Les Paroles Eucharistiques
Les Paroles de Jésus sur le pain &
le vin lors de la Cène
Les paroles eucharistiques de Jésus sur le pain et le vin lors de la
Cène nous ont été transmises par Luc, par Paul et par Marc qui fut
repris par Matthieu. Les différences d'un auteur à l'autre puis d'un
manuscrit à l'autre manifestent que le texte initial de Luc fut allongé
en fonction du témoignage de Paul et que celui de Marc fut retouché
partiellement par les copistes d'après le texte de Matthieu.
Se laisse dessiner la chronologie suivante dans la rédaction des textes,
avec en premier :
- L'Évangile de Luc dans sa rédaction initiale du Texte Occidental
(Codex Bezæ et Itala) où la consécration du pain n'est pas
accompagnée d'un ordre de commémoration et où il n'y a pas de parole
consécratoire sur la coupe de vin1.
- Dans sa première épître aux Corinthiens, Paul a laissé sur la
manière de célébrer dignement l'Eucharistie un témoignage spirituel
qu'il dit avoir reçu personnellement du Seigneur et qui doit
néanmoins à l'Épître aux Hébreux comme à Luc.
- L'Évangile de Marc qui doit et à Paul et à l'Épître aux Hébreux.
La variété dans les paroles prêtées à Jésus sur l'institution
eucharistique manifeste combien dans les premières décennies après la
Résurrection la commémoration de la Cène a évolué en fonction d'une
réflexion spirituelle sur les enseignements et les actes posés par
Jésus.
- I - Le pain et le vin dans l'enseignement de
Jésus
II - La coupe de la Nouvelle Alliance
III- L'action de grâce sur le pain
Conclusion
I - Le Pain et le Vin dans l'enseignement
de Jésus
Parmi les paroles et les actes de Jésus rapportés par les
Synoptiques se décèle une préparation pédagogique à la consécration
faite sur le pain le soir de la Cène :
- Une cueillette d'épis de blé que Jésus mettait en parallèle avec
les pains d'offrande réservés au culte et que consomma David avec
ses compagnons;
- la multiplication des cinq pains et des deux poissons qui
nourrirent la foule;
- dans la prière adressée au Père les disciples étaient invités à
demander: “Donne-nous chaque jour notre pain substantiel”.
- Le soir de sa résurrection Jésus partagea le pain avec deux de ses
disciples avant de se soustraire à leurs yeux.
On compte 16 occurrences, en Luc, du mot “pain” contre 6 occurrences
du mot vin, dont deux concernent Jean Baptiste qui n'en buvait pas ;
c'est, comparativement assez peu et cette proportion est identique
chez les trois autres évangélistes. Dans les Actes des Apôtres les
repas sont centrés sur la fraction du pain, sans que le vin ne soit
même évoqué (Ac 2.42,46 ; 20.7-11; 27.35). Et si par l'expression
"à vin nouveau outres neuves", Jésus a comparé son enseignement
à un vin nouveau que les institutions n'étaient pas à même de
contenir, le fruit de la vigne n'a pas reçu de lui, à suivre les
Synoptiques, la même attention que le pain.
L'évangéliste Jean qui n'a pas retracé le repas de la Cène n'a pas
rapporté de paroles de Jésus sur le pain et le vin. Par contre, il a mis
le vin en exergue en présentant le miracle de Cana comme le premier
signe de Jésus ; à travers la présence de Marie il a établi un parallèle
avec la Croix quand le cœur du Christ transpercé laissa jaillir du sang
et de l'eau, ce qui fut compris comme l'alliance mystique du Christ avec
l'Église (même si le terme d'alliance ne figure pas dans son écrit).
II - La coupe de la nouvelle Alliance
La conception d'une “nouvelle alliance” remonte au Prophète Jérémie qui
annonçait que Dieu conclurait avec les maisons d'Israël et de Juda une
nouvelle alliance en inscrivant “sa loi” dans les cœurs
3.
