L'ÉNIGME DES FRÈRES JÉSUS
Les frères de Jésus: La fin
d'une énigme ?
Les frères de Jésus étaient-ils ses frères selon la chair ou bien de
simples cousins ?
Quelle idée s'en faisaient les auteurs du Nouveau Testament et les
premiers historiens ?
Quelles sont les sources à retenir et que peut-on sérieusement en déduire
?
Quel éclairage apporter à cette question tellement rebattue et qui semble
ne pas trouver de réelle solution ?
* * * * * * * * * * * *
L'analyse textuelle conduit à la ferme conviction de l'appartenance de
Jacques dit "le frère du Seigneur" et de Jude, son frère consanguin, à la
classe sacerdotale. Jacques et Jude étaient des “cohanim”, des prêtres.
Étant de la descendance d'Aaron ils relevaient de la tribu de Lévi. Ils
n'appartenaient donc pas à la tribu de David et on ne saurait dire qu'ils
étaient des frères consanguins de Jésus ; au plus étaient-ils ses cousins
par Marie, la fiancée de Joseph, qui elle aussi relevait de la classe
sacerdotale comme sa parente Élisabeth. À cet égard les indices
scripturaires sont nombreux et variés ; mais l'interprétation de certains
termes a été à la source d'erreurs en chaîne.
Il faut bien voir que les "sources" que nous possédons ne sont pas
homogènes. Parmi les évangiles, les formulations de Marc s'avèrent
chargées d'ambiguités si bien que le lecteur en vient à se demander s'il
avait une connaissance réelle, précise, de ce dont il parlait.
En le reprenant, Matthieu ne l'a pas clarifié car il semble bien qu'il
n'en savait pas davantage.
Les formulations de Jean laissent, elles aussi, le lecteur dans
l'expectative.
En contraste, Luc a donné des informations sur Jésus et les siens dans un
vocabulaire choisi et intentionnel qui nécessite une lecture attentive et
soutenue.
C'est en reconnaissant la fiabilité des informations qu'il a transmises
que peuvent être dégagés les éléments essentiels de la relation entre
Jésus et ses “frères”.
- Les relations de Jésus et de ses “frères”
- “Le premier-né” d'entre ses frères
- Les noms des frères de Jésus
- Jacques le “frère du Seigneur”
- l'Apôtre Juda
- Jacques et Juda de la tribu de Lévi
- Paul et les Pseudo-Frères
- Le diacre Conon de Nazareth
- Conclusion
JÉSUS ET SES "FRÈRES"
Question de terminologie :
- Le grec ἀδέλφοι “frères”, possède un sens large qui englobe avec la
fratrie non seulement les demi-frères (Gn 42, 15; 43, 5) mais aussi
les cousins (cf.1 Chro 23,22; Lv 10,4; Tobit 5:13), ou encore les
neveux (Gn 13,8; 14,14).
- Le terme ἀνεψιός, relativement fréquent, a lui aussi un sens
équivoque désignant :
- un “cousin” (Tobit 7:2, 11.18; Col 4:10 ; Flavius Josèphe AJ
17:10,4; )
- un “oncle” en Nombres 36:11 selon la “Septante”.
Il s'avère qu'en traduisant en grec les livres de la Torah, les
traducteurs de la Septante ont adopté ἀδέλφοι dans son sens le plus
large, englobant cousins et neveux avec les frères; par contre, ils
ont réservé ἀνεψιός à l'oncle. L'écriture de Luc étant calquée sur la
Septante, il utilisait le terme ἀδέλφοι dans son sens le plus large ;
aussi cette parole de Jésus ne signifiait pas que Jésus ait eu des
frères consanguins :
« La mère
de moi et les
frères de moi sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui
agissent.»
Lc 8, 212
De cet épisode sur l'arrivée à l'improviste des frères de Jésus et de sa
mère, Luc et Marc n'avaient pas la même approche.
Chez
Luc la rencontre de Jésus avec ses frères et sa
mère survenait à point nommé, en illustration de la parabole du semeur.

Jésus
circulait
avec les Douze et des femmes en Galilée. Sortant des villes on accourait
à lui. C'était peu après la résurrection du jeune homme de la ville de
Naïn ; cette ville située en bordure de la plaine de Yizréel — grenier à
blé de la région et signifiant “Dieu sèmera”— formait un contexte
signifiant. La plaine est dominée au Nord par le promontoire de
Nazareth. Cette proximité pouvait justement favoriser des retrouvailles
familiales. Il est clair que, dans sa réponse , Jésus rendait hommage
aux siens pour leur fidélité à la parole, comme s'ils étaient l'image
même de la bonne terre . Ne disait-il pas en effet:
« Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole
de Dieu et qui agissent.» ? Luc 8:21
Cependant tout en honorant ses frères et sa mère pour leur pratique de la
parole, dans le même temps il les mettait en garde de chercher à se
valoriser auprès de lui. C'est en cela que sa réponse était abrupte. Par
là même, il montrait qu'il ne donnait pas la primauté à sa famille et ne
donnait pas prise au "népotisme" des siens. Ses disciples n’avaient donc
pas à craindre qu’il favorisât ses proches. Sa réponse était donc à double
sens.
