UN CONTRESENS
MILLÉNAIRE DANS LE PROLOGUE DE LUC ?
“Moi
aussi qui ai tout accompagné assidûment depuis
l'origine” Luc 1:3
C'est ainsi que l'auteur du Troisième évangile se présentait dans la
préface de son œuvre.
En disant qu'il avait tout accompagné avec assiduité, ne faisait-il pas
comprendre qu'il avait pris part aux événements qu'il relatait ?
Le champ sémantique du verbe racine ἀκολουθεῖν, signifie
accompagner
sur le chemin et près d'une vingtaine de fois, Luc l'a employé
pour ceux qui, devenus disciples, s'étaient mis à accompagner
personnellement Jésus sur les routes de Galilée et de Judée. En parlant
de lui-même, il en renforçait la signification à l'aide du préfixe παρα
qui apportait une nuance d'attention et de proximité.
Le plus ancien témoignage relatif à son prologue remonte à la fin du
premier siècle et il confirme ce sens.
I - LE TÉMOIGNAGE DE JEAN L'ANCIEN
Papias a rapporté des
propos de Jean l'Ancien qui se fondait sur les mêmes critères que ceux
du prologue de Luc pour émettre un jugement sur Marc :
Cloître de l'Abbaye St Dominique de
Silos, XIIs
Et
[Jean] l'Ancien disait ceci : “Marc, étant devenu l'interprète de
Pierre, tout ce dont il se souvenait il l'écrivit avec exactitude
(ἀκριβῶς ἔγραψεν), mais pourtant sans ordre (οὐ μέντοι τάξει), de ce
qui avait été dit ou fait (πραχθέντα) par le Seigneur. Car il
n'avait pas entendu ni accompagné (οὔτε παρηκολούθησεν αὐτῷ) le
Seigneur, mais plus tard, comme je l'ai dit, Pierre.
Celui-ci donnait ses enseignements des paroles du Seigneur selon les
besoins, mais sans organisation (σύνταξιν). De la sorte, Marc n'a
pas commis d'erreur en écrivant comme il se souvenait. Il n'a eu en
effet qu'un souci: Ne rien laisser de côté de ce qu'il avait entendu
et ne rien dire de mensonger” Voilà ce que Papias rapporte de Marc.
” Eusèbe de Césarée, HE III, 39, 15.
Jean l'Ancien se servait des mêmes termes que Luc pour exprimer ses
exigences: écrire avec exactitude, retracer les faits avec ordre pour
avoir tout accompagné assidûment ;
et en reliant les deux verbes ἤκουσεν
et παρηκολούθησεν, entendre et accompagner,
il attendait manifestement la présence effective de l'évangéliste
aux événements rapportés. Or, il s'apercevait que Marc ne
correspondait pas à cette exigence puisqu'il n'avait pas été un
auditeur de Jésus et ne l'avait pas accompagné en
tant que disciple.
Par contre, Pierre oui. Et cette phrase là, sans verbe, supposait la
réitération implicite des deux verbes précédents, entendre
et accompagner.
En d'autres termes, si Marc n'avait pas accompagné Jésus, il
avait néanmoins écouté et accompagné Pierre assidûment. Et s'il n'avait
pas manqué d'exactitude, il n'avait cependant pas organisé ses récits
avec ordre (rapportant deux multiplications des pains et deux
apaisements des flots, ne faisant pas de préface et achevant de manière
impromptue).
Pour
lui reprocher son manque d'ordre ne fallait-il pas qu'il ait un
élément de comparaison, un repère solide ?
Jean l'Ancien semblait avoir jugé Marc à l'aune de la démarche exprimée
dans le prologue de Luc dont il avait pu avoir connaissance. Il devait,
de fait, considérer Luc comme un familier de Jésus qui avait pris part
aux événements qu'il rapportait.
Ce témoignage sur Luc, quoique indirect, remonte au premier siècle.
