9-28 :
Le
Christ ...apparaîtra un seconde fois
Jésus doit-il venir une nouvelle fois dans le monde?
Le Chrétien attend un second avènement du Christ. Selon quelles
prophéties?
Jean, lorsqu'il était en prison s'interrogeant à ce sujet fit
demander à Jésus:
“es-tu le venant
ou autre (allon) attendons-nous?” (Lc 7:19). Jean se
demandait si Jésus ne devait pas se manifester d'une manière “autre”.
Et, sur la montagne, Jésus apparut à sesdisciples avec un visage
“autre”
(allon), répondant
ainsi à la question posée (Lc 9:29). Celle-ci la lui avait été
présentée par deux envoyés, mais avec une nuance qui révélait leur
propre compréhension du sujet:
“es-tu
celui qui vient ou autre (eteron = un second) attendons-nous?”Lc
7:19D05. Ils avaient répercuté l'attente discernable dans les
manuscrits de la Mer Morte d'un messie royal et d' un messie
sacerdotal selon deux personnages distincts. Or ces deux envoyés
étaient très probablement les deux qui furent présentés pour remplacer
Judas, à savoir
Barnabé et Matthias,
puisqu'ils correspondaient au critère demandé: “avoir suivi depuis le
baptême de Jean”.
L'auteur de l'épître unissant le principe de deux messies au principe
d'un avènement de Jésus sous une forme autre, était dans l'attente
d'un second avènement du Christ, si bien qu'il passait la
résurrection sous silence, ou presque.
2-1:“C'est
pourquoi il importe que nous prêtions bien plus d'attention aux
choses entendues”,
l'auteur venait de citer le verset du Psaume 110 que Jésus avait
repris à son compte en parlant du Messie Davidique (Lc 20:43) et il
semblait se ranger parmi ses témoins. Cependant il ajoutait:
3 Le salut fut confirmé pour
nous par les ayants-entendu:
Avait-il été oui ou non parmi les témoins de la première heure?
Comment croiser ce verset avec le précédent? Cela posait problème
puisque le verset 2-1 fut retiré de quelques manuscrits tardifs (X
et XIV s.). On se trouve devant la subtilité du prologue où Luc
parlait d'évènements accomplis “parmi nous", que “nous ont transmis
ceux qui ont vu par eux mêmes”. Entendre le témoignage des autres
n'empêche pas d'avoir été témoin soi -mêem, mais dans les deux cas,
les auteurs ont préféré considérer ces “nous” comme des exhortations
de caractère général, où l'auteur s'incluait pour des raisons
pédagogiques ou spirituelles, sans avoir été directement concerné.
Cependant, si le rédacteur de l'épître était Barnabé, et s'il fut
témoin de l'enseignement donné par Jean dans le Jourdain, il n'en
restait pas moins redevable aux Apôtres de lui avoir fait part de
leurs premiers moments avec le Christ avant que lui-même ne devienne
l'un des (Soixante-douze) disciples après la mort de Jean. De leur
bouche il reçut vraisemblablement connaissance de la manifestation
glorieuse de Jésus entre Moïse et Elie sur la montagne et de la
parole entendue par eux: “Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui
j'ai mis ma complaisance, écoutez-le!”. Parole confirmant
celle entendue lors du baptême de Jésus.
2-12 Je dirai des hymnes pour toi:
le verbe est assez peu fréquent dans le NT pour être relevé à propos
du Lévite qu'était Barnabé. Au temple, les Lévites assuraient la
récitation des psaumes.
4-2b la parole prêchée:
Littéralement, parole de l'écoute, c'est à dire une parole transmise
oralement, une parole de la tradition orale.
9
-1-6 La première (alliance) avait un sanctuaire terrestre ... une
tente fut installée ... les prêtres entrent
Les premiers versets du chapitre IX décrivent non le temple de
Jérusalem mais la tente de la rencontre de l'époque de l' Exode,
comme modèle des réalités d'En-Haut; c'est pourquoi les verbes
étaient à l'imparfait; mais si l'auteur revenait au présent pour
parler au v.6 de l'action accomplie par les prêtres au moment où il
écrivait, c'est bien parce que ceux-ci continuaient à offrir des
sacrifices dans un temple qui était encore debout; sinon il aurait
utilisé l'imparfait à leur propos. Il écrivait avant 70.
9-8 tant que la
première tente existe:
Le verbe est au présent; la première tente devenue le temple était
toujours debout; l'auteur n'avait pas vu sa ruine. Il considérait le
temple comme une parabole, jusqu'au temps du “redressement” (diorthôsis
9:10). Thème repris par l'évangéliste Marc qui, sentant venir les
évènements, attendait objectivement la destruction du temple pour
voir s'en rebâtir un nouveau, non fait de main d'homme (Mc 13,2
D05).
10:33 donnés en spectacle:
Littéralement: théâtralisés. Le
terme assez rare est employé de manière générique pour une personne
produite en public. Paul à
Ephèse dut affonter la foule rassemblée dans le théâtre. Il serait
abusif d'établir un lien direct avec les jeux du cirque auxquels les
chrétiens furent soumis sous Néron et Domitien. Après la persécution
du temps d'Étienne qui visait les synagogues avec emprisonnement et
disparitions à l'insu de l'autorité civile, la persécution d'Agrippa
I contre Jacques et Pierre revêtit un caractère public et celle de
Claude contre les Chrétiens de Rome vers 51 s' accompagna,
forcément, de la spoliation de leurs biens.
13:7 le résultat de leur
comportement:
Les deux termes étaient repris séparément par Paul; ekbasis en
1Co10:13 comme “voie d'issue” et ailleurs à plusieurs reprises
anastrophê avec le sens de “conduite ancienne”. L'expression a été
comprise comme marquant la fin de vie des dirigeants de la
communauté. Que leur attitude ait été exemplaire ne signifiait pas
pour autant qu'ils aient succombé jusqu'à être enterrés sous la
couronne du martyr; or ce verset est invoqué pour dire que l'auteur
appartenait à la seconde génération de Chrétiens, les premiers
dirigeants étant morts. C'est une interprétation.
13:21
et 25 : Amen!
Le premier Amen paraissait terminer la lettre. Un second, qui n'est
que dans la moitié des manuscrits , mêem s'il est davantage là où on
l'attend, pourrait avoir été rajouté tardivement. En effet "la
grâce avec vous" termine habituellement les lettres de Paul, mais
pas le Amen. C'est ce qui a laissé penser qu'il avait été détenteur
d'une lettre écrite par un autre et qu'il l'aurait adressée à une
communauté en ajoutant sa propre salutation. Peut-être se
trouvait-il alors à Corinthe avec Aquila et Prisca venus d'Italie.
1-2 Il nous a parlé en un fils:
Surprend l'absence de l'article défini devant “fils” comme une
réflexion sur la nature et l'intensité de la filiation comme en 5:8 et
7:28: était-elle d'ordre spirituel, adoptive ou bien réelle? À
Rapprocher de cette parole de Jésus :
Personne ne connaît qui
est le Fils sinon le Père, (Lc 10,22)
.
