SOURCES ROMAINES DE L'ÉVANGILE DE MATTHIEU
L'évangile de Matthieu offre des contradictions nombreuses avec
l'évangile de Luc sur des points de détails géographiques ou
historiques. Ils n'ont été écrits ni à la même époque, ni dans le même
contexte culturel, ni dans le même lieu géographique, ni pour le même
auditoire. Alors que Luc fut écrit très tôt à l'intention du
grand-prêtre
Théophile entre 37 et 41, Matthieu
ne fut pas rédigé avant le règne de Vespasien, voire de Domitien. Les
Chrétiens avaient connu de très sérieuses persécutions et de manière
cachée, Matthieu cherchait à les prévenir des dangers.
L'Evangile de Matthieu dans sa confrontation au culte de Mithra
Si L'Eglise revendique ses sources Juives, ne devrait-elle pas voir
également l'héritage qui lui vient de sa “Romanité”? La confrontation
du Christianisme naissant avec le culte de Mithra implanté à Rome au
premier siècle de notre ère est un thème qui a été en partie exploré;
le Mithriacisme (Mithracisme ou Mithraicisme, ou Mithraisme) devint la
religion des empereurs avant d'être “ingéré” dans le Christianisme de
Constantin. Les deux religions avaient des rites communs et , de ce
point de vue, se ressemblaient à s'y méprendre. Saint Augustin dans le
livre VII de son commentaire sur Jean écrivait:
“J'ai connu autres fois un prêtre de
Mithra qui avait coutume de dire: Mithra aussi est chrétien.
Pourquoi cela, mes frères? C'est que les chrétiens ne peuvent être
séduits par d'autres moyens.”
Mettre en relief dans le matériau propre à l'évangile de Matthieu
ce qui manifeste une connaissance de ce culte, aiderait-il à mieux
saisir l'histoire de la rédaction des évangiles?
Le bon grain et l'ivraie
La parabole du champ de blé ensemencé d'ivraie pendant le sommeil
du cultivateur est propre à l'évangéliste Matthieu ; l'ivraie et le
bon grain poussent ensemble étroitement mêlés et indissociables; ce
n'est qu’à la moisson, à la fin des temps que le tri peut être fait
entre le bon grain spirituel et l'ivraie. A quoi Matthieu pensait-il
et qu'est-ce qui a pu lui suggérer cette image?
Le Mithriacisme était la religion qui, dans ses signes, ressemblait
comme une soeur au Christianisme et il devait être difficile à
l'évangéliste comme aux fidèles de vraiment s'y retrouver. Par une
parabole, Matthieu tentait peut-être d'offrir une philosophie aux
chrétiens désarçonnés par cette confrontation.
La Légion Romaine
A l'époque de Pompée le culte de Mithra s'implantait dans la
Péninsule Italique par des corsaires Ciliciens réduits à l'esclavage
et gagnait peu à peu l'armée romaine; par elle l'ensemble des pays du
Bassin Méditerranéen en fut atteint.
- Une chlamyde écarlate sur les épaules et un roseau dans la main :
c'est cet attirail dont se serait servi la cohorte romaine pour
tourner Jésus en dérision. Le roseau est le sceptre de Mithra, et la
chlamyde, un manteau rectangulaire d'origine grec, enveloppait ses
figures; il était de couleur écarlate dans le rituel dont la BN
conserve un exemplaire. Il était arboré par ses fidèles dans leurs
cérémonies. A travers ces signes Matthieu souhaitait-il impliquer
avec l'armée romaine les fidèles de Mithra non, dans la mort du
Christ elle même, mais dans celle des martyrs de la fin du Ier
siècle?
- En écrivant que des gardes pour s'être laissés acheter avaient
laissé croire que des disciples du Christ avaient emporté son corps,
Matthieu cherchait-il à jeter le discrédit sur l'armée adverse,
celle des légions romaines, en la présentant comme première fautive
dans les légendes courant “jusqu'à aujourd'hui” , à propos de Jésus?
- « Ceux qui prennent le glaive périront par le glaive» Mt 26:53.
Matthieu prêtait cette parole à Jésus au moment où le serviteur du
grand-prêtre avait été atteint à l'oreille. Elle paraît
condratictoire avec 5,44 où Jésus se plaçant au-dessus de la loi du
talion invitait à aimer ses ennemis; il faut-il y lire un
avertissement à la partie adverse: en faisant cela, voilà ce que
cela provoquera en retour.