A la différence de Luc,
Marc n'établissait pas de lien
entre la parabole du semeur — énoncée selon lui sur le lac, depuis la
barque de Pierre — et les frères de Jésus qui seraient venus jusqu'à
Capharnaum pour se saisir de lui ; il passait pour "hors de sens" à leurs
yeux. À ceux qui l'informaient de leur présence, Jésus désignait ceux de
son auditoire devenus ses véritables frères et soeurs :
« Celui qui fait la volonté du Père, celui-ci est mon
frère et ma soeur et ma mère»3
Ce n'était plus comme chez Luc une parole à double sens - une louange en
même temps qu'une clarification - mais une substitution : Jésus donnait la
place des siens à son auditoire fait de disciples. Selon Marc, Jésus
aurait manifesté une certaine défiance vis à vis de ses proches, comme
s'il souhaitait marquer une séparation d’avec la chair et le sang et se
distancer d'une famille qui le mésestimait, voire le méprisait (Mc 6:4).
C'est ce que répercutera Jean en écrivant que
ses frères ne croyaient
pas en lui (Jn 7.5).
Dans ces conditions il devenait improbable que des frères de Jésus aient
pu faire partie des Douze. Et c'est bien là une des raisons pour
lesquelles “Juda de Jacques”, le onzième de la liste des Douze en Luc, a
été remplacé en Marc et en Matthieu par Lebbée.
Or ce Juda là était connu pour avoir appartenu à la famille de Jésus.
1- LE PREMIER-NÉ D'ENTRE SES FRÈRES
En écrivant que Marie, fiancée à Joseph,
"enfanta son
fils, le premier né",
Luc ne laissait-il pas
entendre qu'elle avait eu ensuite d'autres enfants ?
Le grec
prôto-tokon "premier-né" est une
traduction de l'Hébreu
bécor, un terme réservé à
l'individu masculin ou mâle qui ouvre la matrice de sa mère ;
bécor
à la différence de son correspondant grec, n'est pas construit sur
l'adjectif premier et rien n'implique qu'un
bécor
soit suivi d'individus frères.
Si Luc s'était servi du terme
monogênês , unique
engendré(e), qui ne se rencontre pas dans la Torah mais dans les autres
livres de la Septante où il recouvre l'Hébreu
yarid,
unique, il aurait privé le lecteur de plusieurs informations d'importance
:
- Un premier né (mâle)
prôto-tokon/bécor,
devait être racheté (cf Ex 13,13; Nb 3,49-51) à moins d'être issu
par sa mère de la tribu de Lévi, qu'elle ait été mariée à l'intérieur ou à
l'extérieur de cette tribu. Puisqu'il n'était pas dit que son fils
premier-né fut racheté, le lecteur pouvait déduire et conclure que Marie,
parente d'Elisabeth, relevait comme elle, à travers la classe sacerdotale,
de la tribu de Lévi.
- "Premier-né" était également un titre donné au Messie Davidique selon la
parole du Psaume:
"Et moi je l'instituerai Premier-né,
Très haut par rapport aux rois de la terre"Ps 89,28. Cet épithète
qualifiait plus précisément le Messie dit "Fils de Joseph" qui selon le
prophète Zacharie était un fils unique (Za12/10). En mettant Jésus au
monde Marie avait conscience qu'il était
"le
premier-né" annoncé dans les Écritures.
Lisant Luc en grec tout en se référant à Marc, l'évangéliste Matthieu
s'est permis de glisser la supposition que Marie avait eu d'autres enfants
que Jésus :
Et il ne la connut pas jusqu'à ce qu'elle eut enfanté un
fils et il lui donna le nom de Jésus.(Mt 1:25). Mais s'il
disposait de véritables informations , pourquoi n'a-t-il pas clarifié les
ambiguïtés de Marc sur la “mère des frères de Jésus” ?
LES NOMS DES FRÈRES DE JÉSUS
Marc nous a gardé le nom de quatre “frères” de Jésus à
travers trois formulations qui ne sont pas sans ambiguités, si bien que le
lecteur a du mal à s'en faire une idée appropriée :
- Celui-là, n'est-il pas le charpentier, le fils
de Marie, le frère de Jacques, de Joset de Juda et de Simon ? Mc
6.3
Dans cette formulation qui n'était pas une affirmation mais une question,
était suggéré que Marie, la mère de Jésus, avait eu aussi quatre autres
fils : Jacques, Joset, Juda et Simon.
Jésus aurait donc eu quatre frères issus de sa propre mère ?
Comme on le verra plus loin Jacques et Juda sont bien connus par les
textes, ayant laissé leur marque dans l'Histoire. Ils étaient frères
consanguins. Un certain Simon qui prit la suite de Jacques à Jérusalem
après la révolte et appartenant à la génération suivante pouvait être un
fils de Juda (?). Quant à Joset qui reste inconnu, son nom a été remplacé
dans l'évangile de Matthieu (D05) par celui de Jean.
Au terme de son récit Marc écrivait encore:
- 2 «Il y avait des femmes qui regardaient de
loin, parmi lesquelles Marie Madeleine, Marie de Jacques le jeune et
de Joset la mère.» Mc 15.40
Jacques était surnommé le jeune; mais ce n'est pas une
information en soi dans la mesure où Marc n'a pas appelé un autre
Jacques l'aîné.
À moins qu'il ne faille le considérer comme plus jeune que ses frères
?
Avec Marie Madeleine y avait-il une femme ou bien deux ?
Deux si “Marie de Jacques” (une expression signifiant “la femme de
Jacques”, sinon sa fille) se trouvait présente avec la mère de Joset.
Une seule, si Marie était à la fois la mère de Jacques et de Joset, ou
bien la femme de Jacques et la mère de Joset...