1-2qu'il a établi héritier
de tout:
L' héritage vient d'une succession à la mort d'un
parent. Le français comme le grec donne au terme une acception
étroite. Mais l' emploi par la LXX s'est élargi au sens de l'Hébreu
Iaresh
qui signifie plus généralement
entrer en possession (de là
hériter
d'une succession, avoir en partage). Le choix du terme en He 1,2
et 4 a pu être commandé par la phrase"
je te donnerai des nations en
héritage, pour jouissance les extrémités de la terre" qui est
le verset 8 du Psaume 2 cité explicitement au v. 5.
- Héritier de tout , correspondrait à la parole de
Jésus:
Tout me fut remis par le Père (Lc 10:22). Paul reprit
le terme, mais dans sa juste acceptation en parlant des fidèles comme
héritiers du Christ, qui à la différence de Dieu-Père, connut la
mort.
1-3 “réverbération
de sa gloire”:
AP-AUGASMA:
éclat lumineux à partir de, d'où
réverbération
; c'était une référence au livre de la Sagesse
:
La sagesse est une effluve de la puissance de Dieu, une pure
irradiation de la gloire du Tout-Puissant, nulle souillure ne se
glisse en elle, elle est réverbération de la
lumière éternelle...et image de sa bonté"Sg 7,25-26
.
Le Christ qui s'était montré à trois de ses disciples dans un vêtement
d'éclair (Lc 9,29) se disait être cet éclair même lors de son
Jour :
"Comme l'éclair jaillissant brille d'un bout de l'horizon à
l'autre, ainsi le Fils de l'homme dans son Jour. Mais il faut
auparavant qu'il souffre beaucoup et soit rejeté de cette
génération"(Lc 17,24).
1-3
"empreinte de sa substance"
:
XARAKTHR,
ce qui est gravé dans, une empreinte; c'était plus
fort que l'idée d'image . Ces mots trouvent un écho dans les hymnes
liturgiques gardées par Paul :
en forme de Dieu...égal à Dieu
(Ph 2,6-9);
habite corporellement en lui la plénitude de la
divinité (Col 2:9). Paul, pour sa part, reprenant la Sagesse,
voyait en Jésus l'
image de Dieu (2Co4,4)
1-3 à la droite
de la majesté:
Un rappel de la parole du Christ devant le sanhédrin:
“Vous verrez
le Fils de l'homme siéger à la droite de la puissance”.Lc 22,69
1-4 Il
a hérité d'un nom :
Celui de Fils
. (plutôt qu'une l'identification au Nom YHWH
comme en Luc 2:21)
Le thème du nom réapparaît dans l'hymne transmis par Paul dans son
épître aux Philippiens:
"Il lui a donné le nom au-dessus de tout
nom"Ph 2:9, où le nom est celui de
"Seigneur Jésus Christ"
Ph2:11, qui rejoint la confession de foi apostolique. L' hymne qui
est bien dans la mouvance de l'épître aux Hébreux est
vraisemblablement du même auteur, soit qu'il manifeste un stade
ultérieur de sa pensée, soit - et ce qui est plus probable - qu'il ait
été retouché par Paul.
1-5 Je t'ai engendré :
Un anthropomorphisme qui se trouve en Luc 3,21 selon D05 et
l'Itala; la citation est ici en lien avec la venue au monde du Fils
premier né (v6). Un peu plus loin en He 5,5 ce même verbe était, comme
dans le Psaume qu'il citait (2,7), pris au sens d'une paternité
adoptive et associé à l'onction messianique, royale et sacerdotale.
Paul, s'éloignant de ces lectures, y voyait une image de la
résurrection du Christ par le Père (cf Ac13,33).
Le verbe (Hebr
holid) aurait été lu, avant qu'il ne s'efface,
en 1Q28a/2 (?)11:
"Procédure pour la [réu]nion des hommes renommés
[...]au banquet tenu par la communauté du Yahad quand [Dieu] aura
en[gen]dré le Messie".
Manifesté a semblé davantage
crédible à d'autres.
1-6
Le premier-né :
Luc avait écrit que Marie mit au monde son fils
"le premier-né"(Lc
2,7). Le premier-né était une des caractéristiques accompagnant le
titre du Messie dit
"Fils de Joseph",
car le Joseph de la Bible avait été béni par son père comme son
taureau "premier-né"(Dt 33:17); premier-né de Rachel et fils préféré
de Jacob, il s'imposa finalement à ses frères comme leur aîné. Le
Psaume 89 donnait ce rang au Messie Fils de David:
J'ai conclu une
alliance avec mon élu jurant à David mon serviteur: j'établis ta
lignée pour toujours...Lui m'appellera mon père...et moi je
l'instituerai premier-né, le très-haut parmi les rois de la terre."
Le psalmiste unifiait sous un seul chef le messie fils de David et
fils de Joseph. Ce titre est encore sur un fragment des manuscrits de
la Mer Morte: "
1Ton Nom; tu assignas son héritage afin
de pouvoir y établir ton Nom...6 dans la lumière
éternelle, et Tu le nommas ton fils premier-[né, Personne ne peut]7l'égaler
comme prince et maître de ton monde habité..." 4Q369; 1col 2.
Pour le Midrash, Shemoth Rabbah 19.7 le “premier-né” était
Jacob-Israël, ou le peuple selon Ex 4:22
L'expression
"premier-né de toutes créatures" de l'hymne
transmise par Paul(Col 1,13-20) fait référence à ce verset de l'épître
aux Hébreux, mais son sens obvie un peu différent devrait être traduit
par “prototype”:
"Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né
(le prototype) de toute créature".
Le premier-né renvoie aussi à une image sous-jacente à l'épître: la
mort des
premiers-nés des égyptiens
1-8: Mais
quant aux Fils (il dit): “Ton trône, ô Dieu, demeure aux siècles des
siècles; c'est un sceptre de droiture que le sceptre de ton règne”.
À travers cette citation l'auteur égalait le Fils au Père, comme Dieu.
1:9 - L'impiété,
Littéralement la “non-loi”, un terme qui se retrouve en Luc dans cette
phrase "
écartez-vous de moi vous artisans de la non-loi".
1-10 Toi Seigneur tu as fondé la
terre:
Citation du Ps 102,26. Qui en était le sujet, Dieu ou son Messie?
Dans la façon d'intégrer la citation au texte, l'identification du
sujet n'était pas plus claire qu'au v.7. Le v.10 du chapitre suivant
posait clairement comme cause et agent de la Création Dieu lui-même
(He 2:10). Par contre ce rôle était reconnu au Christ dans l'hymne
gardée par l'épître aux Colossiens "
tout a été créé par lui et pour
lui"(Col 1,16
).