- A la différence de Luc Matthieu ne dépeignait pas le centurion qui
demandait la guérison de son serviteur, comme un prosélyte du
Judaïsme; il achevait son épisode ainsi: “Et je vous dis que
plusieurs viendront d'Orient et d'Occident, et s'assiéront avec
Abraham et Isaac et Jacob dans le royaume des cieux; mais les fils
du royaume seront jetés dans les ténèbres du dehors: là seront les
pleurs et les grincements de dents. Et Jésus dit au centurion: Va,
et qu'il te soit fait comme tu as cru; et à cette heure-là son
serviteur fut guéri". Mt 8:11-13 .
- “Les fils du royaume”: L'expression est Mathéenne; n'étant pas
biblique, elle ne désignait pas les fils d'Israël. Qui donc sont ces
fils du royaume? Ils représentent le bon grain (Mt 13.38); mais
quand ils sont contre la vraie foi ce sont des fils du diable (Mt
13:38) ou de la Géhenne (23:15): ils sont alors les adversaires
contre lesquels on irait presque jusqu'à lancer des imprécations. Il
y a là un ambiguité qui enveloppe le concept de l'armée et qui donne
une illustration du bon grain mêlé à l'ivraie. Quelle confiance
peut-être faite à ces gens là? Ne serait-ce pas ceux dont il faut se
méfier? Le lecteur de l'évangile était appelé à "lire entre les
lignes" sinon à repérer dans le champ de blé où était l'ivraie.
-
Les Mages.
Le rapprochement le plus souvent fait entre Matthieu et le culte païen
concerne l'épisode des Mages ; leur nom Magi était celui des prêtres
Persans du culte Mazdéen auquel se rattachait le dieu Mithra. Une scène
souvent présente dans l'art paléochrérien est celle de l'adoration des
Mages, coiffés du bonnet phrygien habituel attribut du dieu.
-

- Adoration des Mages, Ravenne, St Apollinaire le Neuf
Les mages y sont au nombre de trois, ce que l'évangéliste ne
précisait pas. Ils sont trois comme la triple figure du dieu,
habituellement représenté avec deux jeunes hommes portant des
torches de manière inversée, aux épithètes énigmatiques de Kauti et
Kautopathi symboles du pouvoir de vie et de mort exercé par le dieu
; ces deux "dadophores" formaient avec le dieu une triade. En
représentant trois hommes jeunes casqués du bonnet phrygien venant à
Jésus et sa mère, les chrétiens représentaient très concrètement
pour eux-mêmes l'illumnation par l'Eglise des Mages Mazdéens, soit
des fidèles de Mithra. .
-
- En écrivant son récit de la venue des mages à Bethléem au temps
d'Hérode, Matthieu établissait déjà une relation avec ce culte où la
naissance du dieu était annoncée aux mages par un astre. Son récit
pouvait convenir aux fidèles de ce culte dont le rituel fait état
d'une étoile à cinq branches. Et que souhaitait dire Matthieu à
travers eux aux Chrétiens? En donnant à l'astre un parcours
“magique”, irréaliste, il intriguait son lecteur. La venue des mages
puis leur départ tenu secret déclenchèrent derrière eux la colère du
roi avec un massacre d'innocents. N'y avait-il pas là une
dénonciation subtile?
-
L'astre solaire
- Dans l'épisode de la transfiguration, le visage du Christ
illuminait comme l'astre solaire; le détail est propre à Matthieu
(Mt 17:2) ; Luc avait parlé de la lumière de l'éclair dans la nuit,
Marc de la blancheur du vêtement. Mithra dieu solaire empruntait des
attributs à Apollon comme son char solaire. Le Christ fut représenté
comme dieu solaire emporté dans un char selon plusieurs témoignages
de l'art paléochrétien (Mais es-t-on bien sûr chaque fois qu'il
s'agissait du Christ?). Matthieu parlait d'une métamorphose, tandis
que Marc, selon D05 de katamorphose, l'impression d'une
forme. Le rituel mithriaque parle de transmutation
transcendante de la nouvelle naissance.