- 3 - Sept versets plus loin, en 15.47-16.1 dans
le texte occidental, Marc ne nommait plus que “Marie
de Jacques” qui regardait avec Marie Madeleine l'inhumation
de Jésus. En rapprochant les deux versets, la tradition aurait compris
que Marie Madeleine était accompagnée d'une seule femme qui devait
être la mère et de Jacques et de Joset et qu'on l'appelait tantôt
Marie de Jacques, tantôt Marie de Joset, tantôt des deux.
Toutefois cette expression seule, “Marie de
Jacques” Μαρία Ἰακώβου, au génitif implique l'appartenance
sinon la dépendance ; telle personne reçoit son nom de telle autre
parce qu'elle en dépend : “Marie [femme] de
Jacques” ou “Marie
[fille] de Jacques” . Il s'agit de l'épouse sinon
de la fille, mais en aucun cas il ne s'agit de la mère. Est-ce qu'une
mère et un père, tirent leur nom de leurs enfants ? Non bien sûr. Il
est clair que la simple expression “Marie de
Jacques” (comme “Marie de Joset”), ne peut s'entendre du lien
maternel.
Face à ce problème, Matthieu (28.1) s'est contenté d'appeler cette femme
"l'autre Marie". Si cela ne l'engageait pas, il manifestait par là qu'
il
ne détenait pas d'informations la concernant.
Face à cette problématique, Jean introduisit au pied de la croix une
énigmatique
“Marie de Clopas” (Μαρία ἡ τοῦ
Κλωπᾶ) que toute la tradition a considéré comme étant la femme de ce
dernier :
«Se tenaient près de la croix de Jésus sa mère,
la soeur de sa mère, Marie, celle de Clôpas, et Marie de Magdala.»
Mais combien de femmes étaient recensées ?
- La sœur de la mère de Jésus était-elle la femme de Clopas ?
- Ou bien l'épouse de Clopas était-elle une troisième femme présente
au pied de la croix ?
La “sœur de la mère”: L'expression englobait les cousines avec les soeurs
ou même la belle-sœur (bien que celle-ci ait joui d'un terme propre,שָׁבָה
/σύννυμφός cf Rt 1:15). Comme deux sœurs ne peuvent porter le même prénom
s'est imposé le fait qu'il s'agissait de la “belle-sœur” de Marie.
Est-ce que Jean ne se serait pas glissé dans les interstices laissés par
Marc et Matthieu pour suggérer des liens de parenté entre les personnes
présentes au pied de la croix ? Il aurait ainsi permis d'envisager que les
“frères de Jésus” n'étaient que de simples cousins.
Car s'il avait détenu de réelles informations les concernant, pourquoi
n'a-t-il pas été plus explicite ?
C'est en compilant Marc, Matthieu et Jean, que les auteurs de l'Antiquité
ont redessiné les liens familiaux entre Jésus et les siens :
- Hégésippe (vers 180) voyant en Marie la belle-soeur de la mère de
Jésus, faisait de son époux Clopas le frère de Joseph (Eusèbe HI
III,11 et 23). Ce faisant il faisait de Jacques un cousin de Jésus et
le rattachait à la maison de David (après l'avoir dépeint comme un
prêtre et même un grand-prêtre ! ).
- Épiphane se faisait l'écho de la tradition qui voyait en Jacques un
aîné de Jésus issu avec ses autres frères d'un premier mariage de
Joseph. Parce qu'il en était le premier-né , il était un consacré à
Dieu d'autant que sa mère était une descendante d'Aaron. C'est
pourquoi il n'hésitait pas à présenter Jacques comme un grand-prêtre,
tout en le rattachant à la descendance Davidique. (1)
- Jérôme, quant à lui, estimait que Marie était la soeur de la mère de
Jésus, en dépit du fait qu'elles aient eu même prénom; elle était
femme de Clopas qu'il dissociait d'Alphée. Il ne se prononçait pas sur
la tribu.
Ces propositions contradictoires manifestent que ces auteurs se basaient
essentiellement sur les hypothèses de Marc et de Jean.
Mais pour avoir une juste connaissance de la famille de Jésus, il convient
de faire appel aux œuvres de Luc, l'Évangile et les Actes, aux épîtres de
Paul, de Jacques, de Jude, et à la Guerre des Juifs de Flavius Josèphe :
Là sont les informations de caractère historique qui nous sont parvenues
sur Jésus et les siens.
JACQUES “LE FRÈRE DE JÉSUS”
Un certain Jacques fut appelé
“le frère du Seigneur” par Paul et
le
"frère de Jésus” par Flavius Josèphe. Quel était son lien de
parenté avec lui ? Beaucoup sont appelés du nom de Jacques dans le Nouveau
Testament, et il convient de ne pas les confondre.
- Jacques fils de Zébédée et frère de Jean décapité sous Agrippa I,
vers 42. Il était le troisième sur la liste des Douze (Lc 6,14; Ac
12,1). Appelé “le Majeur” , il est vénéré à Compostelle.
- “Jacques, celui d'Alphée”, c'est à dire le fils d'Alphée (Lc
6,16D05) par opposition à Jacques le fils de Zébédée. Il avait pour
frère Lévi selon Lc 5,27 et Mc 2:14D. Neuvième sur la liste des Douze,
c'est à tort qu'il a été identifié au "frère du Seigneur".