1-11 [Terre et cieux]
périront, Toi tu subsistes: reflet de la parole de Jésus:
"Ciel et terre passeront, mes paroles ne passeront pas" Lc
21,33
1-13: Siège à ma droite:
Ps 110 cité par Jésus lui-même , s'adressant aux Sadducéens à propos
du titre davidique du Messie (Lc 20,42).
2-6 Qu'est-ce que le fils
d'homme?:
Citation du Psaume 8 qui parlait de l'homme en général, de tout humain
né d'un autre humain; l'auteur de l'épître, jouant sur les mots, y
voyait Jésus sous son titre
“le Fils de l' homme”,
(Lc 5,24) mais sans ajouter l'article dans la citation.
2:14
Puisque
les enfants ont en commun le sang et la chair, lui
pareillement a partagé les mêmes conditions, afin par la
mort de rendre impuissant celui qui avait la domination de la mort
-
Pour
avoir besoin de préciser cela, l'auteur ne se figurait pas le Christ
comme un simple homme divinisé par Dieu, mais comme issu de Dieu et
venant partager la condition humaine avec des frères. Il donnait un
sens à l'incarnation: la puissance sur la mort. Qu'il ait pris la
condition d'esclave, se faisant semblable aux hommes était une
affirmation de l'hymne de Philippiens 2,7.
3-3 celui qui organise:
Le verbe grec (kataskeuazô) concerne la construction intérieure d'une
ville d'un édifice etc, son aménagement interne. La maison est à
prendre bien sûr au sens de famille. Comme au chapitre
premier
à propos du créateur le sujet du verbe passe de Jésus à Dieu au v.4,
suggérant, mais sans l'énoncer, l'équation entre Jésus et Dieu.
4-1 son repos: Dieu s'était
reposé au septième jour, ce que commémorait le repos sabbatique. Le
terme est en Lc 16,D05 avec Lazare
reposant dans le sein
d'Abraham.
7-14 il est manifeste que notre
Seigneur a surgi de Juda:
Le
Maître de Justice était sensé, lui
aussi, relever de la tribu de Juda et ses partisans auraient vu en lui
le Messie roi et prêtre devant venir à la fin des temps. Se focalisant
sur la tribu, l'auteur de l'épître évitait soigneusement la maison
dont le Christ était issu à l'intérieur de la tribu; pour se faire Luc
avait choisi l'allusion
: Il a fait
retentir la corne du Salut dans la maison de David son serviteur. Lc
1:69
.
Il s'était arrangé de manière à ne pas dire explicitement que Jésus
relevait de cette tribu, mais Joseph et que, si Jésus était fils de
David, il n'en était pas moins son seigneur.
1-6 Il dit: Que devant lui se prosternent
les anges : se prosterner étant réservé à l'acte
d'adoration de Dieu, et de Dieu seul, comme le rappelait Luc (4,8) qui
gardait le verbe à ce seul usage, l'auteur de l'épître faisait du
Chist l'égal de Dieu. Il se basait des exhortations comme
"prosternez-vous
devant lui vous toutes les divinités! (Ps 96) ou du Psaume 2 v
12:
rois, rendez hommage au Fils; ou encore
"Que se
prosternent les fils de Dieu devant lui et que les anges de Dieu
soient forts pour lui" Dt 32,43 selon le document de Qumrân qui
respecte la hiérarchie entre les humains (fils de Dieu) et les Anges.
Mais en présentant Dieu intimant directement aux anges l'ordre de se
prosterner devant le premier-né, marquait-il assez de déférence envers
eux?
Paul s'est servi du verbe
se prosterner pour un nouvel
arrivant dans l'assemblée qui, surpris par une prophétie, se mettait à
adorer Dieu (1Co14,25). Mais on ne voit pas qu'il ait invité à se
prosterner devant le Christ.
1:7
- Faisant de ses anges des souffles, (peut
se lire également:
faisant des vents ses messagers / anges).
Le lecteur ne sait s'il doit considérer comme sujet du verbe Dieu ou
bien le Fils. L'adaptation du Psaume 104:4 aux Anges ne jouait pas en
leur faveur, les rabaissant à l'état d'instruments entre les mains
divines sinon à de simples diacres des hommes (v14). Si par ce
mouvement s'inscrivait une hiérarchie de nature entre le Christ et les
Anges , d'un autre côté s'inscrivait une dépréciation qui n'est ni
chez Luc ni chez Paul ni dans les autres livres du NT; c'est à se
demander si l'auteur ne se rattachait pas aux Sadducéens - dont
Barnabé pouvait être un tenant en tant que Lévite - qui se tenaient à
distance des idées tant esséniennes que pharisiennes sur les anges et
les esprits (Ac 23:8).
2-2 une parole dite par des anges
: généralement comprise comme la parole donnée à Moïse sur le Sinaï,
la Torah.
1-3 la purification
des péchés:
Cette expression est en Job 7,21 et dans le Testament de Levi; elle
est heureusement peu fréquente car elle est peu adroite; en effet ce
ne sont pas les péchés qui sont à purifier mais la personne qui est à
purifier de ses péchés (une maladresse qui n'est pas sans rappeler
la
guérison des maladies). Dans les manuscrits de la Mer Morte le
thème de la purification revient souvent
“Tu as purifié l'esprit
perverti d'une grande faute”(1QH col11,21; également
4Q284,fr3,5, 4Q512 col 7, fr 29-32, 9)
2-2 une juste rétribution
salariale :
Traduction littérale de
misthapodosia, un hapax legomenon.
L'auteur de l'épître qualifiait de
rétribution salariale
les châtiments encourus par les Hébreux pour avoir médit de Moïse et
d'Aaron; ils s'étaient attiré des fléaux, comme la morsure de serpents
(Nb 21). Le châtiment intervient pour réprimer un acte mauvais ou
criminel quand il ne vise pas l'expiation d'une faute ou la correction
d'une attitude en vue d'une réintégration au sein de la communauté;
mais un châtiment n'est pas synonyme de rétribution salariale. Le
terme
misqapodosia réapparaît en 10:35 et cette fois dans le
sens attendu, de récompense. Son emploi ici serait sujet à caution.
2-9 par grâce de Dieu, pour tout un
chacun, il a goûté la mort:
goûter la mort, une expression employée par les Rabbins à
propos de Moïse : face à la terre promise, Dieu l'aurait, par un
baiser divin, couché dans la mort; le lieu de sa sépulture ne fut pas
connu. Moïse fut le premier avec Elie à fouler la terre promise de la
Résurrection.
À leur propos, Jésus avait dit qu'ils ne
goûteraient pas la mort
avant d'avoir vu la royauté de Dieu manifestée avec puissance;
après avoir contemplé son visage devenu autre, ils furent soustraits
aux regards en entrant dans la nuée. Elie comme Hénoch évoqué un peu
plus loin (He 9,2) n'aurait pas connu la mort, sinon une mort que lui
aurait donné de goûter la main du Ciel.