Bien que son nom n'apparaisse pas dans les fragments répertoriés, Papias
(60-130 AD) avait, quant à lui, connu les œuvres de Luc puisqu'il l'a
cité (
"je voyais Satan tomber du ciel comme l'éclair”, Lc 10.18
; fragment 24 gardé par André de Césarée), et fait allusion à Justus
Barsabbas (cf Act 1.23). Il précisait avoir reçu les paroles des apôtres
"
de ceux qui les avaient accompagnés assidûment (παρηκολουθηκότων)“.
Jusqu'à cette haute époque, l'emploi du verbe revêtait en Luc 1.3
un sens clair pour le lecteur qui pouvait penser que l'évangéliste
s'était tenu au courant de tout ce qui se passait lorsque Jésus
s'était mis à enseigner et qu'il n'avait cessé de
les fréquenter lui
et ses apôtres.
II - Le contresens et sas mise en évidence
Les choses changèrent lorsqu'on se mit à éditer un livre contenant les
quatre évangiles canoniques. La primauté fut concédée à celui de
Matthieu, considéré jusqu'au XIXeme siècle comme le premier évangile à
avoir été écrit ; il fut suivi de celui de Jean puis de Luc et de Marc ,
les deux premiers évangélistes passant pour avoir été des disciples de
Jésus, les deux autres des disciples des apôtres.
Aussi, dès le IInd siècle, les traducteurs latins orientèrent
l'expression employée dans un sens figuré, celui d'
atteindre
par la pensée, avec le verbe
adsequor
comme si l'auteur avait recherché le fil d'événements qui s'étaient
produits longtemps auparavant et dont il n'avait pas été le témoin
direct ; pour n'avoir ni connu ni accompagné Jésus, il aurait procédé à
une enquête comme le laissent entendre les traductions actuelles :
- après avoir tout suivi (par la pensée),
- après m'être informé exactement de tout depuis les origines,
- après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses,
- après avoir tout scruté en remontant au commencement .
L'ensemble de la critique littéraire a vu et voit en Luc un littérateur
helléniste, soucieux de replacer la vie de Jésus dans son cadre
hébraïque originel, tout en l'agrémentant de repères issus de l'histoire
romaine.
C'est à HENRY J CADBURY que l'on doit d'avoir mis le doigt sur ce
contresens millénaire dans une monographie du prologue qui n'a pas été
dépassée depuis ; il l'avait relayée par des articles parus jusqu'en
1956. Dans son analyse publiée dès 1922 (cf "
Commentary
on the Preface of Luke dans
The Beginning of Christianity
vol 2 p 501 sq) il soulignait le caractère paradoxal de la traduction
généralement admise “
moi qui me suis informé de tout” . Après
avoir mis en évidence le sens figuré du verbe en citant entre autres
l'Arénaire d'Archimèdes,
"je vais tenter de te montrer par des
démonstrations géométriques que tu
accompagneras par la pensée”, pour Luc 1.3 il retenait
une traduction impliquant "
actual presence or participation in
the events”, soit :
“moi qui me
suis tenu au courant de tous les événements”
ou bien "moi qui ai pris part à tout depuis le commencement ".
il montrait que l'expression utilisée par Luc, et qui se retrouve
notamment chez Flavius Josèphe, faisait directement référence à
Démosthène :
II - RÉFÉRENCE À DÉMOSTHÈNE
Le participe au parfait issu du verbe παρακολουθέω apparaît avec une
fréquence remarquée dans les discours de Démosthène.
Ainsi, lorsqu'il prenait le contre-pied du parti au pouvoir qui
défendait la paix à tout prix, il exhortait ses compatriotes à lutter
contre les volontés hégémoniques de Philippe II de Macédoine :
”Pour engager une guerre le plus adéquatement
possible, il ne faut pas accompagner le cours des
événements, mais les devancer.” Discours aux Philippiques,
4:39.
