BARNABÉ ET PAUL
On retrouve Barnabé plus tard, présentant Saul aux Apôtres : leur
présentant sa conversion, il précisait que Saul avait "vu le
Seigneur en chemin"(Ac 9,27).
Il est à présumer que le récit tout entier de la conversion de Saul,
tel qu'il est raconté au début de ce même chapitre 9 est dû à Barnabé
qui en aurait été témoin. Dans les deux autres récits de sa conversion
(Ac ch22 et 26), Saul témoignait lui-même avoir simplement entendu une
voix au moment où il était ébloui. Pour Barnabé, cet éblouissement
était signe d'une manifestation de Jésus, de même valeur que s'il
avait vu le Ressuscité.
Ensuite Barnabé reçut une mission de confiance car il fut envoyé de
Jérusalem à Antioche par les Apôtres; ceux-ci avaient entendu dire
qu'à Antioche des disciples, originaires de Cyrénaïque et de Chypre,
s'adressaient désormais non à des Grecs d'origine juive mais à des
païens (Ac 11,20-22D05). C'est Pierre qui avait initié le mouvement
en entrant, à Césarée, sous le toît du centurion Corneille, un païen
considéré par les Juifs comme un craignant-Dieu. Barnabé fut choisi
probablement parce qu'étant, lui aussi originaire de Chypre, il
devait savoir parler Latin et Grec. Arrivé à Antioche il se réjouit
de ce qu'il y vit et exhorta les disciples à demeurer attachés au
Seigneur par la consécration du coeur. Le terme "consécration"
appartient au langage liturgique du Temple, avec les pains de
consécration qui se trouvaient sur l'autel dans le Sanctuaire. Pour
Barnabé, il était possible d'appartenir au Seigneur par la
consécration du coeur, lieu de la volonté et des intentions
humaines. Et Luc d'ajouter à son propos une rare éloge :
Et parce qu'il était un homme bon, plein d'Esprit Saint et
de foi s'ajoutait aussi une foule considérable au Seigneur.(Ac
11,24).
Dans la foulée, Barnabé alla chercher Saul à Tarse puis ils
demeurèrent au milieu des disciples une année environ.
L'évangélisation des Païens inaugurée par Pierre se poursuivit à
Antioche où elle fut encouragée par Barnabé puis, avec lui, Saul.
Jérusalem et Antioche
La conversion de Saul semble avoir eu lieu dans l'année sabbatique
33-34 et la rencontre de Pierre et Corneille avant le départ de l'armée
romaine en 38 date de la nomination d'Agrippa comme roi. Les récits
s'enchaînent ensuite avec des repères qui permettent de les dater avec
une relative exactitude :
Or les disciples selon leurs ressources décidèrent que chacun
d'entre eux enverrait pour la collecte aux frères qui se trouvaient en
Judée. Aussi firent-ils ainsi en envoyant à l'intention des anciens par
l'intermédiaire de Barnabé et de Saul. Ac 11, 29-30
Ce récit prècède la mort d'Agrippa I survenue en 44 et racontée au
chapitre suivant. D' Antioche où ils se trouvaient, Barnabé et Saul
reçurent mission de porter des secours à l'église de Judée. Des frères
en étaient descendus qui avaient dû faire part des difficultés
rencontrées à Jérusalem: l'année 41-42 avait été une année sabbatique et
celle qui suivait, 42-43 jusqu'à la soudure avec la nouvelle moisson
était réputée dure à vivre. Dans ce contexte l'annonce par un frère
prophète, Agabos, d'une famine généralisée avait peut-être aidé à
motiver la communauté d'Antioche à manifester sa solidarité. Une mention
qui paraît nettement apocryphe dans le texte des Actes dit en substance
que cette famine advint sous Claude. Il y eut une famine qui, sous cet
empereur, s'étendit de l'Orient à l'Occident vers 48-49 et qui fut
mentionnée par plusieurs auteurs. Toutefois les évènements des Actes se
situaient quatre ans plus tôt et si Barnabé et Saul furent dépêchés à
Jérusalem avec des secours, ce n'était certainement pas en prévision
d'une famine qui devait survenir mais bien parce que celle-ci sévissait
déjà en Judée (et non à Antioche) et avec elle la persécution contre
l'église menée par Agrippa.
(Ac 12/24 ) la parole du Seigneur croissait et se multipliait; alors
Barnabas et Saul se détournèrent de Jérusalem après avoir mené à bien
leur collecte prenant avec eux Jean surnommé Marc.13:1 Or il y avait à
Antioche dans l'église d'alors, des prophètes et des didaskales; parmi
eux Barnabas et Siméon et le surnommé Niger, Lucius Cyrénéen, et
Manahen d'Hérode et frère de lait du tétrarque, et Saul. 2 Comme ils
célébraient le culte du Seigneur et jeûnaient, l'Esprit Saint dit:
Distinguez enfin pour moi Barnabas et Saulen vue de l'oeuvre à laquelle
je les ai appelés.3 Or jeûnant et tous priant ils leur imposèrent les
mains. 4 Eux donc, envoyés par l'Esprit Saint, descendant à Séleucie,
s'embarquèrent de là pour Chypre.