Face à ces exemples, il est clair que l'expression
goûter la mort
ne s'adapte pas à la mort ignomigneuse du Christ. Si le Christ,
en remettant son esprit entre les mains du Père, s'est laissé emporter
par le baiser divin, il convient de dissocier cet évènement précis de
la façon dont la mort lui fut infligée par les humains et qui elle
reste un meurtre. Le passer sous silence permettait de mettre cette
mort sous le sceau de la grâce divine.
6-4 ayant goûté le don céleste:
Le verbe est pris là encore au sens figuré, mais dans son “juste”
sens qui est positif; le
don céleste est celui du Saint
Esprit. (Ac 2,38; 8,20 etc).
2-10 : Il convenait que...à
travers ses souffrances:
Ce verset était un rappel de l'engagement pris quatre fois par Jésus
(Lc 9:22,44; 17:25; 18:33) puis rappelé trois fois (Lc 24:7,26 et 46)
de ne pas se soustraire à ce que les hommes avaient préparé pour lui;
et une seule fois, il avait parlé de sa gloire plutôt que de sa
résurrection:
“Ne fallait-il pas pour le Christ souffrir et
entrer dans sa gloire?” (Lc 24,26 ).
La Bible de Jérusalem donne de ce verset la traduction suivante :
"Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour
entrer dans sa gloire?"
La souffrance “endurée” serait condition de la gloire.
En fait l'auteur de l'épître aux Hébreux avait écrit au verset
précédent que Jésus avait été couronné de gloire
parce qu'il
avait souffert la mort. Son entrée en gloire était donc la
récompense
de son martyr. Mais irait-on dire que la résurrection ait été, elle
aussi, une
récompense? N'était-elle pas plutôt une
restauration rendue nécessaire après la souffrance infligée par les
humains? En évitant ici la notion de Résurrection, l'auteur de
l'épître aux Hébreux valorisait dans la mort de Jésus l'aspect du
martyr, parce que celui-ci aurait été nécessaire.
2-5 :
le monde à venir:
Littéralement le monde habité sur le point d'advenir ; la précision
“celui dont nous parlons” l'identifiait au monde sauvé par le Christ.
De manière plus vague les auteurs du NT parlent de l'ère à venir ou de
ce qui vient.
2-8 tu as tout soumis sous ses pieds:
Citation du Psaume 8 v.7; que “tout” ait été soumis au Christ revient
par trois fois (et 2 fois au v 10) avec une insistance qui va jusqu'à
faire dire à l'auteur que Dieu ne lui avait rien laissé d'insoumis. Ce
n'était plus de l'homme en général dont il était question, comme dans
le Psaume, mais du Christ. Paul en 1Co15,27 en reprenant ce thème , ne
prenait pas soin de se justifier en citant le Psaume qui en était le
support; il se contentait d'allusions se faisant l'écho de l'épître
aux Hébreux.
2-14 Le diable qui avait la
domination sur la mort:
En arrière fond se détache la tentation présentée depuis le faîte du
temple par le diable disant à Jésus “jette-toi en bas” , l'incitant à
vaincre la mort par une intervention extérieure. La repoussant, Jésus
a offert aux humains de vaincre leur propre mort à travers sa passion
et sa résurrection.
2-16: Il aide la semence d'Abraham:
Qui éait concerné par le salut apporté par Jésus? Comme Luc, l'auteur
de l'épître aux Hébreux élargissait le champ des fils d'Israël aux
fils d'Abraham. À deux reprises, en effet, Jésus avait fait bénéficier
du salut deux personnes, en insistant sur leur filiation par rapport à
Abraham: une femme courbée dans une synagogue (Lc 13,10) et le
collecteur d'impôts, Zachée(Lc 19,9). Dans la descendance d'Abraham se
laissaient inclure les Samaritains que Jésus avait mis à l'honneur
dans sa prédication et auxquels s'adressèrent les Apôtres après la
persécution d'Etienne.
En commentant ce passage dans son épître aux Romains (ch 5 et 6), Paul
étendait le salut aux fils d'Adam, c'est à-dire à tous les humains
sans exclusion. De toute évidence, son épître était beaucoup plus
tardive que celle aux Hébreux rédigée avant que la prédication
apostolique ne gagne les Païens.
2-17 il devait être semblable en tout à ses frères en vue d'“ilaskomai”
les fautes:
Le verbe
ilaskomai
signifie:
apaiser la colère, se rendre favorable par des
sacrifices; dans la LXX il recouvre l' hébreu
Kipour,
qu'il convient de traduire par
couvrir la faute, pardonner
comme dans le Psaume 64(65):4, où Dieu est celui qui couvre les
fautes, qui les pardonne quand ce sont des fautes involontaires.
Pourtant le verset qui fait suite impose un autre sens:
2-18 ayant
souffert pour avoir été mis à l'épreuve il peut venir en aide aux
éprouvés:
Jésus ne venait pas pour
pardonner mais il venait souffrir pour expier. Cette phrase impose de
donner à
ilaskomai le sens
du verbe
ekthuô :
expier
une faute par un châtiment ; apaiser la colère encourue; détourner
par un sacrifice l'effet d'un prodige; exercer une vengeance.
Exemples dans le Latin correspondant, plus fréquent-
expiatus
dolor: douleur vengée. -
expiatae victoriis clades :
défaites vengées par des victoires. -
alicujus supplicio religionem
expiare : punir le sacrilège de qqn. La faute d'Hélène ne
pouvait être expiée que par le sacrifice d'Hyphigénie (Galius Junius
Hyginus, la guerre de Troie).
"tes crimes, les dieux immortels les
ont expiés dans nos soldats" Cicéron (Orationes 45, Pis 85).
La pensée de l'auteur était plus proche du verbe
ekthuô
et de son corrélat latin; mais comme il n'était pas dans la LXX, à
laquelle sans cesse il se référait, il a eu recours à
ilaskomai.
Mais se rendait-il compte qu'en se conformant à ce
vocabulaire, il conférait au verbe
ilaskomai un sens qui n'était pas le sien?
Cet emploi eut des répercussions sur la manière de traduire la Bible
et de comprendre le rituel du temple.
-
en ce qu'il a souffert: verbe PASXW.
Les dieux immortels des païens étaient sensés ne pas éprouver les
sentiments ni les souffrances des humains; c'est pourquoi Barnabé, et
Paul avec lui, conjurant les gens de Lystres de ne pas leur offrir un
sacrifice s'écriaient :
"hommes qu'allez-vous faire? Nous aussi,
nous sommes des hommes de même pathos que
vous, vous apportant la bonne nouvelle de Dieu, de sorte que
loin de ces vanités vous vous tourniez vers le Dieu vivant, qui a
fait le ciel, la terre, la mer, et tout ce qui est en eux. (Ac
14:14-15).
Par sa souffrance Le Christ rendait compte de sa nature humaine.
4-3 s'ils
entreront dans mon repos! tournure sémitique
généralement rendue par une négation: ils n'entreront pas dans mon
repos! formulation similaire en Mc8: 12; LXX, Gen. xiv. 23; Deut. 1.