Partout dans le Livre de Jérémie,
la loi du Seigneur désigne
l'ensemble des commandements transmis par Moïse, autrement dit la Torah
; ainsi, dans la nouvelle alliance ce n'est pas la loi qui devait
changer, mais la façon de la penser et de la pratiquer. Comme en hébreu
חדש désigne à la fois la nouveauté et le renouvellement, la nouvelle
alliance annoncée apparaît davantage comme un renouvellement de la
première que l'instauration d'un régime entièrement nouveau.
Cette annonce faite par Jérémie se retrouve dans le “Nouveau Testament”
qui lui doit son nom
4, dans l'Épître aux
Hébreux où l'auteur, après avoir longuement cité le prophète Jérémie,
concluait sur ces mots :
"En parlant
d'une alliance nouvelle, [Jérémie] a rendu ancienne la première; or ce
qui est ancien et qui vieillit est près de disparaître."He
8,13. En rapprochant la nouvelle alliance du Salut en Jésus-Christ il
l'opposait à la tradition hébraïque qu'il considérait obsolète.
Paul a déployé cette spiritualité en direction des Païens en vue de
leur intégration au même titre que les Juifs dans cette nouvelle
alliance qui ne comportait plus de soumission à la Loi mais à
l'enseignement du Christ (2Co3.6sq; Gal 4.24).
Boire à la coupe revenait à sceller dans le Sang du Christ la nouvelle
alliance à laquelle étaient conviées toutes les nations : "Cette
coupe est la nouvelle alliance en mon sang”5
Cette participation des Païens au salut revêtait toute sa cohérence à
l'époque où Paul écrivait puisqu'il s'adressait à un auditoire
largement issu du paganisme ; mais lors de la Cène, alors qu'elle
n'avait pas été clairement énoncée par Jésus, comment l'intégration
des païens pouvait-elle être comprise d'apôtres qui n'avaient pas
encore vécu l'expérience de la Passion, de la Résurrection et de la
Pentecôte ? De fait, reportée lors de la Cène, cette “nouvelle
alliance” avec les nations revêt un caractère anachronique et
prématuré.
Il faut remarquer, en outre, que la parole sur la coupe n'est pas le
parallèle exact de celle sur le pain : Elle ne consacre pas
directement le vin dans le sang et celle qui la suit “faites ceci,
toutes les fois que vous boirez en mémoire de moi”, n'explicite
pas quel geste de commémoration doit être accompli sur la coupe.
Paul avait écrit aux Galates :“Je
vous déclare, frères, que l'Évangile qui a été annoncé par moi n'est
pas de l'homme, car je ne l'ai pas reçu d'un homme, ni je n'ai été
enseigné, mais par une révélation (ἀποκαλύψεως) de
Jésus-Christ.” Gal 1,11-12. Et à propos même de l'Eucharistie
il écrivait aux Corinthiens "Car
moi, j'ai reçu du
Seigneur cela même que je
vous ai transmis: la nuit qu'il fut livré le Seigneur
...prit la coupe, et dit: "Cette
coupe est la nouvelle alliance en mon sang."5.
Sur le point précis de l'Eucharistie il ne se recommandait pas de la
tradition apostolique ; vraisemblablement rien encore n'avait été fixé
au niveau liturgique entre les Apôtres.
A - Marc et le Sang de l'Alliance
“Prenant une coupe, Jésus rendit
grâces et la leur donna, et
ils en burent tous. Et il leur dit : Ceci est le sang de moi, de
l'Alliance, le [sang] versé pour beaucoup" Marc
14:23-24.
Ces versets appellent plusieurs remarques :
- Les Apôtres burent à la coupe à tour de rôle et c'est ensuite
seulement que Jésus aurait dit "ceci est mon sang” ;
ainsi, lorsqu'ils approchèrent leurs lèvres de la coupe, ils
ignoraient qu'ils buvaient au Sang du Christ. [Matthieu a rectifié
les phrases de manière à conférer une plus grande cohérence à
l'événement "Il prit ensuite une coupe; et, après avoir rendu
grâces, il la leur donna, en disant: Buvez-en tous; car ceci est
mon sang...” Mt 26,27-28.]