En d'autres mots Démosthène conseillait de prendre les devants sur les
manoeuvres de l'ennemi pour ne pas en être le spectateur et la victime ;
ἀκολούτειν πράγμασιν =
accompagner le cours des événements
est une expression littéraire qu'il a utilisée à plusieurs autres
reprises, non plus comme un conseil donné à autrui mais pour parler de
lui-même; le verbe est alors au parfait, renforcé du préfixe παρα:
«Celui qui depuis le commencement accompagna les
événements attentivement»
[παρηκολουθεκότα τοῖς πράγμασιν ἐξ ἀρχῆς = Discours18:172]
Parlant de lui à la troisième personne il insistait sur son expérience
personnelle. Il se trouvait à chaque fois sur la brèche, prêt à contrer
les mouvements de l'adversaire.
L'expression revient à diverses reprises dans ses discours et sa
correspondance [
1].
Elle y est à chaque fois au parfait (que l' Anglais nomme "Experiential
perfect"), indiquant un état actuel résultant de l'expérience passée.
"Ce parfait indique une situation donnée qui s'est produite une fois
au moins et durant un certain temps dans le passé et conduisant au
présent actuel.Il faut que ce parfait remonte suffisamment loin dans
le temps pour intégrer ce qui est de l'ordre de l'expérience.”[
2
]
"Celui qui n'a pas vraiment accompagné de près le
déroulement de mes activités...". En se plaignant par ces mots,
Démosthène parlait de l'expérience de toute sa vie.
Or ce n'est pas une autre expression, c'est bien la même qui se retrouve
sous la plume de l'évangéliste Luc, comme dans les Lettres de Paul :
III - ÉPÎTRES DE PAUL A TIMOTHÉE
Elle apparaît deux fois sous la plume de Paul , soit au parfait soit à
l'aoriste selon les manuscits, les copistes s'interrogeant sur le sens
littéral ou figuré à lui conférer :
1 Timothée 4:6
« Expose cela aux frères, et tu seras un bon
serviteur de Jésus-Christ, nourri des paroles de la foi et du bel
enseignement que tu as suivi avec assiduité .»
2 Timothée 3:10
«Mais toi, tu as pu m'accompagner avec
assiduité dans mon enseignement, ma conduite, mes
projets, ma foi, ma patience, mon amour, mon endurance.»
Timothée avait partagé le ministère de Paul. Il avait été à la fois un
disciple , mais aussi un précieux compagnon de voyage qui l'épaulait
dans son ministère. Il était à l'écoute de se enseignements pour les
mettre directement en pratique. Il ne suivait pas un enseignement
théorique dans une école biblique, mais il était à l'école de Paul sur
le terrain l'accompagnant en Macédoine. Lui et Paul évangélisèrent côte
à côte.
Παρακολουθέω requiert la présence du sujet à l'action qui se
déroule devant lui, que ce soit la prononciation d'un discours, une
série d'événements ou bien pour accompagner quelqu'un. Le
sens du verbe est clair, nullement ambigu.
IV - FLAVIUS JOSÈPHE
Luc n'avait pas été le seul à emprunter son expression à Démosthène.
Flavius Josèphe en avait même très heureusement explicité le sens ; pour
cela il lui avait opposé la démarche inverse celle qui conduit à
"s'informer" :
Quiconque s'engage à transmettre le récit d' actions
véritables se doit avant tout de les connaître exactement lui-même,
soit pour avoir accompagné lui-même les événements,
soit pour s'être informé auprès de ceux qui savent
(
3)
À partir de sa propre expérience, Josèphe considérait les deux manières
d'écrire l'Histoire : celle de l'historiographe qui accompagne les
événements eux-mêmes, et celle de l'historien qui s'informe des
événements du passé.
- Engagé personnellement dans la guerre contre les Romains il put en
faire le récit pour en avoir vécu toutes les péripéties [παρηκολουθηκότα
τοῖς γεγόνοσιν]. Il en fut en quelque sorte l'historiographe.
- Par contre il fut historien de son peuple en écrivant les Antiquités
Juives: travaillant à partir des écrits bibliques et du témoignage
d'autrui il sut découvrir l'information là où elle se trouvait [παρὰ τῶν
εἰδότων πυντανομένων].