35; 1 Rois 1 :51; 2. 8.
5:7 des prières et des
supplications:
Le deuxième terme se trouve deux fois dans la LXX pour des
supplications hypocrites présentées par l'adversaire (IKETHRIA Job
40:27; 2M 9:18) ; il correspondait à un rite grec où un suppliant
parce qu'il était en danger de mort, portait un rameau d'olivier
permettant de l'identifier comme tel. Pour un Hébreu ce rite était
profane, païen. L'auteur de l'épître pour avoir cotôyé ce genre de
coutumes et les intégrer à son discours, était vraisemblablement de la
Diaspora. Il prenait la prière de Jésus pour un cri et sa sueur de
sang pour des larmes. Son combat intérieur devenait la supplication de
celui qui craignait de mourir. Cette interprétation eut des
répercussions sur l'évangéliste Marc qui reprit en la
"retournant"
la prière de Jésus synthétisée par Luc . Son combat n'était pas la
peur de sa mort, mais l'infinie sensibilité aux répercussions sur le
Père de ce qu'il allait vivre.
6-6 ceux qui sont
retombés: De qui parlait l'auteur? de cas précis, connus
de lui? En les comparant ensuite à la terre qui produit ronces et
épines, il reprenait la parabole du semeur à travers laquelle Jésus
mettait en garde ceux qui
avaient suivi (dont Judas) de se
voir ôter par le diable la parole semée en eux (Lc 8:12 D05).
6:18-19 l'ancre de l'espérance...
qui pénètre à l'intérieur [au delà] du voile: Deux images
se superposent: avec l'ancre surgit celle de la voile du navire (
katapetasma
étant un voile tendu d'en haut); sinon le voile du temple (terme
adopté par la LXX) se fendant par le milieu, signe de la mort du
Christ (Lc 23:45). Déchirement et révélation.
9-7 les inadvertances du peuple:
Agnoêma, litt. sans connaissance soit les fautes commises
involontairement, par ignorance des prescriptions. Les péchés dont le
fidèle trouvait réparation par un sacrifice étaient les fautes
involontaires ; les principes de base étaient les suivants:
- Jamais un sacrifice n'était offert
au temple pour une faute commise volontairement ou avec
préméditation.
- Le sacrifice n'avait pas pour objet de se concilier la divinité ni
d'apaiser son courroux, ni - à la différence des cultes païens - de
lire des présages à travers la vivisection. Son but était de
permettre aux Israélites de se rapprocher de Dieu et de reprendre
leur place dans l'assemblée. Il y avait les sacrifices d'offrande
comme la ôla (holocauste) quand une faute avait été commise en
pensée ou quand une mitsva avait été oubliée. La ôla-tamid ou tamid,
offrande perpétuelle deux fois par jour. Les sacrifices d'amendement
d'une faute involontaire (kipourim) , les sacrifices de culpabilité
ou acham (Lev 5,1-5), les sacrifices de gratitude (chalem au
singulier, chélamim au pluriel) , les offrandes de voeux (Nb
6:17-20), les dons de consécration de quelque chose.
- Les fautes graves étaient punies de peines prévues par la Torah
(comme la peine du Karet, ou retranchement de la communauté et la
peine de mort) quand elles n'étaient pas traitées au civil.
9-12 par son propre sang...
obtenant un rachat pour l'éternité
9-15 la mort étant survenue en
rançon des transgressions de la première alliance:
Lutrôsis, le rachat,
apolutrôsis,
une délivrance obtenue contre rançon. Ce dernier terme est en Luc
lorsque Jésus invitait à gagner sa vie dans l'endurance; grâce à cela
le fidèle connaîtrait la délivrance (Lc 21,19 et 28). De là, l'idée
de rachat ou d
'économie du salut.
Les transgressions (
parabasis): le terme désignait en He2,2 la
révolte des Hébreux contre Moïse et Aaron , ce qui leur valut un
châtiment; faute volontaire elle ne pouvait être absoute par les
sacrifices.
9-13 si le sang des
boucs... sanctifie en vue de la pureté de la chair:
Les sacrifices étaient offerts pour réparer les impuretés contractées
notamment par la proximité d'un mort ou les écoulements sexuels. Les
sacrifices offerts étaient efficaces pour ces fautes qui étaient
involontaires; c'est ce que l'auteur de l'épître qualifiait d'oeuvres
mortes (v14).
9:20 Voici le sang de
l'Alliance que Dieu a ordonnée pour vous.
Ces paroles de Moïse citées dans l'épître sont en Marc lors de la
bénédiction de la coupe eucharistique.
9:23 les
réalités célestes, [doivent l'être] par de meilleurs sacrifices
que ceux-là.
Le verbe est sous entendu ; c'est celui de la phrase précédente,
être
purifié, puisque cette phrase-ci lui est comparée
. Les
réalités célestes devaient-elles être purifiées et de quoi?
9-24 Le Christ n'es
pas entré dans un sanctuaire fait par la main copie du Véritable:
Selon les documents de la Mer Morte, le Temple de Jérusalem n' était
qu'une image du Temple céleste constitué d'êtres divins dont certains
dès ici bas avaient goûté la splendeur (Chants des Sabbats);
En annonçant un temple construit sans les mains, l'évangéliste Marc
pouvait s'être référé à l'épître ((Mc13,2D05).
9-26 il a été manifesté pour la
mise à l'écart du péché par son propre sacrifice
Athetêsis, est un terme rare, littéralement “sans situation”;
dans la LXX le terme décrit la situation extrême de personnes
maltraitées, niées en tant que personnes. En subissant la haine et le
mépris des humains, le Christ a en quelque sorte enseveli, anéanti
leurs fautes. Paul en 2Co5:14-21 développant cette thématique de
l'épître dira que Dieu n'a pas
compté leurs fautes aux hommes
mais,
de celui qui n'avait pas connu le péché, il l'a fait péché
pour nous.Comme au v 10:12 l'auteur voyait dans le sacrifice du
Christ une offrande. Le terme était en rapport avec la liturgie du
temple et les sacrifices d'animaux qui y étaient offerts. Mais
jusqu'où se justifie l'emploi du terme “sacrifice”pour parler de
Jésus? - Le sacrifice,
korban en hébreu, avait pour fonction
de rapprocher de Dieu, non d'
expier.
- Il était offert au Temple pour les fautes involontaires; or selon He
9,15 et 10,12 les fautes dont le Christ rachetait étaient celles de la
conscience, les transgressions volontaires et le non respect de la
Loi; tout cela les sacrifices d'animaux ne le réparaient pas.