- Jacques, le chef de la communauté de Jérusalem que Luc nomma à trois
reprises dans les Actes avec les frères, les Apôtres et les
Anciens. C'était celui que Paul nommait "le frère du
Seigneur" (Gal I-II) et Flavius Josèphe “le frère de
Jésus”. Il envoya son frère Juda en mission à Antioche avec
Silas (Ac XV). Il est l'auteur de l'Epître de Jacques, la lettre
adressée à la diaspora des douze tribus. Il a donné son nom a maints
écrits apocryphes.
- Jacques le père de Juda le onzième sur la liste des Douze ( “Juda de
Jacques”, Lc 6,16).
- Jacques le frère de Juda l'auteur de “l'Epître de Jude” (Jude 1.1)
- Jacques époux d'une certaine Marie qui était venue avec Marie de
Magdala au tombeau : “Marie, celle de Jacques”, Lc 24,10. L'expression
s'entend de l'épouse.
Les numéros 3, 4, 5 & 6 de la liste correspondent au même personnage,
“Jacques le frère de Jésus” que les recherches des cinquante dernières
années ont remis en lumière. Elles ont mis en évidence les sources
patristiques le concernant et où il est donné à entendre qu'il appartenait
à la lignée sacerdotale :
« A Jacques seul il était permis d'entrer dans le Saint
des Saints une fois l'an...Celui-ci, même la lame d'or il portait. (Panarion
78:14.1). Ce que rapportait Épiphane de Salamine ressemble à une légende
car il n'y a pas de Jacques dans la liste les grands-prêtres nommés par
Rome et recensés par Flavius Josèphe. Cependant tout grand prêtre, au cas
où il était dans l'impossibilité d'officier, était assisté d'un autre ; si
Jacques était de la lignée d'Aaron, occasion a pu lui être donnée
d'officier en la fête de Kippour jusqu'à entrer dans le Saint des Saints,
revêtu du vêtement du grand-prêtre et d'y invoquer le Nom. Ce que
rapportait Épiphane n'est donc pas invraisemblable mais reste fragile; il
se référait vraisemblablement aux œuvres d'Hégésippe qui nous sont connues
par des fragments cités par Eusèbe de Césarée et Jérôme de Stridon :
« Jacques , le frère du Sauveur, surnommé le
juste...fut saint pour ainsi dire avant de naître. Il ne but jamais de
vin ou d'autres liqueurs spiritueuses, et ne mangea jamais de chair;
jamais il ne coupa ses cheveux, et il ne connut point l'usage des
parfums et des bains. Il n'était permis qu'à lui seul de pénétrer dans
le sanctuaire. Ses vêtements étaient faits de lin et non de laine. Il
entrait seul dans le temple et se prosternait devant le peuple pour
prier. Ses genoux avaient fini par devenir aussi durs que la peau du
chameau. » (cité par Jérôme Hommes illustres II, cf Eusèbe EH
2:24) .
De Jacques nous ont été transmis un discours et une lettre.
Détiendraient-ils les indices d'une appartenance sacerdotale ?
L' invocation d' ADONAÏ sur les fidèles
par le prêtre, émissaire de Dieu et non des hommes, était au
coeur des préoccupations de Jacques qui, dans sa sa lettre, s'insurgeait:
«N'est-ce pas eux (les riches) qui blasphèment le
beau Nom qui est invoqué sur vous?» Jc 2:7. Selon les
autres livres du NT, Pierre et Paul exhortaient souvent les frères à
invoquer le Nom, le Nom de Dieu, le Nom du Seigneur, le Christ Jésus; par
contre ils ne se préoccupaient pas d'invoquer le Nom
sur
eux, puisque c'était du seul ressort des prêtres.
En comparaison, la bénédiction venait naturellement dans les paroles de
Jacques comme une “attitude réflexe”, puisqu'elle était encore présente
dans son discours où il citait Amos :
«Afin que le reste des hommes, recherche Dieu, ainsi que
toutes les nations sur
lesquelles mon nom a été invoqué» Ac 15:17.
A nouveau il faisait allusion à la bénédiction sacerdotale. Cette
préoccupation est un très précieux indice de son appartenance à la classe
sacerdotale.
Parmi les écrits apocryphes, la “Seconde Apocalypse de Jacques” détient
des renseignements qui sont à prendre en considération car ils venaient
d'un prêtre qui faisait partie de l'assemblée réunie par le grand prêtre
Ananus pour le jugement de Jacques. Ce prêtre s'appelait Mareim et il se
disait le parent de Theuda le père de Jacques qu'il avait fait prévenir
pour qu'il vienne en hâte. Il reconnaissait ne pas avoir avoué devant le
sanhédrin qu'il était parent de l'accusé. De fait l'auteur de cette
Apocalypse laissait entendre que Jacques et son père Theuda, étaient de
classe sacerdotale
(6).
L'épouse de Theuda, la mère de Jacques, s'appelait Marie. Elle confiait à
son fils qu'elle avait allaité Jésus et que pour cette raison, il
l'appelait “ma mère” et Jacques “mon frère”. Jésus était dit encore “frère
de Theuda”; on voulait signifier par là qu'il était son neveu.
L'APÔTRE JUDA, FRÈRE DE JACQUES
Jacques, le “frère de Jésus” avait un frère consanguin du nom de Juda;
c'est ce que dit ce dernier en commençant son épître :
“Jude, esclave
de Jesus Christ et frère de Jacques” Jd 1.1; or plusieurs de ce nom
apparaissent dans les écrits néotestamentaires:
1 Juda [fils] de Jacques, le onzième de la liste des Douze (et
orthographié Jude)
2 Juda iScarioth, le douzième de la liste des Douze (et orthographié
Judas).
