correspond aux annonces de Jésus sur sa Passion est à privilégier. La dernière est improbable en considération de la menace formulée "oï à celui...”.
Cette menace était déjà très vive dans la conclusion de la parabole des vignerons homicides:
« une pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue tête d'angle; quiconque tombant sur cette pierre là sera brisé; celui sur qui, elle tombera, elle l'écrasera!» Lc 20,17-18; c'était une parabole d'avertissement à travers laquelle Jésus explicitait le sens de sa montée à Jérusalem et de son entrée dans le Temple:
«13 - Alors le seigneur de la vigne dit: "que vais-je faire? J'enverrai mon fils, le bien-aimé; le cas échéant , devant lui seront-ils pris d' un sentiment de respect! »
Le Père n'avait pas envoyé le Fils pour qu'il soit mis à mort, mais pour qu'en sa présence les autorités du Temple se convertissent.


Toutes les paroles citées sont issues de l'Evangile de Luc .

Par contre  Marc voyait dans la prophétie d'Isaïe une expression de la volonté divine, si bien que la menace qui concluait la parabole des vignerons homicides disparaissait au profit du vouloir divin:  «C'est d'auprès du Seigneur que celle-ci - la pierre rejetée des bâtisseurs - est devenue - tête d'angle -, et elle est étonnante à nos yeux». Mk 12:11
En ne donnant plus au fils du maître de la vigne le titre messianique  "bien-aimé", Mattthieu qui, par ailleurs  suivait Marc, évitait d'avoir à  considérer  l'épisode comme une parabole de Jésus sur lui-même.



L' EFFICACITÉ


La prophétie d'Isaïe prêtait une efficacité à la souffrance du Messie: dans ses blessures nous trouvons la guérison; guérison physique comme l'avait souligné Matthieu, mais aussi et surtout morale et spirituelle.
Luc écrivait que ceux qui étaient venus “zyeuter” la crucifixion en repartaient en se frappant la poitrine, signe de leur repentir ; un repentir à souligner d'autant qu'autour de la croix, les passants n'avaient pas hésité à injurier les crucifiés. À l'origine de ce retournement il faudrait voir la façon dont Jésus mourut en remettant dans un grand cri de confiance son âme entre les mains du Père. Cela  impressionna le centurion et la foule présente.
Le soir de sa résurrection Jésus invita ses disciples à annoncer en son nom le repentir et le pardon des péchés. La Pentecôte ciqnquante jours plus tard était la manifestation concrète du repentir et du pardon.

Marc et  Matthieu lisaient l' efficacité de la mort du Seigneur à la lumière de l'Epître aux Hébreux:
«Le fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon contre beaucoup.» Mc 10:45

 

LE      SACRIFICE

 «Si vous  donnez   au sujet du péché, votre vie verra une postérité  prolongée de vie » Is 53:10 Ce verset, qui suit le texte de la LXX, suppose la conversion des hommes à travers laquelle sera assuré le relèvement du serviteur souffrant.
Le texte hébreu offre la leçon
:
אִם־תָּשִׂ֤ים אָשָׁם֙ נַפְשֹׁ֔ו = Si tu offres (autre leçon avec s'il offre) son âme en sacrifice pour le péché,  qu'André Chouraqui traduit: si son être se met en coulpe. Déjà au temps de Jésus, la juste compréhension du verset faisait problème, sinon l'auteur de l'Épître aux Hébreux se serait appuyé sur le texte hébreu.



ARRIÈRE  SATAN


Comme Pierre réprimandait Jésus quand il annonçait sa Passion, celui-ci, à son tour, l'aurait réprimandé et dit (ou en disant D05,W):
“Passe derrière-moi Satan car tu ne penses pas les [choses] de Dieu mais celles  des humains."Mc8:33” 

La retouche au texte  manifeste qu'on ne savait pas bien si Jésus avait traité Pierre de Satan ou s'il s'était adressé à Satan lui-même de la même manière qu'il s'adressait aux esprits impurs pour les expulser.  La leçon la plus ancienne D, W est appuyée par Matthieu qui précisait bien que Jésus parlait à Pierre qui avait tenté de  détourner Jésus de sa résolution.
Mais pourquoi  traiter ainsi Piere?
Marc n'avait pas  répercuté cette  parole dite pendant le dernier repas:
"Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le blé, mais j'ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas” Lc 22:31

Il n'avait pas répercuté non plus  le dialogue en désert rédigé par Luc, quand Jésus, éprouvé par l'emprisonnement de Jean se voyait proposer par Satan de faire acte de puissance, sinon de s'incliner devant lui, sinon encore de mettre Dieu à l'épreuve. Pour Luc en effet Jésus fut soumis à une forte tentation et, moyennant la prière, il accepta que ses disciples le soient aussi, vis à vis de lui.
Or ce schéma se retrouve inversé sous la plume de Marc qui a  reporté
la tentation   sur l'affrontement entre Pierre et Jésus, épisode absent de Luc. Ce n'étaient plus les Apôtres qui comme leur maître allaient être soumis à la tentation, mais Pierre qui devenait  figure du tentateur.
Alors que Luc présentait Pierre comme l'ami le plus fidèle mais qui au dernier moment buttait sur l'obstacle, Marc le dépeignait avec une certaine rusticité incapable de saisir les mouvements du coeur de Jésus.



CONCLURE  ?


La demande de sacrifier Isaac émanait d'un Dieu impersonnel (ha-Elohim = les dieux), obligeant YHWH LE SEIGNEUR à se manifester pour arrêter le bras d'Abraham. De même la mort du Christ émanait d'une volonté impersonnelle: “il faut pour le Fils de l'homme souffrir...“
C'est en remettant sa vie entre les mains du Père dans la confiance, manifestant leur unité au-delà de la mort, et en se levant le troisième jour comme il l'avait annoncé, que le Christ a révélé la compassion divine.

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