Aussi la comparaison proposée entre la Passion et les sacrifices
offerts au Temple est contradictoire. Paul a repris le terme
sacrifice plusieurs fois d'un point de vue littéraire à propos du
Christ et dans un sens déjà plus dégagé de la liturgie ou davantage
“spiritualisé”; en Eph 5
,2 par le vocabulaire employé
: Il
s'est livré lui-même pour nous en offrande et sacrifice à Dieu en
parfum d'agréable odeur il comparait la mort de Jésus à
l'holocauste du bélier offert pour la consécration du grand-prêtre (Ex
29,18). En 1 Co5,7:
“Le Christ notre Pâque à été sacrifié”
il créait l'équivalence avec l'agneau pascal qui marquait la
délivrance d'Israël de la main des Egyptiens rejoignant, sur ce thème
de la délivrance, les paroles de la Cène gardées par Luc (Lc
22,15-19); cependant dans un cas comme dans l'autre les allusions
bibliques étaient secondaires par rapport à l'image spirituelle aux
contours flous que percevaient les lecteurs de Paul. Les emplois en Rm
12:1 et Th 2,17, montrent que Paul donnait au terme sacrifice un sens
avant tout spirituel, dégagé des sacrifices d'animaux d'autant qu'il
valorisait le “sacrifice vivant”. Quoiqu'il en soit, selon les
évangélistes, Jésus n'avait pas employé le mot
sacrifice
pour parler de lui. C'est la réflexion faite a-posteriori sur
sa mort qui y a eu recours.
10:3 Mais, à travers eux c'est un
rappel des fautes chaque année:
L'auteur semblait penser au sacrifice de Kipour offert une fois par
an, pour la remise des fautes. C'est alors qu'un bouc émissaire était
chargé des péchés du peuple et envoyé au désert au démon Azazel.
10:4.Il est impossible en effet que
le sang de taureaux et de boucs enlève les fautes:
L'auteur qualifait les sacrifices d'
oeuvres
mortes, portant un jugement de valeur plus définitif qu'aucun
prophète avant lui. Il semblait suivre un procédé littéraire : pour
mettre en valeur le Christ, il rabaissait les réalités liturgiques,
comme il l'avait fait pour les anges, le ministère de Moïse, le
sacerdoce lévitique, et à présent les sacrifices eux-mêmes. Le Christ
en sortait-il grandi?
10:5 Sacrifice et offrande, tu n'as
pas voulu:
Ce verset du psaume est repris deux autres fois par l'auteur aux
versets 8 et 10 sans que cela l'ait retenu d'appliquer deux fois le
terme sacrifice à la mort du Christ.
10:9 Voici, je viens faire ta volonté.
Cette répétition du v7 mettait en évidence l'intention du Christ, en
contraste avec les oblations et les sacrifices dont Dieu n'avait pas
voulu.
10:10 Dans cette
volonté, nous sommes sanctifiés à travers l'offrande du corps de
Jésus Christ, d'un seul coup.
L
'offrande du corps est
peut-être une allusion à l'action de grâce eucharistique. La
sanctification était donnée par l'offrande du corps , et parce que
cette offrande était voulue. Il faut souligner cependant que dans les
annonces de sa Passion, les verbes employés par Jésus étaient au
passif, indiquant une action subie donc non intentionnelle. Seul celui
de sa résurrection à l'actif chez Marc et chez Luc (D05), manifestait
une intention personnelle.
12:2 au mépris de la honte:
L'expression
au mépris de la honte
décrivait-elle avec justesse l'épreuve que le Christ avait
annoncé devoir subir? La honte était la souffrance morale subie par
le crucifié qui avait traversé sa Passion sans se laisser dégrader
moralement ou spirituellement. Ne se laissant pas atteindre par les
crachats et les railleries, il avait dit aux femmes de Jérusalem de ne
pas pleurer sur lui; mais s'il n'avait pas adopté l'attitude de
vengeance que ses accusateurs avaient à son égard, cela ne signifiait
pas qu'elle ne l'avait pas fait intimement souffrir.
12:4 mon
fils ne méprise pas la correction du Seigneur:
Paideia, la
correction donnée par Dieu à tout fils aimé. L'auteur s'inspirait des
Prophètes tout en adaptant son vocabulaire et ses principes au monde
dans lequel il vivait. Le thème sera repris par Paul presque
subrepticement (1Co11:32). Mérite, correction, martyr, sont les
fondements d'une spiritualité forgée dans un contexte de persécutions.
12-8
partenaires de la correction:
Ce sont à la fois ceux qui endossent la correction mais également ceux
qui en déterminent les conditions;
metocoi apparaît pour la
cinquième fois (cf He 1:9; 3:1,14; 6:4). La participation à une même
vocation céleste, implique la participation à la correction
préalable.
13:10 Nous avons un autel
duquel n'ont pas le droit de manger ceux qui servent dans la
tente.
Le verset opposerait, de manière un peu obscure, les
prêtres de l'ancienne alliance aux fidèles de la nouvelle alliance et
à leur autel; si les prêtres qui s'étaient joints à la communauté
étaient empêchés par les autorités de continuer à officier au temple,
de même la communauté n'entendait pas que se joigne à elle des prêtres
officiant encore. Le thème de la participation à l'autel et aux
aliments qui en provenaient fut repris par Paul (1Co9:13) et développé
pour mettre en garde les Corinthiens de ne pas s'associer aux repas où
étaient consomées les viandes offertes aux idoles (1Co10:18) et la
séparation esquissée dans l'épître aux Hébreux entre Israël et les
Chrétiens était reportée sur la séparation des Chrétiens d'avec les
Païens.
13:12 hors de la porte:
Jésus aurait été crucifié en dehors de l'enceinte de la ville, ce que
Jean semblait confirmer en disant qu'il sortit avec sa croix (Jn
19,17). Cette image d'exclusion était offerte à un auditoire
comportant vraisemblablement des prêtres qui se trouvant dans
l'impossibilité d'officier au temple vivaient l' exclusion. Regarder
celle de Jésus, comparé aux sacrifices, était susceptible de les aider
à supporter la situation. Ce verset pourrait être à l'origine de la
relecture du verset obscur de Lc 13:33.
13:20 Que le Dieu de paix, qui
a fait remonter d'entre les morts le grand pasteur des brebis:
Phrase inspirée d'Isaïe 63:11 sur Moïse, pasteur des brebis que Dieu
avait sauvé des eaux. Phrase également inspirée de l'affirmation de
Pierre selon qui Dieu avait ressuscité Jésus le délivrant des ténèbres
de la mort; l'action du Christ lui-même dans sa propre résurrection
n'était pas effleurée. L'auteur semblait envisager plutôt une montée
spirituelle qu' une résurrection entraînant le corps, comme le
laissait entendre la finale brève de l'évangile de Marc.
Grand-Prêtre
2-10 Qu'il consacrât :
C'était le verbe de la consécration sacerdotale utilisé par Jésus à
propos de lui-même.
5-9 s'étant consacré:
TELEIOW,
être rempli verbe de la consécration sacerdotale du
grand-prêtre qui pendant sept jours de suite s'avançait les mains
pleines jusqu'à l'autel. Luc a eu recours à ce verbe quand Jésus
disait qu' il serait consacré le troisième jour (
Lc
13,32)
2-11
Il ne rougit pas de les appeler frères:
Il n'y a pas d'exact support à cette affirmation dans les évangiles,
sinon qu'en leur apprenant à prier, Jésus invitait ses disciples à
s'adresser au Père.