3 Juda qui, à Damas, hébergea Saul au moment de sa conversion (Ac 9,11).
4 Juda l'auteur de l'“Epître de St Jude”; il se disait frère de Jacques.
5 Juda surnommé Barabbas (fils du père, D05) ou Barsabbas (fils du Sabbat,
autres mss); lui et Silas furent envoyés appuyer la démarche de Paul ;
tous deux étaient des “guides et des prophètes” au sein de la communauté
(Ac 15:22, 27 et 32);
Les numéros 1, 3, 4 et 5 correspondent au même personnage l'Apôtre St
Jude, frère de Jacques par qui il fut missionné à Antioche ; il avait reçu
comme surnom Bar Abbas (Ac 15:22 D) ; il est l'auteur d'une épître dans
laquelle il citait 1 Enoch dans sa traduction grecque dont il pouvait
avoir été familier.
Dans cette épître il écrivait :
«
Notre seul DESPOTHN et Seigneur Jésus Christ »
(Jd 4). Juda donnait à Jésus un titre que le prêtre Siméon et la
communauté en prière adressaient à Dieu au vocatif : DESPOTA (Lc 2: 29 et
Ac 4:24). Il recouvrait le nom
«ADONAÏ»
très souvent associé dans la LXX au tétragramme (YHWH). «ADONAÏ» en était
le substitut ; la prononciation du tétragramme était réservée au
grand-prêtre tandis qu'aux prêtres était confier le soin d'invoquer sur
les fidèles le nom d'ADONAÏ en les bénissant.
Aussi la réminiscence du nom d'ADONAÏ dans l'épître relèverait du milieu
sacerdotal.
On sait par Hégésippe que Jude avait eu des
descendants
directs qui, devant Domitien, avaient affirmé relever de la maison de
David :
" Une ancienne tradition raconte que des hérétiques dénoncèrent les
descendants de Jude, qui était, selon la chair, frère du Sauveur, comme
appartenant à la race de David et parents du Christ lui-même. C'est ce
que montre Hégésippe quand il s'exprime en ces termes : II y avait
encore de la race du Sauveur les petits- fils de Jude qui lui-même était
appelé son frère selon la chair : on les dénonça comme descendants de
David. l'evocatus les amena à Domitien ; celui-ci craignait la venue du
Christ, comme Hérode. [2] L'empereur leur demanda s'ils étaient de la
race de David ; ils l'avouèrent. " Eusèbe HE III, 19-20.
Tout en le disant
“frère de Jésus selon la chair”,
Hégésippe ne disait pas que Jude appartenait à la maison de David
; il le disait de ses descendants. En effet, rien n'empêche que ses
filles, mariées dans la Maison de David à des petits-neveux - de Joseph
par exemple - lui aient donné des descendants Davidiques.
Comme son frère Jacques, Juda a en outre connu une longue postérité
mais sous un autre nom.
Un évangile écrit en copte et retrouvé à Nag Hammadi débute sur ces mots
:
"Voici les paroles cachées que Jésus le
vivant a dites et qu’a écrites Didyme Juda Thomas”.
D'où le nom d'Évangile de Thomas donné à cet écrit. Didyme et
Thomas signifient jumeau respectivement en grec et en hébreu. Ce
personnage s'appelait donc Juda et il était doublement jumeau. De qui ?
Le paragraphe 13 de l'ouvrage en dit un peu plus sur lui :
Jésus dit à ses disciples : Comparez-moi, et dites-moi à qui je
ressemble. Simon Pierre lui dit : Tu ressembles à un ange juste.
Matthieu lui dit : Tu ressembles à un homme philosophe sage. Thomas
lui dit : Maître, ma bouche n’acceptera absolument pas que je dise à
qui tu ressembles. Jésus dit : Je ne suis pas ton maître puisque tu as
bu ; tu t’es enivré à la source bouillonnante que moi j’ai mesurée. Et
il le prit, se retira, lui dit trois paroles. Lorsque Thomas revint
vers ses compagnons, ils lui demandèrent : Que t’a dit Jésus ? Thomas
leur dit : Si je vous dis une des paroles qu’il m’a dites, vous
ramasserez des pierres et vous me les jetterez et un feu sortira des
pierres et vous brûlera.”
Ce logion tend à témoigner d'une intimité particulière entre Jésus et
Juda et “Jumeau” serait à prendre ici au sens symbolique; peut-être
étaient-ils nés le même jour et peut-être qu'une ressemblance entre eux
était frappante ? Toujours est-il que le qualificatif "jumeau" est à
lire dans un sens spirituel : Juda n'avait-il par pour surnom Barabbas
ou “fils du père” (Ac 15.22 D05) ? Un nom qu'il partageait avec Jésus.
Par sa “connaissance” il en serait venu à être considéré comme
cofondateur avec lui dans la Nouvelle Alliance.
Ce Juda là n'était autre que le onzième de la liste des Douze, le frère
de Jacques. Pour s'en convaincre il suffit de remarquer que son logion
13 vient après celui de Jacques dans l'Evangile de Thomas et que tous
deux sont considérés comme des figures fondatrices à l'image des
patriarches. Le fait de l'avoir nommé doublement jumeau, en grec et en
hébreu l'a fait confondre avec le Thomas "sur-appelé didyme", huitième
de la liste des Douze (cf Luc 6.15D05).