Mais voici plutôt le passage tout entier où se développe sa pensée :
«Certains personnages
méprisables ont essayé d'attaquer mon histoire (la Guerre des
Juifs), y voyant l'occasion d'un exercice d'accusation paradoxale et
de calomnie comme on en propose aux jeunes gens dans l'école; ils
devraient pourtant savoir que si l'on promet de transmettre à
d'autres un récit véridique des faits, il faut d'abord en avoir
soi-même une connaissance exacte, pour avoir accompagné de près les
événements par soi-même ou en se renseignant auprès de ceux qui les
savent. C'est ce que je crois avoir très bien fait pour mes deux
ouvrages. L'Archéologie (les Antiquités) comme je l'ai dit est
traduite des livres saints, car je tiens le sacerdoce de ma
naissance et je suis initié à la philosophie de ces Livres. Quant à
l'Histoire de la Guerre, je l'ai écrite après avoir été acteur dans
bien des événements, témoin dans un grand nombre, bref, sans avoir
ignoré rien de ce qui s'y est dit ou fait. Comment alors ne point
trouver hardis ceux qui tentent de contester ma véracité? Si même
ils prétendent avoir lu les mémoires des empereurs, ils n'ont pas du
moins, assisté à ce qui se passait dans notre camp à nous, leurs
ennemis».
Contre Apion I, v.53-56 dans la
traduction de Théodore Reinach
Josèphe et Luc avaient en commun d'avoir circulé dans la Galilée et la
Judée du premier siècle et d'avoir rapporté l'un comme l'autre une
histoire dont ils avaient été partie prenante. Car c'est bien la même
expression qui se retrouve sous la plume de Luc.
V - Comprendre, un autre sens du verbe
Παρακολουθέω
“This interpretation can be ruled
out purely on semantic grounds...Cadbury's interpretation seems
semantically unlikely”.
Par ces mots Loveday Alexander (cf.
The preface of Luke's Gospel
p129,134), a souhaité réfuter Henry Cadbury sur des bases sémantiques ;
son affirmation péremptoire laisse interrogateur...
Sa réfutation reposerait sur deux objections :
- - Pour affirmer sa participation aux événements, Flavius Josèphe,
se sert de παρατυγχάνειν, se trouver , assister à, un
verbe effectivement fréquent dans son œuvre (Contre Apion
I.48,56,200, Vita 358, 362 etc.).
- - Le second sens de παρακολουθέω est comprendre; il est à préférer
en Luc.
Or, la première objection ne tient pas devant un autre exemple
significatif de cet auteur : Durant la guerre, lorsqu'après avoir
combattu contre les Romains il fut fait prisonnier, il
dut
assister (παρατυγχάνειν) aux combats par contrainte et
sans y prendre part
(GJ.1.3 αὐτός τε Ῥωμαίους πολεμήσας τὰ πρῶτα καὶ τοῖς ὕστερον
παρατυχὼν
ἐξ ἀνάγκης). La racine τύχη marque le hasard d'un événement qui survient
à l'improviste et de manière non intentionnelle. Ce n'est donc pas de
παρατυγχάνειν dont Josèphe se servait pour affirmer sa participation
active à des événements. Cette seule citation met à mal l'objection
soulevée par Loveday Alexander.
Précisant que le verbe παρακολουθεῖν ne signifiait ni lire, ni
rechercher, ni enquêter, même si ces fonctions étaient requises dans le
processus, Loveday aurait proposé d'adopter
être
au courant du cours des événements, si cette
lecture ne supposait pas que les événements en question se soient
produits sur le moment et non des années auparavant ; aussi
envisageait-elle plutôt de la part de Luc “une prétention à comprendre
de manière approfondie et précise” (
claim to thorough and accurate
understanding). Et effectivement l'autre sens du verbe
παρακολουθεῖν est purement intellectuel ; il s'agit de "comprendre”
comme l'a mis en évidence David Moessner (Novum Testamentum 1996) à
travers des exemples pris à Epictète (Discours II.14) ou les Histoires
de Polybes (III.32.1) : Les lecteurs pouvaient
"comprendre"
les événements passés, grâce aux nombreux livres qui leur avaient été
laissés ; ce même sens se retrouve dans le Contre Apion de Flavius
Josèphe, I.218. Dans ces différents exemples, le verbe n'est pas au
parfait, mais à l'aoriste, l'acte de comprendre s'exerçant dans
l'immédiateté, même s'il requiert préalablement un travail long et
laborieux.