- De quelle alliance s'agissait-il ici : De celle conclue avec
Abraham et dont le père de Jean Baptiste disait: "Dieu
a montré son amour envers nos pères, se souvenant de son alliance
sainte" (Lc 1,72) ? Ou bien de la nouvelle alliance
annoncée par Jérémie ? [La réponse à cette question fut donnée par
Matthieu qui inséra l'adjectif "nouvelle” à côté du terme
“alliance”.]9
- Le terme sang est accompagné de deux génitifs (mon et alliance),
ce qui rend la phrase bancale.
Ces trois points font difficulté. À qui les imputer sinon au
rédacteur ?
S'inspirant d'un verset de l'Épître aux Hébreux "Ceci est le sang
de l'alliance que Dieu a ordonnée pour vous" (He 9,20 citant
Exode 24,8) Marc a pu en faire une adaptation à la Cène par ces mots "ceci
est mon Sang de l'Alliance”; il créait ainsi un parallèle
direct avec la parole sur le pain “ceci est mon Corps”,
cherchant
à apporter de la simplicité là où les propos de Paul offraient une
certaine complexité .
Le verset qui lui fait suite “je ne
boirai plus du fruit de la vigne jusqu'à ce jour où je le boirai
nouveau dans la royauté de Dieu” mêle la parole sur le jour
de la fête à celle sur la coupe du kiddouch dans le récit de Luc1
dont Marc est manifestement redevable.
B- L'interdit du sang
Une autre difficulté que recèle l'écrit de Marc est la transgression de
l'interdit de boire le sang, un interdit qui n'était pas franchi dans
les paroles rapportées par Paul
5.
L'interdit de boire le sang est un commandement imprescriptible de la
Torah : “
Quiconque de la famille d'Israël ou des étrangers qui
séjournent parmi eux, aura mangé de quelque sang que ce soit, je
mettrai ma face contre celui qui aura mangé du sang, et je le
retrancherai du milieu de son peuple.”Lev 17.10.
Cet interdit de boire le sang remonte à l'alliance de Dieu avec Noé (Gen
9.4). Jésus pouvait-il outrepasser cette prescription et demander à ses
Apôtres d'en faire autant ? Si cela avait été le cas pourquoi les mêmes
Apôtres ont-ils imposé aux incirconcis de s'abstenir du sang et des
viandes encore gorgées de sang par étouffement
6
?
Au repas de la Pâque, une cinquième coupe de vin présente déjà dans
l'Antiquité
7, focalise l'attention sur la
venue du Messie à travers le prophète Élie qui, selon Malachie 3,23 doit
ramener le cœur des pères vers les fils ; ce rôle fut donné par l'Ange
Gabriel à Jean Baptiste dont l'absence devait cruellement se faire
sentir le soir de la Cène. L'ultime coupe dite d'Élie n'est pas bue.
Elle constitue une coupe spirituelle comme celle que Jésus évoqua dans
sa prière au mont des Oliviers :
“Père, non pas ma volonté, mais la tienne qu'elle advienne : Si
tu veux emporte cette coupe, loin de moi!" Lc
22,42 (codex Bezæ).
Luc a été le seul à mentionner la
sueur de sang
tombant du visage du Christ au moment où il présentait cette prière,
associant
spirituellement le sang et la coupe.
Paul avait connaissance de son évangile (cf. 2 Co 8.18) dont il devait
posséder un exemplaire (cf. 2 Ti 4.13) ; il s'y référait implicitement
(Ac 17.2-3) si bien que sa propre méditation a pu en être marquée ; si
l'association spirituelle de la coupe et du sang se retrouve dans son
rituel commémoratif de 1 Co 11.25
"Cette
coupe est la nouvelle alliance en mon sang", il est légitime de
penser qu'elle lui vient de Luc.