2-17:
afin de devenir...
grand-prêtre:
Les fondements de la réflexion sur le Christ grand-prêtre seraient à
rechercher dans les
manuscrits de la mer
morte et le rôle sacerdotal qui y est dévolu au Messie.
Sinon, à la mort du grand-prêtre était amnistié le meurtrier
involontaire qui s'était réfugié dans une ville prévue à cet effet
(Nb 35,22-25) et qu'un sacrifice ne suffisait pas à pardonner.
C'était là un dérivé de l'amnistie qui accompagne habituellement la
prise de fonction d'un nouveau souverain. À l'inverse, à la mort du
Grand-prêtre, comme pour celle d'un juste, se manifestait la bonté
de Dieu. Bien que marginale, cette fonction de rachat dévolue au
grand-prêtre à sa mort, a pu servir de toile de fond à l'auteur de
l'épître.
Sinon la consécration avait un rôle de
réparation
pour la mort des premiers-nés des Égyptiens.
Sinon Luc seul a vu en Jésus un grand-prêtre saint, qui, se séparant
de ses disciples au soir de sa Résurrection, élevait les bras pour
les bénir dans un acte sacerdotal (Lc 24:50). Au moment de sa mort,
les bras en croix, il avait promis le paradis pour le jour même au
larron qui mourait à ses côtés. Ce larron n'était pas un meurtrier
involontaire puisqu'il admettait avoir mérité son châtiment.
3-1 frères saints, partenaires d'une
vocation céleste:
L'adjectif saint a suggéré que l'auteur s'adressait à des tenants de
la classe sacerdotale; le terme est fréquent dans les textes de la Mer
Morte désignant soit les prêtres soit les membres de l'assemblée: "
Col
3, 22Paroles des bénédictions de l'Inst[ructeur
, pour bénir] les Fils de Sadoq, les prêtres élus par Dieu pour
garder son alliance à [jamais]...25 Que le Seigneur vous
bénisse de sa [sain]te [demeure], qu'il vous place comblés d'honneur
au milieu des 26 Saints; [qu'il re]nouvelle pour vous
l'alliance [éternelle] du sacerdoce...Col422 Il vous a
élus 23 et pour vous placer à la tête des Saints et par
vous bé[nir] par votre main les hommes du conseil de
Dieu...Puisse-t'il vous établir comme saints parmi son peuple."1Q28b/1QSb
À moins qu'il ne faille y lire une
allusion à la vocation de Pierre qui, en répondant à l'appel du
Christ, entraîna avec lui son frère André ainsi que les deux frères
Jacques et Jean ses partenaires, un terme qui se retrouve
seulement lors de la pêche miraculeuse (Lc 5,7) puis un peu plus
loin dans l'épître au verset 14: nous sommes devenus partenaires
du Christ.
7:2 D'abord [Melki-Tsédek] se traduit
« Roi de justice » ensuite il est aussi roi de Salem:
Melki-Tsédek n'est pas d'abord un
nom mais un titre,
roi de justice; on voyait dans le
personnage venu à la rencontre d'Abraham un substitut divin; il
était difficile d'expliquer qu'Abraham ait pu donner la dîme de tout
à un prêtre voué à un culte étranger(Gn14). Dieu seul est juste, il
est roi. Melki-Tsédek devenait un des titres de Dieu
"Le
Seigneur en a fait le serment et il n'en reviendra pas: Tu es
prêtre à jamais selon le rang du Roi de Justice" Psaume 110:4
; c'est bien ce qui semble ressortir du document de Qumran 11Q13 où
il y a
identification
du
Roi de Justice à YHWH ou bien à El. Sa dignité
"Roi
de Salem" ne venait qu'
"ensuite"; à la première
lecture en fut substituée une seconde qui voyait en Melki-Tsédek un
personnage céleste exerçant le sacerdoce dans un temple céleste
(cf
4Q401) jusqu'à devenir une figure messianique qui , à l'égal
de l'archange Michel, engageait le combat contre les forces obscures
(Sukka 52).
S'appuyant sur la tradition véhiculée par les manuscrits de la Mer
Morte, l'auteur de l'épître établissait un parallèle avec le Christ.
7:3 Sans père sans mère sans
généalogie:
Pour dire cela l'auteur de l'épître
devait se référer à une tradition apocryphe.
Que
Génèse ne dise rien de ses origines ni de sa parenté, n'impliquait
en rien que Melchisédek ait été un "extra-terrestre". Les manuscrits
de la Mer Morte en faisaient un prêtre divinisé. Hénoch II, qui
citait les Odes de Salomon (fin Ier siècle), comporte dans sa
version
slavone une légende de la naissance miraculeuse de
Melchisédek. Celle-ci est bien postérieure à l'épître aux Hébreux.
Elle lui doit comme aux récits Lucaniens de l'Annonciation et de la
mort d'Ananie et de Saphir (et non pas l'inverse!).
7-8 mais là, il y a le témoignage
qu'il vit:
L'auteur continuait d'opposer aux autres prêtres du temple,
Melki-Tsédek auquel il concédait une origine surnaturelle; il était
vivant, à la différence des simples mortels, et certains en auraient
témoigné. C'est avec le support des traditions transmises dans les
manuscrits de la Mer Morte qu' était ébauchée l'idée du sacerdoce
céleste du Christ. Ce Melki-Tsédek était soit un être surnaturel, soit
un humain divinisé. Tout en ayant connaissance de ces traditions,
l'auteur de l'épître s'en servait tout en s'en distançant.
Jean Baptiste relevait par son père de la classe d'Abia, huitième
classe sacerdotale, et de la branche d'Aaron par sa mère. Il
n'exerçait pas le sacerdoce au temple, comme l'avait fait son père.
Peut-être l'institution du grand-prêtre Hanne par les Romains en
avait-elle été la cause. À sa suite son disciple Barnabé, lévite
lui-même, avait pris ses distances par rapport au culte de Jérusalem.
7-9 même Lévi qui perçoit les dîmes
:
Le raisonnement de l'auteur ne se comprendrait guère sans un
rapprochement avec
Le Testament de Lévi qui
faisait de ce fils de Jacob le premier-prêtre, avant même Aaron.
7-11 qu'un autre prêtre se lève
selon le rang de Melki-Tsédek ;
7-15
qu'un autre prêtre se lève à la ressemblance de Melki-Tsédek.
Se lève: le verbe de la résurrection, à l'infinitif de la voix
moyenne; quel sens l'auteur donnait-il à ce verbe? Dans les manuscrits
de la mer Morte,
Melki-Tsédek est une
figure semi-divine. Si Melki-Tsédek lui-même
s'était levé cela
voulait peut-être dire qu'il avait été ressuscité et divinisé après sa
mort? Au v.16 la vie indestructible du Christ servait d'argument pour
distancer le sacerdoce du Christ du sacerdoce Lévitique. La
résurrection instituait Jésus grand-prêtre dans le monde céleste où
Melki-Tsédek était prêtre.