Quant à Luc aurait-il écrit
“Il m'a semblé bon à moi aussi qui ai
tout compris depuis l'origine”? Laisser entendre qu'il ait
affirmé tout comprendre des paroles et des faits et gestes du Christ, de
sa naissance à sa résurrection ne le fait-il pas passer pour
prétentieux, surévaluant fortement ses prétentions et dévaluant ses
intentions ?
Or "moi aussi” mis en relief par un crase,
κἀμοὶ,
établit une comparaison avec les témoins du verset 2 qui avaient vu de
leur yeux ; Luc “lui aussi” avait vu de ses yeux puisqu'il avait tout
accompagné assidûment. Ce “moi aussi“ perdrait tout sons sens s'il
devait accompagner le verbe comprendre.
VI - REFAIRE L'HISTOIRE ?
Pour résumer, παρακολουθεῖν revêt deux sens :
accompagner ou
comprendre.
Accompagner quelqu'un sur le chemin ou dans sa pensée (lorsqu'il fait un
discours), accompagner le cours des événements en se tenant au courant
de ce qui se passe. Comprendre ne saurait être retenu car, sans compter
qu'il fait passer Luc pour un personnage très présomptueux il ne rend
pas compte de la crase κἀμοὶ qui le précède. Le verbe ne signifie nulle
part
rechercher, enquêter ou s'informer. À cet égard,
l'ensemble des traductions présente un contresens manifeste.
Luc fut le seul auteur du NT à rédiger une préface, à rechercher une
démarche historique, à se conformer à la rigueur de ses règles et à
s'engager à titre personnel dans l'écrit laissé à la postérité pour
avoir été un familier de Jésus et des apôtres. En ne l'admettant pas,
l'exégète ravale son engagement personnel à un exercice de style, et sa
vie spirituelle à une méditation pieuse, réduisant considérablement sa
liberté.
Bien que fréquemment référencé dans les bibliographies, Henry Cadbury
n'a pas été suivi et les travaux qui ont cherché à le réfuter empêchent
d'atteindre le sens littéral du prologue. L'expression au parfait
παρηκολουθηκότι πράγμασιν relève du grec classique et manifeste une
attention particulière aux événements en train de se dérouler. Une
traduction comme “
je me suis tenu au courant de tout ce qui se
passait” permet de comprendre que Luc fut un contemporain des
faits rapportés. S'il n'avait pas été un disciple au sens strict, il
n'en avait pas moins connu Jésus dont il s'était tenu très proche.
Luc aurait-il utilisé l'expression en parlant de lui-même pour lui faire
dire l'exact contraire de ce qu'elle signifiait dans la langue de
Démosthène ?
Les exemples scripturaires éclairent son intention : En disant que
depuis l'origine, il avait attentivement accompagné les événements, il
faisait part d'un fait d'expérience, signifiant clairement qu'il avait
été un témoin attentif de la vie de Jésus depuis les origines. Si, à son
endroit, il n'a pas fait usage du terme "témoin" qui relevait de la
jurisprudence, il n'en a pas moins utilisé deux fois dans la phrase de
son prologue le pronom “nous”, s'incluant tout autant que ceux qui
avaient laissé leurs dépositions.