C - Le sang vraie boisson selon Jean
Jean qui n'a pas retracé le repas de la Cène, n'a donc pas rapporté les
paroles de Jésus sur le pain et le vin. Mais dans son long discours sur
le pain de vie il a présenté de manière saisissante la chair du Christ
comme “la vraie nourriture” et son sang comme la “vraie boisson”. Ces
paroles étaient audibles dans la mesure où les Chrétiens vivaient déjà
la commémoration de la Cène. Mais sans les gestes du Christ sur les
espèces du pain et du vin, elles eussent été inaudibles. Jean a ainsi
prêté à Jésus des paroles qui pouvaient n'être entendues qu'à l'époque
où lui même écrivait et où l'interdit de boire le sang avait été dépassé
et transfiguré. Comme Marc et comme Paul, il établissait un parallèle
entre les espèces du pain et du vin ; dans la mouvance du texte court de
Luc, il saisissait une actualisation de la Présence divine :
“Celui
qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure
en lui.” Jn 6.57.
III - L'action de grâce sur le pain
"Prenant du pain, rendant grâces, il le
rompit et le leur donna en disant: Ceci est mon
Corps." Lc 22,19 D05.
Telle est la parole de Jésus sur le pain en Luc dans le Texte Occidental
; de même qu'en Marc et Matthieu, elle n'est pas suivie des mots "
donné
pour vous; faites cela en mémoire de moi”. Elle n'est pas suivie
non plus de la bénédiction sur la coupe. Ces phrases furent ajoutées au
texte originel afin d'harmoniser les évangiles entre eux.
Là où Marc et Matthieu parlaient de bénédiction, Luc usait du verbe
εὐχαριστέω — être reconnaissant, rendre grâce — qui s'harmonisait avec
l'atmosphère festive et libératrice de la fête ; à la racine du verbe se
trouve le mot χάρις qui était déjà dans la salutation de l'ange Gabriel
à Marie "plénitude de grâce”; on peut y discerner un renvoi implicite de
l'Eucharistie à l'Incarnation.
Jésus avait ouvert la célébration en action de grâces pour le jour de la
fête :
"J'ai désiré avec désir manger cette pâque avec vous avant de
souffrir"Lc 22.15. Désirer avec désir est une expression de la
LXX sur le désir de se rassasier de viandes dont furent pris les Hébreux
dans le désert (Nb 11:4,34; 33,16; Dt 9,22; 12,20 etc). Elle était sur
les lèvres de Jésus car, il se devait de commenter, ce soir là, la
sortie d'Égypte.
Laissant entrevoir que la royauté de Dieu était sur le point de se
manifester il annonça alors, selon le codex Bezæ, une "pâque nouvelle":
plus du tout je ne mangerai d'elle, jusqu'à ce que, nouvelle, elle
soit consommée dans la royauté de Dieu" ; dans les autres
manuscrits on lit:
"jusqu'à ce qu'elle soit accomplie dans la
royauté de Dieu". Cette parole sur le renouvellement de la Pâque
renvoie au dialogue qu'il eut avec Moïse et Élie sur la montagne à
propos de
"l'exode qu'il était sur le point d'accomplir à
Jérusalem"(Lc 9,31), l'exode étant le terme consacré pour la
libération de l'esclavage d'Égypte conduite par Moïse. L'imminence de
cette libération fut à nouveau évoquée lors de la bénédiction sur la
coupe d'introduction à la fête :
“Prenez
et partagez entre vous, car je vous dis: à partir de maintenant je ne
boirai plus du fruit de la vigne jusqu'à ce que vienne la Royauté de
Dieu” (Lc 22,18). C'est alors qu'il rompit le pain, du pain
azyme symbole de la pureté d'intention, symbole du nécessaire, de ce qui
est sans apparence qui séduise, sans hypocrisie. Il le donna à ses
disciples avec ces mots:
"Ceci est mon Corps". Jésus s'offrait
sous le pain sans levain, icône de son humanité et rappelant la manière
dont les Hébreux s'étaient nourris dans le désert du pain azyme et de la
manne céleste. Ayant refusé de changer les pierres en pain, il changeait
le pain en son corps pour transformer de l'intérieur les cœurs de pierre
en cœurs de chair, instaurant au milieu des apôtres la Royauté de Dieu.