Barnabé était nommé le premier, comme chef de la communauté
d'Antioche, Saul comme le benjamin, après tous les autres. Il y avait
une nette différence d'âge entre eux.
Paul et Barnabé ou Barnabé et Paul ?
LE MAGE DE CHYPRE
Mais ensuite, à Chypre, Paul s'exaspéra contre le mage Etoimas
(selonD05, ailleurs Elymas) - que rendait jaloux l'adhésion à la foi au
Christ du proconsul Sergius Paulus qui jusque là s'était fié à lui. Saul
plongea dans l'éblouissement ce mage qui semblait relever d'un culte
solaire; celui de Mithra avait été propagé en Italie et dans l'armée
romaine par les corsaires de Cilicie dont la côte était la plus proche
du Nord de Chypre. Ce dieu d'origine persane était associé au soleil et
au feu et l'aveuglement dans le quel Paul plongea le mage pour
l'empêcher, justement, de voir le soleil, était un signe de puissance
chargé d'un sens symbolique fort, propre à interpeller le proconsul.
Homme avisé celui-ci se laissa convaincre par Paul. Comble de l'ironie,
ce mage qui était Juif s'appelait "Bar-Jésus". Paul n'imaginait pas
qu'en le maîtrisant il pouvait déclancher les foudres du dieu.
Comble de l'ironie le nom grec de ce mage rapelle étrangement
celui d'un autre mage Juif et également originaire de Chypre, Atomos
dont parle Flavius Josèphe (AJ XX,7). Atomos qui signifie
"l'indivisible" a donné le mot d'atome. Mage d'origine Juive, Chypriote
, connaissant avec le Grec le Latin et l'Araméen il devait se déplacer
entre les différents lieux de culte. Les auteurs l'ont souvent associé
à Simon qui avait suivi les Apôtres en Samarie et qui se rendit à Rome
où non seulement il fit école mais se fit prendre pour un dieu (Justin:
dialogue avec Tryphon, Irénée, Adv. Haer. I. xxiii. 1.). Cette
association était très ancienne car elle s'est répercutée dans les
manuscrits des Antiquités dont plusieurs témoins ont Simon à la place
d'Atomos.
Or une association d'Atomos avec le conseiller initial de Sergius Paulus
semblerait bien davantage indiquée. Il était connu du procurateur de
Judée, Felix, qui le manda auprès de Drusilla l'épouse du roi d'Emèse
pour la décider à l'épouser en apaisant ses inquiétudes religieuses (
Ant Juives 20[.7.2].142). Drusilla de la dynastie Hérodienne avait
épousé un souverain circoncis (ou qui avait accepté pour elle la
circoncision). Emèse, ville de Syrie (aujourd'hui Homs), vouait un culte
au dieu solaire sur une aérolithe noire, symbole du soleil invaincu. Une
pierre semblable était aussi l'objet de culte dans le temple d'Aphrodite
sur l'île de Chypre, à Paphos. Le mage eut raison des craintes de
Drusilla car elle épousa Félix. C'est auprès de lui qu' elle entendit
Paul, vers les années 58-60.
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Inscription de la
famille de Sergius Paulus,Antioche de Pisidie. Yalvac Museum. |
Jean surnommé Marc
Comme ils laissaient l'île derrière eux, Marc qui les y avait
suivis, retourna à Jérusalem. C'était le fils d'une certaine Marie qui
avait une maison à Jérusalem (Ac 12,12), où dans l'année post-sabbatique
41/42, Barnabé et Paul montèrent des subsides pour la communauté; en
rentrant à Antioche ils emmenèrent Jean-Marc avec eux. Plus jeune que
son parent Barnabé (Col 4,10) il n'apparaissait pas sur la scène
auparavant et il semble que ce soit à Chypre que, comme Barnabé et Paul
il ait reçu un surnom romain, Marcus (= marteau). Il les quita
lorsqu'ils laissèrent l'île après l'épisode du mage pour retourner à
Jérusalem où ils se retrouvèrent lors du premier "concile" apostolique.
Il les suivit à nouveau lorsqu'ils rentrèrent à Antioche mais fut
prétexte à la séparation de Paul et Barnabé. Il n'en devint pas moins,
un peu plus tard, collaborateur de Paul au même titre que Luc selon
Philémon 24.
Doit-il être confondu avec celui que Pierre appelait "mon fils"
(1P5:13) ?
Doit-il être pris pour l'évangéliste Marc? Oui dans la mesure où
celui-ci s'est référé à deux ou trois reprises à l'épître aux Hébreux.
Non dans la mesure où Jean-Marc devait être familier des lieux tandis
que l'évangéliste semblait mal connaître la topographie de Judée et de
Galilée ou l'histoire d'Antipas.