Identité
de l'auteur du Troisième Évangile
Étude
du prologue
S. Chabert d'Hyères
© Copyright 2005-2017
Notes
[1] - Exemples chez Demosthène:
- - Discours 18:172 : Démosthéne parlait de lui à la troisième
personne: Mais la raison de la crise en ce jour
important apparaissait non seulement au patriote riche mais à
l'homme qui du début jusqu'à la fin avait étroitement accompagné
la suite des opérations, et avait correctement sondé les
buts et les désirs de Philippe; quant à celui qui n'avait pas
saisi ces buts, ou ne les avait pas étudiés assez longtemps à
l'avance, quoique patriote et riche, il n'était pas en mesure d'
apprécier les besoins du moment, ni de conseiller le peuple.
- - Discours 19 257:
Je le dénonce après avoir moi-même tout accompagné de près.
- Lettre I:4
sachant accompagner de près les événements
- Discours 23/187
Enfin quoi? J'ai permis ces choses pour avoir eu
ainsi une exacte connaissance et avoir accompagné quelques uns des
ses méfaits.
- Discours 48/40 O Juges, j'affirme que
celui-ci, n'a pas voulu se référer aux parents et relations que
nous avons en commun lui et moi, pour la raison qu'il a prété une
oreille attentive aux rapports oraux durant le déroulement de tous
ces événements et à ceux qui les avaient accompagnés de près
depuis le début.
- Autres exemples:
Xenophon, anabasis 3,3,4;
[2]Amalia Moser: "...The
existence, however, of a considerable number of languages which
have a separate, autonomous, category for the expression of the
experiential , raises the question of whether it would not be
possible to see it as a cate-gory apart, which can find its
express"
- Pour André
Sauge, Le verbe signifie "cheminer (dans la vie) en même
temps" ou sur une autre "voie", "suivre de loin une affaire". La
valeur du parfait est, non comme l'a dit Chantraine, "résultative"
(autant parler d'accompli), mais celle de "l'achèvement". Cet
achèvement peut être "intensif" ("pour avoir donné, ça, je peux dire
que j'ai donné" / "plus que cela, on ne peut pas") ou "extensif" ;
cette dernière valeur est celle du participe dans le prologue du 3e
évangile: "j'ai suivi sans discontinuer" / "j'ai suivi l'affaire de
bout en bout et de maniére assidue".
[3] Contre Apion , I/10(53-54)
[4] v 6 : secundum adsumsisset numeni suo ex
opinione concripset [7] dnm tamen nec ipse uidit in carne [8] et ide
prout asequi potuit.[9] ita et ad natiuitate iohannis incipet
dicere,
Version proposée:
6 selon la part qu'il avait prise
il écrivit en son nom propre é partir de son jugement.
7 Cependant lui non plus ne vit pas le Seigneur dans la chair.
8 Et par conséquent é la mesure de ce qu'il avait pu suivre
9 Il commenéa é le dire é partir de la nativité de Jean.
[5] De BDAG (A Greek English Lexicon of the
New Testament): ἀκολουθέω é 4. to pay careful attention to someth.
in a segment of time, follow a thing, follow a course of events,
take note of w. dat. of thing (Demosth. 18, 172 , one well
acquainted with the affairs from the very beginning; 19, 257 :I
bring my charges as one who has accurate knowledge and has followed
everything; Jos., C. Ap. 1, 53 personal acquaintance as opposed to
information secured second-hand; 218 of inability to have a thorough
grasp of certain writings: to me, with a firm grasp of everything
from the beginning Lk 1:3 (s. H.Cadbury, Beginn. II 501f; Exp. 8th
ser., 144, 1922, 401&endash;20; NTS 3, '56/57: 128ff having been
familiar with, and M-M.; JRopes, JTS 25, 1924, 67;71.;GWhitaker,
Exp. 8th ser., 118, 1920, 262; 72; 119, 1920, 380;84; 121, 1921,
239ff; BBacon, Le témoignage de Luc sur lui-méme: RHPR 8, 1928,
209;26. Luke does not specify the means whereby he was able to
assert his thorough familiarity [a rendering such as 'research' or
'investigate' depends on interpretation of the context and not on
the semantic content of p. ]. It can be assumed that some of it was
derived from the kinds of sources cited in vs. 2. S.L. Alexander,
The Preface to Luke's Gospel '93, 127;