Après avoir vécu sa Passion, être entré dans la mort et s'en être
relevé, Jésus a cheminé avec deux de ses disciples, s'arrêtant pour
prendre un repas avec eux :
"Comme il se mettait à table, il prit
du pain, prononça la bénédiction et leur faisait partager ; recevant
de lui le pain, leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ; et il
devint invisible d'eux.” Lc 24.30-31. Le fait qu'il ait disparu à
leurs yeux précisément à ce moment là invite à établir une relation
entre la fraction du pain et sa présence devenue invisible. Il reprenait
par ce geste celui de la Cène pour inviter à en poursuivre la
commémoration. La parole
"faites ceci en mémoire de moi" en
fut la traduction verbale.
Les deux disciples qui ne l'avaient identifié ni à son apparence ni à sa
voix le reconnurent soudainement, leurs yeux s'ouvrant sur les réalités
invisibles.
L'afikomen (grec ἀφικόμην) est la partie d'une matza rompue en début du
repas de la Pâque puis cachée aux regards ; comme l'aoriste ἀφικόμην,
signifie “
je suis venu”, Hillel en référait le rituel au roi
Ézéchias mort depuis longtemps et considéré par certains comme le Messie
(Sanhedrin 98b–99a). Reprenant le travail de R.Eisler, D.Daube a proposé
de voir dans l'afikomen la part du Messie et dans l'autre partie de
matza le peuple en attente de lui
7 ;
son livre "He that cometh” est inspiré de la phrase "Οὗτός ἐστιν ὁ πρός
σε ἀφικόμενος" du traité sur la Pâque de Méliton de Sardes. Mais le rite
de l'afikomen qui n'était observé que par quelques petits groupes au
temps de Jésus n'explique ni ne rend compte du sens de ses paroles sur
le pain.
L'expression “pour vous” qui accompagne la parole sur le pain en
1Co11.24 fut rendue dans la Vulgate latine par “pro vobis tradetur”, en
français “livré pour vous”; cette expression n'appartient à aucune des
sources initiales ; elle vise à établir un parallèle avec le sang “versé
pour vous” du texte de Matthieu. Elle se retrouve dans la liturgie de la
messe catholique où elle confère au geste du Christ un caractère
sacrificiel
8.
Synthèse
Jésus avait rendu grâces lors de la Cène sur le pain azyme
symbole de pureté et de pauvreté, disant "Ceci est mon Corps”. Sous
l'espèce du pain il exprimait sa présence personnelle à chacun dans
l'action de grâce.
Alors que la consécration du pain est bien attestée par les sources
comme un acte authentifiant la présence du Christ parmi les siens, celle
de son parallèle sur le vin serait redevable à une évolution progressive
de la liturgie dans les premières décennies après la Résurrection, comme
incitent à le penser les points suivants :
- Il n'y a pas de parole consécratoire sur la coupe de vin dans
l'Évangile de Luc selon le Texte Occidental qui détient la tradition
la plus ancienne connue.
- Le jour de sa résurrection Jésus partagea le pain avec deux de ses
disciples, disparaissant soudainement à leurs yeux ; lors de cette
réitération qui constituait une invitation à commémorer la Cène, il
n'avait pas été été question de la coupe de vin.
- Jésus n'a pas repris dans son enseignement la nouvelle alliance
dont parlait Jérémie et que Paul étendait aux païens ; aussi la
coupe de la nouvelle alliance paraît prématurée au moment de la
Cène.