L'astre de feu
“Le roi se mit en colère et envoya ses troupes faire périr ces
assassins puis il incendia leur ville.”Mt 22:7
Ce verset appartient à une parabole de Matthieu -reprise de Luc - et
adaptée au contexte même du culte païen (repas de noces avec le père et
l'époux, habits de noces et petit nombre d'élus) ; elle pourrait bien
être une allusion cachée au règne de Néron qui après avoir fait
incendier la ville de Rome fit porter le chapeau aux Chrétiens:
- “Pour étouffer la rumeur, Néron inventa des coupables et livra aux
tourments les plus raffinés des gens, détestés pour leurs
abominations, que la foule appelait chrétiens. Ce nom leur vient de
Christ, que, sous le principat de Tibère, le procurateur Ponce
Pilate avait livré au supplice. Réprimée sur le moment, cette
exécrable superstition faisait de nouveau irruption, non pas
seulement en Judée, berceau de ce fléau, mais encore à Rome, où tout
ce qu'il y a d'affreux ou de honteux dans le monde converge et se
répand. On commença donc par arrêter ceux qui confessaient leur foi,
puis, sur leur dénonciation, une multitude immense, et ils furent
reconnus coupables, moins du crime d'incendie qu'en raison de leur
haine contre le genre humain.” Tacite, Annales 15, 44, 2-5.
-
- D'où venait cette dépréciation du Christianisme? Ne serait-ce-pas
d'une confusion avec le Mithriacisme?
- Néron avait été initié à ce culte; ainsi en 59 pour apaiser les
mânes de sa mère assassinée, il appela des “Mages” qui sacrifièrent
à Ariman, le dieu obscur adversaire de Mithra. Il avait haï chez
elle ses traits maternels en digne fils du dieu, qui lui était
carrément sorti de la roche. Il se faisait vénérer en Apollon (face
visible de Mithra) dieu du soleil à travers sa statue. Il put ainsi
recevoir avec ses mages Tiridate d'Arménie lorsqu'il vint recevoir
sa couronne à Rome en 66 et il sut se faire reconnaître par lui
comme une émanation du dieu. Pline l'Ancien, comme Tacite, s'en
faisait l'écho dans son long plaidoyer contre la magie des mages
Chaldéens.
- N'était-ce pas sur ordre de l'empereur que l'armée avait incendié
la ville? Le culte de Mithra qui était une religion devint avec la
légion romaine une société secrète qui sut faire porter aux
chrétiens la culpabilité de ce méfait. Ils avaient su utiliser la
situation pour déprécier la religion rivale jusqu'à se débarrasser
d'elle.
La coupe d'eau et la coupe de vin
-
- Il y avait dans le mithriacisme un rite mystérieux, “sacramentel”,
tenant dans un repas de pain accompagné non seulement d'eau comme le
laissait entendre Justin, mais de vin symbolisant le sang du
taureau; ce repas était un rite magique de communion au dieu. Verser
le sang du taureau avait une signification expiatoire, et par là
fertilisante, qui trouvait son prolongement dans les gestes des
soldats; boire à la coupe revêtait un sens magique visant
l'expiation (au sens de faire expier). Ce rite reçut en monde
impérial romain une orientation dont Pétrone se faisait l'écho à la
fin du Satyricon; conseiller de Néron il semble l'avoir fait parler
à travers ces lignes:
"tous ceux qui ont reçu de moi leur part d' héritage
indépendamment de mes affranchis, les obtiennent à cette
condition: qu'ils coupent mon corps en morceaux et le mangent en
public. Nous savons que dans certaines nations on observe toujours
une loi qui exige des proches de manger leurs morts... par cet
exemple je voudrais rappeller à mes amis - au cas où ils ne
feraient pas comme je le souhaite: dans le même esprit qu' ils
exècrent mon âme, ils doivent dévorer mon corps.» Pétrone,
Satyricon, CXLI
-
Ainsi le culte de Mithra reçut l'empreinte des empereurs fous.
- "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants" Matthieu
prêtait cette phrase au peuple assemblé devant Pilate qui venait de
se laver les mains pour dire qu'il était innocent dans la mort du
Christ. La phrase et le geste sont à comprendre dans le contexte du
mythe de Mithra avec le versement du sang et le rite d'ablution. Le
fidèle faisait un rite d'ablution des mains en entrant dans le
mithraeum où il trouvait une coupe à cet effet; sinon il y avait le
baptême dans l'une des trois absides et par lequel il était lavé de
toute faute. Matthieu qui écrivait après 70 savait combien l'armée
romaine avait “fait expier” le peuple de Jérusalem.
Frôler la mort
-
“les tombeaux s'ouvrirent et de nombreux corps de saints endormis
ressuscitèrent; sortis des tombeaux après sa résurrection ils vinrent
dans la ville sainte et apparurent à beaucoup.” Mt 27:52
- Un récit surréaliste dont la fonction resterait à trouver; il se
pourrait que là encore un lien ait été fait par Matthieu avec la
religion à mystères, soit pour convaincre ses fidèles que la foi
chrétienne avait mieux à leur offrir, soit pour brouiller les pistes
dans la persécution.