Quant au disciple nommé dans les chapitres 11.16 ;14.8; 20.24 ; 21.2 de
l'Évangile de Jean il ne serait autre que Didyme Juda Thomas, onzième de
la liste et frère de Jacques. C'est ce qu'a compris J. Riley (Resurrection
Reconsidered: Thomas and John in Controversy Augsberg Fortess,
1995) qui voit dans la rédaction des chapitres où il est nommé une
volonté d'opposition au mouvement gnostique qu'il représentait.
Si Jacques devint le premier épiscope de Jérusalem jusqu'à avoir réuni
une myriade de disciples autour de lui, son frère Juda ne fut pas en
reste : un mouvement judéo-chrétien de tendance gnostique s'est
recommandé de lui. À l'époque où Jean écrivait son évangile c'est à ce
groupement qu'il avait à faire ; en effet, selon le codex de Bèze sur Jn
11.16 Thomas se serait tourné vers "ses propres condisciples", un terme
en hapax dans le NT ; c'est là l'indication que Thomas avait formé à
l'intérieur de la suite des disciples de Jésus un groupe à part. Mais
cet état de choses rend compte d'une période bien postérieure au
ministère de Jésus.
Juda de Jacques ne fut pas retenu dans la liste des Douze dressée par Marc
et Matthieu qui lui préférèrent Lebbaios (nom lié à la tribu de Lévi ?).
Il fut remplacé dans la plus part des manuscrits de Marc et certains de
Matthieu par Thaddaï et c'est sous ce nom qu'il fut connu en Syrie et à
Édesse.
JACQUES & JUDA DE LA TRIBU DE LÉVI
Selon Jules l'Africain dont la lettre à Aristide était citée par
Eusèbe, ceux de la famille de Jésus étaient appelés
“DESPOSYNOI”.
(4)
Or ce terme signifie précisément:
consacré
à ADONAÏ. Ce n'est rien d'autre que la
traduction de l'inscription gravée sur l'éphod que portait le
grand-prêtre. Si Jacques et Jude n'avaient appartenu à la descendance
d'Aaron, ils n'auraient pu recevoir un tel titre. C'est probablement à
tort que des auteurs contemporains comme Malachi Martin (5) ont étendu le
terme, non seulement aux descendants, mais aux représentants des églises
Judéo-Chrétiennes qui se seraient rendus en 318 à Rome auprès du pape
Sylvestre.
Jules l'Africain disait encore qu'ils connaissaient leur généalogie, la
conservant précieusement dans leur mémoire. C'était en effet le cas de
Marie, parente d'Élisabeth qui appartenait à la classe sacerdotale. Ne pas
pouvoir établir son appartenance à une des classes sacerdotales, c'était
s'exposer à en être exclu et c'est pourquoi les prêtres gardaient des
tablettes recensant leur généalogie. Par contre les descendants de Jude
durent faire des recherches concernant la branche Davidique, puisque
Hérode avait brûlé les généalogies archivées; celles des prêtres
conservées au Temple avaient apparemment échappé (Contre Apion
1:
30-36).
Que Jacques et Juda aient été prêtres, tout porte à le penser même si
Hégésippe, Eusèbe et Jérôme n'ont pas employé le terme à son sujet.
Épiphane de Salamine serait apparemment le seul à l'avoir fait (
1b).
Aussi, les auteurs, à la suite de Papias, ont rattaché les deux frères à
la Maison de David, mais sans s'appuyer sur des éléments précis. Le Messie
était annoncé dans la maison de David et la promesse faite lors de
l'Annonciation regardait le trône de David. Paul considérait Jésus comme
issu de la lignée Davidique (Rm 1:3) et on en déduisait que Marie en
relevait elle aussi (cf Protévangile de Jacques 10:1). Comme Jacques puis
Simon succédèrentt à Jésus sur la communauté de Jérusalem jusqu'à former
une “dynastie” l'ascendance des frères de Jésus fut dressée à l'intérieur
de la maison de David comme l'exposait Épiphane
(1).
Pourtant nombre d'éléments incitent à penser qu'ils étaient comme
Élisabeth et Marie (Lc 1:5, 36, 2:5)
descendants d'Aaron et donc
de la Tribu de Lévi.
Élisabeth
était “d'entre les filles d'Aaron”, ce qui signifie qu'elle pouvait être
donnée en mariage à un prêtre (Lev. 21:7 Nb 18:11). L'expression employée
signifiait qu'elle relevait, à l'intérieur de la tribu Lévitique, de la
descendance d'Aaron. En d'autres mots son père était prêtre.
Marie, parce qu'elle était sa parente (vraisemblablement sa nièce), était
elle aussi fille de prêtre; même si les coutumes favorisaient les mariages
à l'intérieur de la tribu, il n'y avait pas obligation pour elle d'épouser
un prêtre et elle fut donnée en mariage à un homme de la tribu de Juda.
Paul affirmant que Jésus était de la descendance de David selon la chair
(Rm 1:3), Marie fut raccrochée à la tribu de Juda du côté paternel; mais
ce n'est pas à cela que Paul faisait allusion; il savait pertinemment que
la mère ne conférait pas l'appartenance à la tribu . Il n'en savait pas
plus que les lecteurs de Luc sur les origines de Marie et de Jésus mais il
établissait un parallèle entre l'appartenance charnelle (la tribu) et
l'appartenance spirituelle du Christ. Comparativement la formulation de
l'épître aux Hébreux, parce qu'elle pouvait être prise au sens figuré
était plus adaptée :
"il est notoire que de Juda, s'est
levé notre Seigneur" Hb 7:14.