- Les apôtres recommandèrent aux communautés de la diaspora de
s'abstenir du sang et des viandes étouffées ; il respectaient et
faisaient respecter l'interdit de boire le sang.
- La phrase sur la coupe transmise par Paul n'est pas le parallèle
exact de celle sur le pain tandis que celle de Marc n'accompagne pas
le geste du don mais vient seulement après. Elle intègre l'alliance,
mais sans préciser laquelle; elle transgresse l'interdit de boire le
sang.
- L'évangéliste Jean a lui aussi transgressé l'interdit de boire le
sang ; il écrivait plus tardivement, alors que la liturgie était
déjà fixée.
C'est par la prière au Mont des Oliviers que s'est inscrit un lien entre
la coupe et la sueur de sang et que la Passion de Jésus fut intégrée à
la liturgie à travers la coupe de vin (et, à travers elle, le dessein
rédempteur).
Notes
1- Luc 22 selon le Texte Occidental
Codex Bezæ,(D05) : 15 Et il leur dit " de désir, j'ai désiré cette
Pâque la manger avec vous, avant, moi, de souffrir. 16 Je vous dis
en effet : plus du tout je mangerai d'elle, jusqu'à ce que,
nouvelle, elle soit consommée dans la royauté de Dieu". 17 Et
prenant la coupe, rendant grâces, il dit: "prenez ceci, distribuez
entre vous. 18 Car je vous dis : à partir de maintenant je ne boirai
sûrement pas du produit de la vigne jusqu'à ce que vienne la royauté
de Dieu! 19 - Puis, prenant du pain, ayant rendu grâces, il
rompit et le donna disant : Ceci [est] mon corps. [20 - ***]
[Autres manuscrits (grecs):
19b “qui est donné pour vous; faites ceci en mémoire de moi.
20 De même aussi la coupe, après le repas, en disant : cette coupe
est la nouvelle alliance en mon sang, qui est répandu pour vous.”]
Itala : a, d, aur, i, l, ff2
17 Et accepto calice gratias egit et dixit : Accipite hoc et dividite
inter vos
18 Dico enim vobis quod non bibam de generatione vitis donec regnum
Dei veniat.
19 Et accepto pane gratias egit et fregit et dedit illis dicens : Hoc
est corpus meum.
r1, aur, c, f, q, vg : quod pro vobis tradetur (datur) hoc
facite, in meam commemorationem. (phrase absente de : a, d, i, l,
ff2).
c, (r1, aur, c, f, q, vg ) 20 Similiter et calicem postquam
cenavit : Hic est calix novi testamenti sanguinis mei qui pro vobis
effundetur. (phrase absente de : a, d, i, l, ff2).
Itala : b et e
19 Et accepto pane gratias egit et fregit et dedit illis dicens : Hoc
est corpus meum.
17 Et accepto calice gratias egit et dixit : Accipite hoc et dividite
inter vos
18 b Dico enim vobis quod non bibam de generatione hac vitis huius
donec regnum Dei veniat.
18 e Dico enim vobis quod non bibam de generatione vitis donec regnum
Dei veniat.
2 - L'afikomen vient du grec ἀφικόμην : “je suis
venu”. Cf. David Daube “He That Cometh”, D. B. Carmichael, “David
Daube on the Eucharist and the Passover Seder” 45–67 qui renvoie à
Meliton de Sarde qui utilisait le participe ἀφικόμενος pour la venue
messianique de Jésus. Il recouvre le verbe hébreu נָגַע et se
rencontre dans la LXX en Gn 28.12 pour l'échelle qui "arrive” jusqu'au
ciel.