-
- Les fidèles du culte en Perse n'ensevelissaient pas leurs morts
même s'ils croyaient en une résurrection avec une réunification de
l'âme et du corps. Le culte païen par son mode initiatique était
comme l'antichambre du monde à venir.
- Tertullien dans une formulation mystérieuse parlait du glaive reçu
avec la couronne, laissant suggérer l'épreuve du “martyr” car ce
culte initiatique avait “de temps à autres” ses sacrifices humains.
Selon la geste d'Auguste, l'empereur Commode souilla par un
sacrifice humain réel le culte de Mithra pour lequel d'ordinaire on
se limite à raconter ou simuler quelque scène capable d'inspirer
l'effroi. Les persécutions contre les chrétiens qui ont duré jusqu'à
Constantin seraient à verser à ce régistre.
Les noces
- La femme, au témoignage des textes et de l'archéologie n'était ni
concernée ni admise dans le culte de Mithra; la femme constituait
l'interdit majeur et une des étapes initiatiques était celle des
épousailles avec le dieu, sous le signe de Venus. Le néophyte , le
visage voilé portait une lampe à la main. Il offrait une coupe d'eau
devant la statue de Mithra, la tasse représentant son coeur et l'eau
son amour.
-
- Or Matthieu s'est plu à une illustration du Royaume des Cieux
qu'on ne trouve que chez lui avec dix vierges porteuses de lampes et
d'huile, guettant l'arrivée de l'époux. La critique textuelle n'a
pas mis à jour de sources bien précises pour cet épisode qui en
invitant à la vigilance dans la nuit et son obscurité reste très
mystérieux (Mt 25 :1-13). Tertullien disait que le culte de Mithra
avait lui aussi son cortège de vierges. N'y aurait-il pas d'une
manière ou d'une autre, une allusion sous-jacente à l'initiation du
Mithriacisme cachée par la figure de jeunes femmes? Dans le rituel
de la bibliothèque Nationale, papyrus 764, un cortège de 7 vierges à
tête de serpent fait partie de l'illumination du fidèle.
PATER NOSTER
- Dans ce culte où les classes sociales paraissaient se diluer ,
existait une hiérarchisation par le franchissement d'étapes
successives initiatiques au nombre de sept, chacune étant gouvernée
par un Père, le dieu étant appelé lui-même Père des Pères et Notre
Père en monde Latin ; l'ensemble des fidèles se disaient frères.
Cette religion était en vogue dans l'armée romaine qui la diffusa
sur son passage laissant ça et là gravés dans la brique, le mur, la
pierre, des palindromes du mot SATOR qui détiennent l'anagrame
«Pater Noster». L'un d'eux, le plus ancien connu, a été retrouvé à
Pompei , noyé sous les laves du Vésuve en 79.
-
-
SATOR
-
AREPO
-
TENET
-
OPERA
-
ROTAS
|
-
Le Semeur,
-
A(lpha) REP O(mega)
-
Tient
-
l'Oeuvre
-
des Roues, (char et disque solaire)
|
|
(alpha)
P
A
T
E
R
(alpha) P A T E R N O S T E R (omega)
O
S
T
E
R
(omega)
|
- Ce palindrome construit comme un carré magique est un symbole
mithriaque. (cf Walter O. Moeller: The Mithraic Origin and
Meanings of the ROTAS-SATOR Square Leiden: Brill, 1973).
Comme il détient l'anagramme des mots PATER NOSTER, on croit y voir
un symbole chrétien.
- Mithra avait fertilisé la terre par le sang du taureau qu'il avait
tué; il était ainsi un créateur-semeur, un père. Son nom Arepo dont
les deux lettres extrêmes évoquent l'alpha et l'omega et PER pour
P[AT]ER, mais lu à l'envers REP . Mythra est associé à Ahura qui
serait son créateur et opposé à Ahiman l'esprit du mal; il a en
mains la course du soleil sensé tourner autour de la terre. Son
palindrome se lit dans un sens et dans l'autre, et comme ce n'est
pas le soleil qui tourne autour de la terre mais l'inverse, il y a
de quoi se demander si le créateur de ce palindrome ne pensait pas
déjà à une inversion astronomique.