7-20 ceux-là sont devenus prêtres
sans serment:
Parlant du sacerdoce lévitique, l'auteur n'ignorait pourtant pas le
serment de Dieu en faveur du prêtre Pinhas et de sa descendance :
«Le Seigneur parla à Moïse et dit: “Pinhas, fils d'Éléazar, fils
d'Aaron, le prêtre, a détourné mon courroux des Israélites, parce
qu'il a été, parmi eux, possédé de la même jalousie que moi; c'est
pourquoi je n'ai pas, dans ma jalousie, achevé les Israélites. 12C'est
pourquoi je dis : Je lui accorde mon alliance de paix. 13
Il y aura pour lui et pour sa descendance après lui une alliance,
qui lui assurera le sacerdoce à perpétuité. »Nb 25:10-13. Or ce
serment était dans la Torah que l'auteur disqualifiait, la considérant
comme déficiente et
inutile (He 7:18) , lui opposant le
serment fait dans le Psaume et qu'il référait à Jésus.
8:8 J'accomplirai sur:
C'est là le seul changement apporté à la prophétie de Jérémie par
l'auteur de l'épître; il n'a pas d' antécédent dans l'un ou l'autre
des manuscrits de la LXX qui parlent de
conclure
et non d'
accomplir. L'auteur
voulait apparemment donner plus de force à la prophétie, un caractère
plus définitif. La prophétie de Jérémie ne parlait pas d'une nouvelle
alliance mais d'un renouvellement de celle déjà conclue. Tel est le
sens du terme hébraïque. Même le mouvement rattaché à Qumran se
situait en continuité avec cette alliance initiale et non en rupture:
«20de l'Instructeur pour bénir le chef de la
nation qui[...] 21 Et il renouvellera pour lui
l'Alliance de l'[Ass]ociation pour établir le royaume de son peuple
à jam[ais, 23 et établisse son alliance de sainteté
contre l'ennemi de ceux qui [l]e recherchent»1QSb/1Q28b col4.
8:13En disant nouvelle il
fait vieillir la première. Or, ce qui devient ancien et vétuste
est proche de la disparition:
L'auteur prêchait la disparition de la Loi et de l'Alliance
Sinaïtique qu'il estimait obsolètes.
Paul ne prêchait pas tout à fait de la même manière: “
Si quelqu'un
est en Christ il est une nouvelle créature; le monde ancien est
passé, une réalité nouvelle est là”. Il se situait
par-delà la Loi qu'il n'invalidait pas pour autant. Considérant la Loi
derrière lui, il écrivait à une époque plus tardive que l'auteur de
l'épître aux Hébreux.
Conclusion:
L'auteur écrivait alors que des sacrifices
étaient encore offerts au temple de Jérusalem. Plus sensibilisé à la
liturgie du temple et au sacerdoce qu' aucun autre auteur du
Nouveau-Testament, il avait du connaître Jean Baptiste - qui était
de classe sacerdotale - puisqu'il donnait un écho à son
enseignement; il s'en distançait néanmoins car il représentait à ses
yeux l'alliance conclue avec Moïse. Afin de transcender la première
Alliance, il avait choisi de rattacher le sacerdoce du Christ à
celui de Melki-Tsédek manifestant ainsi sa familiarité avec la
spiritualité de Qumrân, tremplin grâce auquel il fut en mesure d'
accueillir en Jésus le Fils du Père; à ses yeux Jésus n'était pas
simplement un homme divinisé par Dieu: il s'originait en Dieu.
Il avait une approche littéraire des Psaumes et du prophète Jérémie
dans la traduction grecque de la LXX. Les anthropomorphismes tels
engendrer, premier-né, réverbération, prennent
un relief particulier dans un parallèle avec l'évangile de Luc; sans
ce fondement substantiel, l'épître serait simple éloge
intellectuel.
Luther pensait discerner en lui Apollos qui était réputé pour son
éloquence. C'était un Grec venu d'Alexandrie où il avait été initié
au baptême de Jean. Mais n'étant ni lévite ni prêtre on ne voit pas
pourquoi il aurait réinterprété, à travers un prisme sacerdotal, la
pensée Paulinienne qui lui fut enseignée par Aquilas et Priscilla,
pour la resservir à des Grecs qui ignoraient tout de la liturgie du
temple. L'épître fut gardée et divulguée par Paul, ce que pensaient
certains auteurs de l'Antiquité, et Tertullien la donnait à Barnabé,
seul personnage du Nouveau Testament dont le nom ait été associé à la
classe Lévitique. Paul avait été son disciple jusqu'à la rencontre du
Proconsul de Chypre, Sergius Paulus qui lui donna son nom. Rendre
l'épître à Barnabé ne rencontre pas d'argument contraire sinon la
difficulté de revenir sur un réflexe acquis depuis deux millénaires et
d' admettre que Paul était son tributaire.
Avec cette épître Barnabé bâtissait
la première réflexion chrétienne sur le salut apporté par le Christ.
Mais l'accumulation d'emplois sujets à litige, tels juste
rétribution, supplication, goûter la mort, expier, purification
des fautes, mépris de la
honte, sacrifice, fragilise
la théologie de l'épître. Ces
expressions ne répondent pas à l'usage attendu en grec quand elles
n'entrent pas en contradiction avec celui des textes bibliques.
Le but n'étant pas d'expier mais de rapprocher de Dieu. jamais les
sacrifices n' étaient offerts au temple pour des fautes volontaires,
mais des fautes involontaires. Aussi la comparaison de la Passion
avec les sacrifices a instauré une certaine confusion et amené
l'auteur à laisser dans le silence le caractère ignominieux de la
croix et les responsabilités engagées.
Il était attendu du Messie qu'il vienne parfaire le sacerdoce
Lévitique et c'est bien dans cette lignée que Jésus bénissait ses
disciples avant de se séparer d'eux (Lc 24:50). Or le procédé
littéraire de la comparaison auquel eut recours Barnabé entraînait
la dépréciation des anges, du sacerdoce Lévitique et de la première
Alliance.
La nouvelle alliance prophétisée par Jérémie ne se posait pas en
rupture avec l'ancienne: elle en était le renouvellement et avait
pour fondement, elle aussi, la Torah. Barnabé en infléchit le sens
pour prêcher une alliance en rupture avec la précédente.
Paul qui s'est largement inspiré de la réflexion engagée dans
l'épître s'est efforcé de la détacher du sacerdoce et de la liturgie
du temple qui n'avaient pas d'impact en diaspora; tout en employant
le même vocabulaire, il formait de nouvelles images, plus
spirituelles ou plus abstraites quand il n'avait pas recours à
l'allégorie. Admettre l'antériorité de l'épître sur ses lettres ne
saurait se faire sans un bouleversement des réflexes acquis.
S Chabert d'Hyères
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