La position de prêtre à l'intérieur de la communauté chrétienne pouvait
être difficile à tenir, ce qui expliquerait le silence de Jacques sur
lui-même. D'autant plus difficile à tenir que la communauté chrétienne
s'orientait, avec la
Lettre
aux Hébreux, vers un nouveau sacerdoce qui se substituait à
l'ancien. Il n'est pas indifférent que le terme prêtre n'apparaisse dans
aucune des autres lettres du Nouveau Testament.
Était prêtre tout fils de prêtre ; qui n'avait pour père un descendant
d'Aaron ne pouvait exercer le sacerdoce lévitique. Jésus relevant de la
tribu de David ne pouvait donc avoir Jacques et Juda pour frères
consanguins. Leur père qui était prêtre pouvait être le frère de Marie
puisqu'elle était issue de la classe sacerdotale.
Relevant de la tribu de Lévi, et de la classe sacerdotale à
l'intérieur de cette tribu, Jacques et Juda ne pouvaient donc être
frères consanguins de Jésus.
PAUL FACE AUX “PSEUDO-FRÈRES”
C'est Paul qui appelait Jacques «le frère du Seigneur»; il le fit une fois
dans ses écrits au moment où il parlait de sa conversion (Gal 1,19);
était-ce une manière de le dissocier de Jacques fils de Zébédée encore en
vie ? C'est ce titre que lui donnait Flavius Josèphe en relatant les
conditions de son martyr
(5). Dans la même
épître, et juste quelques versets plus loin , au coeur de sa confrontation
avec ce même Jacques sur la circoncision, il faisait allusion à de
"pseudo-frères" (Gal 2,4) qui espionnaient la liberté qu'il avait prise et
il se félicitait de ne pas leur avoir cédé.
Pseudadelfoi,
pseudo-frères, un hapax legomenon qui ne se rencontre pas antérieurement
dans les textes grecs, ni son équivalent dans les textes latins, est à
prendre au sens figuré d'espions. Certains se faisaient passer pour des
frères, mais on ne pouvait se fier à eux. Le chapitre XV des Actes permet
d'identifier ces pseudo-frères à des Pharisiens qui avaient semé le
trouble à Antioche et contraint Paul et Barnabé à venir rendre compte de
leur agir aux "notables" de Jérusalem. Suite à quoi l'Apôtre Jude fut
missionné par Jacques avec Silas pour aller appuyer Paul (Ac 15:22, 27 et
32) . Le ton de la lettre aux Galates laisse percer une entente négociée
avec les "notables" dont Jacques et Jude faisaient partie.
Paul eut beaucoup de mal à reconnaître l'autorité de Jacques. Il n'a nulle
part dans ses lettres mentionné le décret apostolique dont il fallut lui
rappeler l'existence lorsqu'il monta pour la dernière fois à Jérusalem. Se
voulant l'apôtre des Gentils, il n'acceptait pas la soumission à la
communauté de Jérusalem dont le chef était un prêtre. La rivalité
séculaire entre les pharisiens et la classe sacerdotale rejaillissait
entre eux.
CONON DIACRE DE HIEROSOLYMON

Selon les Actes de son martyr sous Decius (milieu IIIème siècle), Conon
qui vécut comme jardinier à Magydus en Pamphilie, disait lors de son
procès venir de Nazareth et appartenir à la parenté de Jésus:
“Je suis de la ville de Nazareh en Galilée; je suis de
la famille du Christ dont j'ai hérité du culte par mes ancêtres“
Martyr de Conon, 4:2 (cf Richard Bauckham) .
Serait-il à identifier avec Conon, ce diacre de Jérusalem, dont le nom et
le titre sont inscrits sur un pavement de mosaïque de la petite
église-synagogue retrouvée sous la basilique de l'Annonciation à Nazareth?
Conon est un nom fréquent , mais il est fort possible que le diacre de
Jérusalem enterré à Nazareth ait fait partie lui aussi de la parenté de
Jésus. L'emplacement de la mosaïque en serait l'indice.
Les descendants des frères de Jésus occupèrent des charges d'épiscopes et
de diacres. Cela suppose qu'ils étaient d'origine sacerdotale car c'est à
des descendants de prêtres que dans les provinces romaines du Moyen Orient
fut confié le gouvernement des églises.
CONCLUSION
L'analyse textuelle conduit à la ferme conviction (pour ne pas dire la
preuve) que Jacques le
"frère du Seigneur" et son frère Juda
appartenaient à la classe sacerdotale et qu'ils étaient des “cohanim”, des
prêtres de la descendance d'Aaron relevant de la tribu de Lévi. Est cohen
un fils de cohen. Jacques et Jude n'appartenaient donc pas à la tribu de
David ; on ne saurait donc dire qu'ils étaient des frères consanguins de
Jésus ; au plus étaient-ils ses cousins par Marie, la fiancée de Joseph,
qui elle aussi relevait de la classe sacerdotale comme sa parente
Élisabeth.
Marc qui n'était pas un familier de la liturgie du temple a “ignoré” cette
appartenance et les auteurs à sa suite ont fait de même.