-
- Matthieu, et lui seul, prêtait ce propos à Jésus :
-
-
" Ne vous donnez pas le nom de Père sur la terre, car un
seul est votre Père, celui qui est aux cieux." (Mt 23:9).
-
- Le verset de Matthieu pourrait se comprendre assez bien dans une
confrontation au Mithriacisme dont il cherchait à se distancer.
Ne pas rabâcher
D'origine orientale la religion de Mithra véhiculait des modes
initiatiques propres comme les "mentras". Il n'y a guère de doutes: le
palindrome en est un; il est une invocation de caractère fétichiste au
dieu. Et c'était très probablement à cette invocation là que pensait
Matthieu lorsqu'en introduction de la prière chrétienne il écrivait: - "Ne
rabachez pas comme font les païens; ils pensent en effet qu'à force
de paroles ils seront exaucés; ne leur ressemblez-pas!" Mt 6, 7-8
-
-
Prière du Notre Père
- Luc avait rapporté la prière donnée par Jésus à ses Apôtres et
contenant cinq demandes adressées au Père. Matthieu la reprit en la
portant à 7 demandes adressées à "Notre Père, qui [est] dans les
cieux". Dans le culte en question, il y avait sept étapes
initiatiques l'ultime étant consacrée au Père, à savoir le dieu
solaire qui est dans le ciel.
- Des deux demandes adjointes aux cinq de Luc, la première portait
sur la volonté de Dieu au ciel et sur terre avec une formulation qui
fut retouchée selon les manuscrits, montrant ainsi qu'elle ne
provenait pas d'une prière déjà fixée par la liturgie mais d'une
composition littéraire. La seconde et qui est la dernière de la
prière dit littéralement : “arrache nous au mauvais”; à qui pouvait
bien penser Matthieu?
Où prier?
Matthieu recommandait de prier le Père qui est là dans le secret (EN
TW KRUPTW) en entrant dans son TAMIEION (Mt 6:6); il s'agit du lieu où
l'on conserve ce qui est précieux.- Or les fidèles de Mithra se
réunissaient dans le mithraeum, qui était toujours une crypte (Grec
KRUPTEON) souterraine et obscure avec une source évoquant la
naissance du dieu sortant du rocher. Or les Chrétiens à Rome eurent
recours aux cryptes, aux catacombes funéraires pour se réunir et par
là échapper aux persécutions. Autre illustration du bon grain et de
l'ivraie.
La pierre, le roc
Le mythe rapportait que Mithra était né de la roche; il est représenté
sur les stèles sortant debout d'un bloc de pierre posé sur le sol. Le
parallèle avec l'église ancrée sur la pierre qu'était le prince des
Apôtres n'a pas manqué d'être fait: Tu es pierre et sur cette pierre
je bâtirai mon église et les portes de l'Hadès ne l'emporteront pas
contre elle; Mt 16,18 Les portes du Mithraeum cesseraient un jour
d'attirer cette foule qui s'y précipitait.
- Je te donnerai les clés du royaume des cieux; tout ce que tu
lieras sur la terre sera lié dans les cieux et tout ce que tu
délieras sur la terre sera délié dans les cieux"Mt16:19
- Comme figure de Kronos, le dieu est parfois représenté ligoté par
un serpent avec des clés en mains.
- Ce qui pouvait être lié ou délié, c'étaient les serments. Des
serments étaient prêtés par les soldats au consul, chef d'armée.
Transposés dans le culte, les serments faits par les fidèles les
enchaînaient au dieu : l'Eglise pouvait les en libérer.
Fin des temps
La fin du monde est une expression Matthéenne (cinq occurrences) qui
n'a pas de parallèle en Luc sinon cette affirmation de Jésus : “terre
et ciel passeront, mes paroles ne passeront pas”. Il y a bien annonce
apocalyptique de guerres et de séismes chez les trois synoptiques,
mais celle de la fin du monde en tant que telle est un thème matthéen
“ainsi en sera-t-il à la fin du monde” où les anges seront envoyés
pour faire le tri entre les bons et les méchants. Matthieu a pu
renforcer ce qu'il lisait chez Luc et chez Marc au contact du culte
païen, sinon employer des expressions similaires aux leurs.- “On
racontait qu'après l'immolation du taureau Mithra était monté sur le
char du Soleil. Cet épisode devait se renouveler à la fin des temps
et Mithra embraserait le monde, comme Phaéton avait failli le faire.
Il purifierait l'univers, comme les Lions éprouvaient les mystes par
le feu”.