Zeus et Hermès
A Iconium où ils restèrent un temps assez long, ils se firent jeter
dehors et de là, à Lystre, Paul accomplit un second signe en remettant
sur ses pieds un impotent de naissance. Devant le prodige on allait leur
offrir un sacrifice:
Ils appelaient Barnabas Zeus, et Paul Hermès, parce qu'il était le
prince de la parole. Ac 14:12. Barnabé nommé en premier , considéré
comme le chef était comparé au dieu de l'Olympe; Etant le plus âgé des
deux il était l'Ancien auquel hommage était rendu. Paul , lui qui avait
accompli un signe, était comme son messager gratifié du don de la
parole; et c'est Barnabé nommé encore en premier qui, alors, reprit les
choses en mains; lui serait dû le discours qui suit:
Ac 14/ 14 ” Or Barnabas et Paul, l' ayant appris, déchirèrent leurs
vêtements, et s'élancèrent vers la foule en vociférant et criant:
"hommes qu'allez-vous faire? Nous aussi, nous sommes des hommes de même
pathos que vous; vous apportant la bonne nouvelle de Dieu, de sorte que
loin de ces vanités vous vous tourniez vers le Dieu vivant, qui a fait
le ciel, la terre, la mer, et tout ce qui est en eux. 16 Lui, dans les
générations passées, a permis chez les nations de marcher selon des
voies propres, 17 et certes il n'est pas resté lui-même sans témoignage,
dans sa bienfaisance envers vous, du ciel, il a dispensé des pluies et
des saisons fertiles et vous a comblés de nourriture , et de joie vos
coeurs. 18 Puis ayant dit cela, avec peine ils empêchèrent la foule de
leur offrir un sacrifice.”
De par son origine lévitique Barnabé, plus sensible que Paul à ce
genre d'atteintes aurait-il eu une réaction plus rapide? L'offrande à
des faux dieux le faisait spécialement trembler lorsqu'il reprenait le
geste de déchirer son vêtement à l'image du grand-prêtre offensé par un
acte d'idolâtrie. Dans ses paroles, Barnabé, (si le discours est bien de
lui) s'affirmait de "même pathos" que les Lycaoniens, soit comme eux,
soumis aux évènements extérieurs et susceptible de souffrir. Aux dieux
n'étaient pas reconnu ce pathos des humains. Le discours était ensuite
tourné vers le Dieu Vivant, selon une expression qui se retrouve en I
Th1,9 et désignant celui qui dispense la vie à toute chair; ce titre
était audible en monde païen.
Concile Apostolique
Au chapitre XV, 14 ans après sa conversion (selon Gal 2,1), dans
l'année sabbatique 47-48 Paul se retrouva à nouveau avec Barnabé à
Jérusalem; s'en suivit un concile avec les Apôtres. Barnabé était nommé
en premier au moment de témoigner devant l'assemblée, comme dans la
lettre de recommandation adressée aux différentes églises. Envoyé comme
représentant de la communauté de Jérusalem à Antioche, sa primauté lui
était gardée, indépendamment de l'ascendant pris par Paul, même si
celui-ci écrivait:
" Ensuite 14 ans passant, je suis à nouveau monté à Jérusalem avec
Barnabé, emmenant aussi Tite...Et reconnaissant la grâce qui m'avait été
donnée, Jacques, Céphas et Jean, considérés comme les colonnes nous
donnèrent la main à moi et à Barnabé en signe de communion pour que nous
allions vers les païens tandis qu'ils iraient vers la circoncision.“ Gal
2,1 et 9 .
Paul se présentait lui-même avant Barnabé ce qui exprime bien son
état d'esprit. D'autant qu'au verset 13 il lui reprochait de suivre
l'attitude hypocrite de Pierre qui ne s'associait pas au repas des
païens en présence des envoyés de Jacques. Barnabé avait opté pour ce
parti, vraisemblablement pour ne pas braquer les envoyés de Jacques.
Mais Paul ne supportait pas la compromission. Lorsque Barnabé souhaita
qu'à nouveau Jean-Marc, son cousin germain (col 4,10) les accompagne, la
tension entre eux atteint son paroxysme; Barnabé décida de partir de son
côté en emmenant Jean-Marc. Se séparant de Paul il se rendit à Chypre,
sa patrie, et Luc ne fera plus mention de lui, tournant ses regards vers
Paul. Dans sa lettre aux Colossiens Paul rappellera aux frères de
Colosses ce temps où, avec Barnabé, il fondait et visitait les églises.
L'auteur de l'épître aux Hébreux
L'épître aux Hébreux s'achevait sur un Amen final. Mais Paul
rajouta sa propre salutation, celle qui se retrouve à la fin de chacune
de ses lettres "la grâce soit avec vous". Il avait recueilli de Barnabé
cette épître précieuse et dont. Clément d’Alexandrie disait: “un témoin
apostolique, Barnabas, un des 72 et collègue de Paul qui parlait en ces
mots: Avant de croire en Dieu le fondement de notre coeur était
instable, un temple fait de mains humaines” (.Stromates 2.20). C'est
ainsi que Clément d'Alexandrie qui identifiait en Barnabé un témoin de
la première heure lui référait un thème central de l'épître aux Hébreux
que Tertullien lui attribuait nominativement. Les indices littéraires
permettant de la lui reconnaître ont été regroupés dans la première
partie des annotations accompagnant la traduction.