3-Jérémie 31:31-34 "Voici, des jours
viennent, dit le Seigneur, et je conclurai avec la maison d'Israël
et avec la maison de Juda une nouvelle alliance, 32 non comme
l'alliance que j'ai conclue avec leurs pères, au jour où je les pris
par la main pour les faire sortir du pays d'Égypte, mon alliance
qu'ils ont rompue, quoique je les eusse épousés, dit le Seigneur. 33
Car c'est ici l'alliance que je conclurai avec la maison d'Israël,
après ces jours-là, dit le Seigneur: Je mettrai ma Torah au dedans
d'eux, et Je l'écrirai sur leur coeur, et je serai Dieu pour eux, et
ils seront un peuple pour moi 34 Et ils n'enseigneront plus chacun
son prochain, et chacun son frère, disant: Connaissez l'Éternel; car
ils me connaîtront tous, depuis le petit d'entre eux jusqu'au grand,
dit le Seigneur; car je pardonnerai leur iniquité, et je ne me
souviendrai plus de leur péché."Cité en Hb 8.8-12
4- Jérémie 31.31 annonçait une בְּרִית חֲדָשָֽׁה ,
traduite dans la LXX par διαθήκην καινήν, dans la Vulgate par testamentum
novum qui a donné en français "Nouveau Testament”
-5 : 1 Corinthiens XI, 23 "Car
moi, j'ai reçu du Seigneur cela même que je vous ai transmis(παρέλαβον
ἀπὸ τοῦ κυρίου ὃ καὶ παρέδωκα ὑμῖν): à savoir que le Seigneur Jésus,
la nuit qu'il fut livré, prit du pain, 24 et après avoir rendu
grâces, il le rompit et dit: "Ceci est mon corps, qui est pour vous;
faites ceci en mémoire de moi.":25 De même il prit la coupe aussi,
après le souper, en disant: "Cette coupe est la nouvelle alliance en
mon sang: faites ceci, toutes les fois que vous la boirez, en
mémoire de moi."26 Car toutes les fois que vous mangez ce pain et
que vous buvez la coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à
ce qu'il vienne.27 Ainsi quiconque mange le pain ou boit la coupe du
Seigneur indignement sera coupable à l'égard du corps et du sang du
Seigneur."
6 Actes 15.(20 &) 28 :“Car il a semblé bon
au Saint Esprit et à nous de ne mettre sur vous aucun autre fardeau
que ces choses-ci qui sont nécessaires: 29 qu'on s'abstienne des
choses sacrifiées aux idoles, et du sang, et de ce qui est étouffé,
et de la fornication. Si vous vous gardez de ces choses, vous ferez
bien.”
7- Cf. Deborah Carmichael, David Daube on the
Eucharist dans New Testament Backgrounds,1997 p
89-108. En fonction du rituel de la Pâque et des sources hébraïque,
l'auteur n'attribue pas à Jésus les paroles sur la coupe ni ne lit
dans la parole sur le pain un sens sacrificiel.
8 - "Prenez, et buvez-en tous, car ceci
est la coupe de mon Sang, le Sang de l'Alliance Nouvelle et
Éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en
rémission des péchés”.
9 -Évolution de la parole sur la coupe
dans les différents manuscrits de Marc et Matthieu
1- Mc -"Et il leur dit: ceci est mon
sang de l'alliance, le [sang] versé pour beaucoup"Mc 14,24, B C
D L W etc
2 Mt -"ceci est mon sang de l'alliance
le [sang] pour beaucoup versé en rémission
des péchés Mt 26,28 D,
3 Mt -"ceci est mon sang de l'alliance
le [sang] au sujet de beaucoup versé en
rémission des péchés Mt 26,28, B 33 etc. Il y eut
rectification de la préposition “pour”
en “au sujet de”
car le sang qui concluait une alliance n'était pas versé pour des
personnes mais pour sceller l'alliance; ce sang était versé à cause du
péché des hommes, en rémission de leurs péchés.
4 Mt - "ceci est mon sang, le [sang] de
l'alliance nouvelle, le [sang] au sujet de
beaucoup versé en rémission des péchés Mt 26,28 A,C etc.
Harmonisation sur Paul.
5 Mc -"ceci est mon sang de la
nouvelle alliance, celui au sujet de beaucoup, versé "Mc 14,24,
A f1 f13 etc. harmonisation sur
Paul et Matthieu