Le Chrisme constantinien
- Le Chrisme Constantinien, est un symbole du culte païen qui
reprend d'une autre manière les éléments du palindrome: il est
constitué d'une roue (ROTAS) de la croix en X et , le plus souvent,
des lettres Alpha , du Ro central qui en Latin se lit P et de
l'Omega. On retrouve AR(E)PO. Les Chrétiens l'ont repris à leur
actif au-dessus de leur croix latine; les colombes seraient symbole
de paix (Pax Romana) tandis qu'au pied de la croix se trouvent à
notre gauche mais à la droite du Christ l'Apôtre qui lève la tête
vers le haut, et à droite, donc à gauche du Christ un soldat endormi
représentant la Légion sous le "joug" de la Croix.
la croix
Dans un mithraeum, une tête d'âne serait symbole de Mithra, emblème
de la fin de l'initiation. La dernière étape initiatique était celle
du père que les fidèles priaient, les bras en croix. Aussi
les graffiti des catacombes ne sont peut-être pas tant à lire comme
des caricatures sacrilèges du Christianisme que comme la
"révélation" dernière du mithriacisme qui se montre au néophyte...
ALEXAMENOS SEBETE THEON : Alexamenos vénère son dieu.
graffiti catacombe de St Callixte
Conclusion
L'impôt fixé sous Vespasien de deux drachmes à verser par les Juifs se
retrouve en fond du récit de la didrachme fait par Matthieu ;
il sert de repère précieux pour dater son évangile. Ne
l'aurait-il pas composé à Rome où devait s'enraciner l'Eglise dans les
institutions qu'il tendait déjà à circonscrire? Les Chrétiens furent
persécutés sous Domitien qui en 89 condamna «pour athéisme» le consul
Flavius Clément et sa femme Domitilla, et avec eux beaucoup d'autres
qui «avaient adopté des usages juifs». selon Dion Cassius (67).
L'historien qualifiait d'«athéisme» le rejet du culte de l'empereur
qui, restaurateur de l'autorité centrale, exigeait le culte envers sa
personne, centre et garantie de la «civilisation humaine». Or le culte
divin à l'empereur, de son vivant, lui qui passait pour le Père de la
Patrie, s'est développé au contact du Mithriacisme, frère et
adversaire du Christianisme.
L'écriture
de l'évangéliste Matthieu.
-
-
1 - Suétone, Néron 34/8 -Il fit faire un
sacrifice aux mages pour évoquer et fléchir son ombre. Dans son
voyage en Grèce, il n'osa point assister aux mystères d'Éleusis,
parce que la voix du héraut en écarte les impies et les hommes
souillés de crimes.
NH 30/14-15
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- Annales de Tacite XV/38 (7) Et personne
n'osait combattre l'incendie: des voix menaçantes défendaient de
l'éteindre; des inconnus lançaient publiquement des torches, en
criant qu'ils étaient autorisés; soit qu'ils voulussent piller avec
plus de licence, soit qu'en effet ils agissent par ordre.
- Matthieu avait une certaine connaissance du
culte païen; Tertullien savait que des paraboles étaient communes
aux deux cultes, mais sans réaliser que celles-ci se trouvaient
uniquement chez Matthieu. S'il estimait que le Christianisme devait
mener contre le Mithriacisme un combat à mort c'est parce que ce
culte lui apparaissait comme une contrefaçon:
«Et si je me souviens encore de Mithra, il marque là au front ses
soldats. Il célèbre aussi l'oblation du pain. Il offre une image de la
résurrection et, sous le glaive, 'il pose une couronne'. Eh quoi ?
n'impose-t-il pas à son grand prêtre un mariage unique? Il a lui aussi
ses vierges, il a lui aussi ses continents... Celui qui s'est si
jalousement efforcé de reproduire dans les choses de l'idolâtrie les
rites mêmes qui servent à administrer les « sacrements » du Christ,
celui-là aussi, dans une intention toute pareille, a désiré
passionnément et a pu appliquer à une foi profane et rivale les
instruments des choses divines et des sacrements chrétiens, en tirant sa
pensée de leurs pensées, ses paroles de leurs paroles, ses paraboles de
leurs paraboles. Voilà pourquoi il ne faut pas douter que les esprits de
perversité de qui viennent les hérésies, n'aient été envoyés par le
démon, et que les hérésies ne diffèrent nullement de l'idolâtrie.»
Tertullien prescription contre les Hérétiques ch XL.