"Moi non plus je ne te condamne pas"
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Le récit de la femme adultère est non moins universellement connu que celui du serpent à la langue tortueuse du jardin d'Eden; ce qu'on sait moins, c'est qu'il a été écrit par LUC et non par Jean.
Il est en effet absent des grands onciaux (codex Alexandrinus, Vaticanus, Sinaiticus) et de la plus part des manuscrits. Où donc le trouve-t'on alors? Après le verset 7:52 de l'évangile de Jean dans le codex Bezæ et la Vetus Latina (et quelques autres manuscrits qui ne sont pas antérieurs au IXème siècle , K M S U, 579, 118, 700 1071...) , sinon tout à la fin dans les cinq manuscrits de la série f1. Par contre dans une série de 13 manuscrits, la série f13 à laquelle il faut ajouter le ms 1346, on le trouve à la jointure des chapitres 21/22 de l'évangile de Luc . Par le style il se rattache à cet auteur ce dont convient la critique textuelle dans une large majorité.
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L'insertion des "prêtres" au v 4 est étrange car on attendrait plutôt les "grands-prêtres" , un terme fréquent en Jean alors que celui de prêtres n'y est qu'une fois (1:19).
Au verset 7 le scribe a préféré dire que Jésus s'était relevé, car dans le parallèle Lucanien, on a l'impression que Jésus avait levé les yeux sur la foule de la position basse où il se trouvait; mais le lecteur en est détrompé puisqu'il est indiqué à la phrase suivante qu'il s'était baissé à nouveau.
La péricope se trouvait initialement placée par l'évangéliste Luc à un moment clé, comme une épreuve ultime, ce que souligne le commentaire de l'évangéliste au v 5: "Ils disaient cela pour l'éprouver”. Jésus avait été interrogé sur son autorité, puis sur l'argent de l'impôt, puis sur la loi du lévirat et la vie après la mort. Luc insérait alors avec son chapitre 21 une prophétie de Jésus sur le siège et la destruction de Jérusalem suivie d' un tableau de fin du monde et d'un appel à la vigilance. C'est alors qu'on pouvait lire la péricope de la femme adultère, ultime tentative pour confondre Jésus devant le peuple. Et quel épisode venait ensuite? Celui de la trahison de Judas, comme s'il en était la conséquence.
Pour que la déferlante satanique entrât en Judas, ne fallait-il pas une cause déclenchante?
Luc 22, 1 - Approcha alors la fête des azymes celle dite Pâque. 2 - Or les grands-prêtres et des scribes cherchaient comment ils le perdraient mais ils craignaient le peuple. 3 - Or Satan entra en Judas, celui appelé Iscarioth, qui était du nombre des Douze 4 - Et s'en allant, il s'entretint avec les grands-prêtres sur la façon dont il le livrerait. 5 - Et ils se réjouirent et ils ourdirent de lui donner de l'argent. Et il fut d'accord 6 - aussi cherchait-il une opportunité pour le livrer à l'écart de la foule.
La rançon n'était pas la motivation de la trahison, puisqu'elle vint d' une proposition des grands-prêtres et des scribes, et non d'une demande de Judas.
Dans l'affaire de la femme adultère, l'attitude de Jésus semblait invalider les commandements de la Loi . Aussi la trahison de l'Apôtre pourrait s'expliquer par une volonté fougueuse de défendre la Loi; différentes tentatives ont été faites en ce sens pour le réhabiliter. Toutefois une fougue peut en cacher une autre et la liberté consentie aux femmes, dans l'Évangile de Luc précisément, ne devait pas forcément plaire à tous.
Mis en demeure par les accusateurs de choisir entre la défense de la femme accusée ou celle de la Torah, Jésus avait pris le temps avant de répondre :
Que celui qui n'a pas commis de péché soit le premier à lui jeter une pierre.
Les accusateurs s'étant tous retirés, il pouvait laisser les choses où elles en étaient et se suffire de ce qu'il avait écrit sur le sol.
Qu'avait-il écrit?
- Le rappel du décalogue ?: "tu ne commettras pas l'adultère...tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain"
Or le décalogue était sensé avoir été écrit par Dieu lui-même:
Le Seigneur dit à Moïse : Taille deux tables de pierre comme les premières, et J'y écrirai les paroles qui étaient sur les premières tables que tu as brisées.(Exode 34,1).
Ou bien Jésus avait-il rappelé que le châtiment de la lapidation était requis non seulement contre la femme mais aussi contre l'homme adultère que les accusateurs avaient subrepticement laissé échapper?
«Si un homme commet un adultère avec une femme mariée, s'il commet un adultère avec la femme de son prochain, l'homme et la femme adultères seront punis de mort.» Lv 20:10
C'est alors que regardant la femme Jésus lui dit:
Moi non plus je ne te condamne pas; va ne pèche
plus.
Or, cette non condamnation de la transgression du décalogue,
les accusateurs allaient la faire signer à Jésus de son sang.
Sylvie Chabert d'Hyères
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