JOSEPH, SURNOMMÉ JUSTUS, APPELÉ BARNABAS
Comment nommait-on dans l'Antiquité? Un homme recevait jusqu'à trois
noms:
« - Celui donné par son père et sa
mère,
- Celui donné par les autres gens
(son surnom)
- et celui que les Cieux lui
prédestinent»
(Commentaire du Midrash
Rabbah sur Ecclesiaste, 7:3).
Ce fut le cas de Barnabé mentionné dès le premier chapitre des Actes :
« Il faut donc que parmi les hommes
qui se sont joints à nous pendant tout le temps qu'alla et vint
parmi nous le Seigneur Jésus Christ - à partir du baptême de Jean
jusqu'au jour où il fut enlevé d'entre nous - qu'il y ait avec nous
un témoin de sa résurrection. On en présenta deux: Joseph appelé
Barnabas (Barsabas), surnommé Justus, et Matthias.» Ac
1:21-23 D05
Joseph
Son premier nom, celui qu'il reçut lors de sa
circoncision, lui fut donné par ses parents. Joseph avait été le nom
du préféré des douze fils de Jacob; le souvenir qui lui était attaché
et par lui, aux douze tribus d'Israël, est en rapport étroit avec le
rôle que Joseph -Barnabé eut à jouer auprès du groupe des Douze
Apôtres.
Cet aspect a bien été mis en valeur par Jenny Heimerdinger : La
tradition targumique et le codex de Bèze, Actes 1, 15-26, Dans La
Bible et la Méditerrannée, vol 2 p 171-180.
Surnommé Justus
Son surnom, Justus venait du latin signifiant juste; en
effet le Joseph de la Bible était réputé juste pour avoir résisté à
la femme de Putiphar. Ce qualificatif avait pu lui être donné à lui
aussi, mais dans un lieu où était communément parlé le Latin . Les
Romains donnaient un surnom pour différencier le fils, du père dont
il tirait son nom.
Appelé Barnabas
C'est le codex D05 avec d'autres témoins du texte
occidental qui a le nom BARNABAS - Barnabé en français- tandis
qu'ailleurs on lit BARSAB[B]AS. Faut-il opter pour la première
orthographe plutôt que pour la seconde? On parle d'un certain
Barnabé à la fin du chapitre 4:
"Or Joseph appelé en
outre Barnabé par les Apôtres "Ac 4,36
Y aurait-il eu deux personnages différents: un Joseph appelé
Barsabas et un Joseph appelé Barnabas? Avec les témoins du texte
occidental il faut convenir, comme la suite devrait le montrer,
qu'il s'agissait d'une seule et même personne.
Chypriote
"Or Joseph appelé en
outre Barnabé par les Apôtres - ce qui s'interprète fils de
consolation - Chypriote, lévite de naissance"Ac 4,36

Il y avait une forte communauté juive à Chypre que Barnabé
n'avait pas quittée définitivement puisqu'il s'y rendit avec
Paul et y retourna après s'être séparé de lui;
l'île avait été colonisée par les Romains qui y parlaient le
Latin. N'est-ce pas là que Joseph (Barnabé) y aurait reçu le
surnom de Justus, comme Saul y aurait reçu celui de Paulus et
Jean celui de Marcus Ac13 -9? Selon D05 il n'était pas
"lévite, chypriote de naissance", mais l'inverse, "Chypriote,
lévite de naissance". Il n'était donc pas seulement né à Chypre,
il en était encore citoyen.
Lévite de naissance
Était ainsi indiquée sa tribu d'origine. Barnabé
appartenait à une très ancienne famille juive qui était en
mesure de prouver son appartenance à la tribu de Lévi. Parmi
les fonctions liturgiques assumées par les Lévites il y avait
la récitation des Psaumes et la purification du peuple avant
les grandes fêtes. Jean Baptiste en tant que cohen (prêtre),
relevait de la tribu de Lévi; qu'il ait attiré sur les rives
du Jourdain, des Lévites comme Barnabé n'aurait pas de quoi
étonner ; par contre les Pharisiens observaient une certaine
distance par rapport à lui.
"Bar-navi"
Appelé Barnabé par les Apôtres et non point
surnommé tel. Qu'il ait été "appelé" cela relevait de sa
vocation, de son appel à être disciple. Barnabé vient de
l'araméen "bar-navi" qui signifie littéralement "fils du
prophète".
Jésus avait dit qu'il n'y avait pas de plus grand prophète,
parmi ceux qui étaient nés des femmes que Jean (Lc 7,26).
Aussi parler du "prophète" , de manière absolue, n'était-ce
pas faire allusion à Jean? Derrière le nom Barnabé se
profilerait donc un maître, un père spirituel, à savoir Jean,
d'autant que selon Pierre, Barnabé était disciple depuis le
baptême de Jean, c'est à dire depuis que Jean baptisait dans
les eaux du Jourdain.
Fils du "Prophète”
Emprisonné par Hérode, Jean avait dépêché auprès
de Jésus deux de ses disciples qui se dirent envoyés par
"Jean le Baptiste", ce qualificatif apparaissant dans
l'évangile pour la première fois. Ce sont donc ses disciples
qui le dénommaient ainsi, lui reconnaissant le rôle de
purifier le peuple par le baptême. Il se pourrait bien que
Barnabé ait été un disciple de Jean, un de ceux qu'il dépêcha
à Jésus pour lui demander:
"Es-tu celui qui vient, ou bien en attendons-nous un autre?"
Lc 7,19-20
Ils se présentèrent à lui, alors que Jésus venait de faire
choix des Douze.
À ce que laissait entendre Clément d'Alexandrie (Strom., II,
20, P.G., VIII, col. 1060) et à sa suite Eusèbe (H. E., II,
i, P. G., XX, col. 117), Barnabé aurait été parmi les 72
disciples qui furent envoyés par Jésus en mission (Lc 10:1).
Cela intervenait après la mort du Baptiste, connue un
chapitre plus tôt (Lc 9,9). Ainsi le Lévite Joseph-Justus,
aurait été attiré par Jean qui , de famille sacerdotale,
était prêtre. Jean purifiait le peuple dans le Jourdain, le
préparant à la venue du Messie; c'est donc très tôt que, par
lui, Barnabé aurait été préparé à rencontrer Jésus.
Fils de "Consolation"
Or Luc écrivait que ce nom, Barnabé, était
interprété fils de consolation. Le terme de Luc methermeneuô
se
différencie de l'habituel diermeneuô
qui, lui, veut dire traduire. Justus Joseph était
appelé fils du prophète par les Apôtres, mais à cela
s'attachait une signification particulière, connue des
initiés, fils de consolation. Pourquoi?
Peut-être parce que Barnabé était celui qui consolait les
Apôtres de la disparition de Jean?
Une
autre explication est possible: un
prophète portait justement ce nom là; Jérémie, en
hébreu, signifie consolation.
Luc écrivait que Barnabé avait vendu un champ et donné
le montant aux Apôtres. Or au chapitre 32 du livre de
Jérémie, le prophète avait reçu l'ordre de Dieu, de se
porter acquéreur d'un champ sur lequel il avait droit
de rachat (le champ était à son cousin) et de faire
authentifier l'acte de propriété devant témoins.
Cela devait servir de signe et
manifester que par delà le siège de Jérusalem
(588-587), Dieu avait la volonté de restaurer le
peuple et de conclure une alliance éternelle avec lui.
Le
prophète Jérémie par Donatello
|
 |
Du rapprochement, dans le Livre des Actes, entre les
versets 15-26 du chapitre 1 et les versets 34-37 du chapitre
4 que peut-on déduire?
Suite 