L'appartenance au peuple hébreu était donnée par la mère ; l'appartenance
à la tribu était conférée par le père. Jésus, quant à lui, ne relevait
donc pas de la tribu de Lévi mais de la tribu de Juda par Joseph.
Il n'est pas indifférent que Jésus, le Fils du Père, né avec la vierge
Marie, n'ait pas eu des frères et sœurs consanguins. En effet, la
naissance d'autres frères après lui rendrait la sienne “anodine”, sans
aucune particularité, comme si Marie n'avait vécu qu'un évènement
ordinaire qui ne se différenciait pas des naissances suivantes.
Redécouvrir à notre époque l'appartenance des “frères de Jésus” à la
classe sacerdotale vient éclairer la belle cohérence des écrits de Luc
tant au niveau historique que théologique.
S. Chabert d'Hyères
© Copyright 2006
NOTES
1a
Jacques ayant été consacré premier évêque, lui qui est appelé frère du
Seigneur et Apôtre car il était aussi par naisssance fils de Joseph mais
fut mis au rang de frère du Seigneur parce qu'il avait été élevé avec
lui. Ce Jacques était en effet fils de Joseph par une femme de Joseph,
non par Marie comme cela nous est dit en de nombreux endroits, et comme
nous en avons traité plus clairement. Mais on trouve qu'il est de la
semence de David étant fils de Joseph et qu'il était un Nazarite.Il
était en effet le premier-né de Joseph et avait été consacré.. Et nous
avons encore trouvé qu'il avait été grand prêtre selon l'ancien
sacerdoce. C'est pourquoi il lui était permis d'entrer une
fois par an dans le Saint des Saints comme la Loi l'a ordonné aux
grands-prêtres selon l'Ecriture. C'est en effet ce que plusieurs de nos
prédécesseurs ont raconté à son sujet, Eusèbe, Clément et d'autres. En
outre il avait le droit de porter le "petalon" sur la tête comme les
mêmes auteurs dignes de confiance ont porté témoignage dans leurs
ouvrages. Panarion XXIX 3,9 à 4,4.
1b “Le premier
né de Joseph était Jacques surnommé Oblias (= rempart), aussi surnommé
"le Juste" qui était Nazarite soit un homme saint. Il fut le premier à
recevoir la chaire d'évêque, le premier par qui le Seigneur a dressé son
trône sur la terre.
Jacques aussi portait une lame d'or sur la tête. Une fois, durant une
sécheresse il leva les mains vers le ciel et pria et le ciel donna la
pluie. Il ne portait pas de vêtement de laine. Ses genoux s'étaient
durcis comme la peau du chameau de par son continuel agenouillement
devant le Seigneur, de par son excessive piété. Aussi ne l'appelait-on
plus par son nom. Son nom était le Juste. Il ne prenait pas de bain, il
ne prenait pas la chair de l'animal comme je l'ai expliqué et ne portait
pas de sandales.” Epiphane,
Panarion 78 7,7; 13,3-14,2.
(cf J Julius Scott :
James
the relative of Jesus JETS 1982 )
2 - Luc 8:21 selon D05 et les mss 579, 69,1071,
1484, 1346. La syntaxe, en principe, veut l'article devant mère et frères
qui sont définis par le pronom μου = de moi. Sa disparition dans les
autres mss vient, semble-t-il d'une influence du parallèle de Marc.
3 - Mc 8:35. D et W n'ont pas le pronom devant
soeur. Les termes frère, mère soeur sont ici attributs; il n'y a donc pas
l'article.
-4 - “
Quelques personnes
soigneuses gardèrent pour elles leurs propres généalogies, soit, en se
souvenant des noms, soit en en prenant des copies et se glorifièrent
d’avoir sauvé la mémoire de leur noblesse. Parmi elles, se trouvaient
ceux dont on a parlé, qu’on appelle desposynes, à cause de leurs
accointances avec la famille du Sauveur : originaires des villages juifs
de Nazareth et de Kokaba, ils s’étaient répandus dans le reste du pays
et ils avaient compilé la sus-dite généalogie d’après le Livre des
Jours,(Chroniques) autant qu’ils l’avaient pu.” Jules l'Africain
cité par Eusèbe HE I: 7,14
Kokaba, selon Epiphane (Haer. XXX. 2 and 16), était un village de
Basanitide proche de la Decapole. Mais Kokaba ne serait-il pas plutôt ce
village de Galilée à 24 km au Nord de Nazareth, actuel
Kaukab
qui signifie étoile, rappel de la prophétie de Balaam sur l'étoile de
Jacob (Nb 24:17) ? Et ne serait-ce pas le village de Marie? Celui-ci n'est
pas nommé dans le récit de l'Annonciation, si on se réfère au codex Bezae,
Nazareth n'étant qu' une addition tardive faite ultérieurement dans les
autres manuscrits.
-5 - “Ananus rassembla le
sanhédrin des juges et fit comparaître devant eux le frère de Jésus
l'appelé Christ, qui avait pour nom Jacob ainsi que quelques autres.”
-6 - “
C'est le discours que
Jacques le Juste prononça à Jérusalem et que mit par écrit Mareim un des
prêtres. Il l'avait dit à Theuda le père du Juste dont il était parent.
Il dit : “Vite, viens avec Marie ton épouse et tes parents...»
Préface de la seconde Apocalypse de Jacques. Il faut distinguer l'auteur
de l'Apocalypse du prêtre Mareim qui a retranscrit le discours de Jacques.
Présent à l'assemblée du sanhédrin, il avait alerté Theuda.