Qui était le «disciple que Jésus aimait» :
L' auteur du quatrième évangile ?
Un personnage fictif ?
Un homme ?
Une femme ?
Ce disciple apparaît dans le quatrième évangile et la tradition l'a
identifié à son auteur et l'a nommé Jean. Mais rien ne prouve que le
disciple bien-aimé ait porté ce nom, qu'il ait été l'auteur de
l'évangile. et que les deux personnages n'aient fait qu'un.
L'analyse textuelle n'oriente pas en ce sens.
LE DISCIPLE BIEN-AIMÉ DANS L'ART


L'art
présente le disciple que Jésus aimait sous les traits d'un jeune homme
effeminé, voire un androgyne comme dans la Cène de Leonardo da Vinci.
Leonardo Da Vinci
Jacopo Bassano
Si l'art n'a fait que renforcer l'énigme entourant ce personnage,
l'étude des textes montre que n'ont pas été pris en compte des éléments
intéressant l'identité du disciple bien aimé et de l'auteur du Quatrième
Évangile.
L'ÉVANGÉLISTE ET LE DISCIPLE BIEN-AIMÉ
Irénée de Lyon écrivait
que
Polycarpe et Papias suivirent les leçons du "disciple Jean". (Adversus
hæreses, V, XXXIII) . Le disciple Jean et le disciple bien aimé ne
faisaient qu'un dans son esprit:
«Puis Jean, le
disciple du Seigneur, celui-là même qui avait reposé sur sa
poitrine, publia lui aussi l'Évangile, tandis qu'il séjournait à
Éphèse, en Asie» AH III,1,1
Cette affirmation d'Irénée revenait à poser l'équation suivante:
Jean l'Apôtre = le frère de Jacques fils de Zébédée = le Disciple
Bien-Aimé = L'auteur du Quatrième évangile.

Certes,
le disciple “bien aimé” était le témoin oculaire. Il avait vu Jésus
réellement mourir, transpercé par la lance. Il avait vu et témoigné
1.
“Celui qui a vu, a
rendu témoignage , et son témoignage est véridique...” Jn
19:35.
Cependant
un autre que lui attestait que son
témoignage était véridique:
«...Celui-là sait qu'il dit vrai,
pour que vous aussi vous croyiez.» Jn 19:35.
Il y avait donc le témoin et celui qui pouvait confirmer la validité de
son témoignage. C'était conforme à ce que Jésus avait dit de lui-même:
"Si je rends témoignage à moi-même, mon témoignage
n'est pas vrai; un autre me rend témoignage et je
sais que le témoignage dont il témoigne à mon sujet est vrai. Vous
avez envoyé une délégtion auprès de Jean (le Baptiste) et il a rendu
témoignage à la vérité. Pour moi ce n'est pas que j'aie à recevoir le
témoignage d'un homme, mais je parle ainsi pour que vous soyez sauvés”.Jn
5:31-34
"Un autre me rend témoignage": ce pouvait être Jean Baptiste nommé
précisément au verset suivant en raison de son témoignage , sinon le
Père puisque quelques versets plus loin Jésus ajoutait :
«Le Père qui m'a
envoyé, a lui-même porté témoignage à mon sujet.»Jn 5:37
Mais dans le cas du diciple bien-aimé cet “autre” n'était pas identifié
.
- Ce pouvait être l'évangéliste parlant de lui-même à la troisième
personne; il était donc bien différent du disciple bien aimé et ne
faisait pas un avec lui.
- À moins que celui-là
(avec EKEINOS) n'ait
désigné l'Esprit Saint, sinon le Père. Auquel cas il n'y aurait pas la
preuve que le disciple et l'évangéliste aient été deux personnages
différents.
Comment trancher?
Reprenons le verset:
“Celui qui a vu, a
rendu témoignage , et son témoignage est véridique et Celui-là
sait qu'il dit vrai, pour que vous aussi vous
croyiez.» Jn 19:35.
Pourquoi ce "
aussi"?
Il ne s'explique pas si l'évangéliste et le témoin étaient une seule et
même personne. Par contre s'ils étaient bien deux, le premier a rendu
témoignage pour que le second adhère, tout comme ceux qui liront les
écrits. Cet AUSSI (grec: KAI) attesté par l'ensemble des principaux
manuscrits a été supprimé dans quelques uns plus tardifs. Ce KAI qui
faisait problème serait donc la preuve que l'évangéliste et le disciple
bien aimé étaient deux personnages différents.
Et en effet aucun auteur souhaitant être crédible n'irait se présenter à
la fois comme témoin des faits, leur rapporteur et leur garant. Il est
nécessaire qu'ils soient au moins deux.
LA PUBLICATION DE L'ÉVANGILE
L'évangéliste achevait son chapitre 20 par une première conclusion:
«Jésus a fait encore,
en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles, qui ne
sont pas écrits dans ce livre. Mais ces choses ont été écrites afin
que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en
croyant vous ayez la vie en son nom.»Jn 20:30-31
En marge du
codex Vaticanus Reg. lat. 14,
remontant au IXème siècle, le scribe disait tenir du cinquième discours
de Papias que Jean avait procédé personnellement à la publication de son
évangile:
«Evangelium Iohannis
manifestum et datum est ecclesiis ab Johanne adhuc in corpore
constituto, sicut Papias nomine, Hieropolitanus, discipulus Johannis
carus, in exotericis, id est in extremis quinque libris retulit;
descripsit vero evangelium dictante Johanne recte verum.»
«L'Évangile de Jean fut publié et donné aux églises par Jean en
personne comme le rappelle le dénommé Papias de Hiérapolis, un
disciple cher à Jean, dans "EXOTERICIS", le dernier de (ses) cinq
livres. Il transcrivit vraiment l'évangile , Jean dictant
directement la vérité.»
Jean aurait, lui-même, rendu son ouvrage public. Ce propos prêté à
Papias recouperait celui d'Irénée
«Jean lui aussi
publia l'Évangile».
Cette première publication par son auteur fut suivie d'une seconde
augmentée du chapitre 21 qui s'achève sur une seconde conclusion
semblable à la première:
« C'est le disciple
témoin de cela qui a écrit cela. Nous savons que
son témoignage est vrai. Jésus a fait
encore bien d'autres choses. Si tout cela était écrit un à un, même
l'univers, je pense, ne pourrait contenir les
livres écrits.» Jn 21:24-25(
2)
Le "Nous" représenterait la communauté d'Éphèse destinataire du livre ;
elle voyait dans l'auteur et son témoin un même personnage; c'est
pourquoi , à sa mort , elle put ajouter cet autre verset:
Là-dessus, le bruit courut
parmi les frères que ce disciple ne mourrait point. Cependant Jésus
n'avait pas dit à Pierre qu'il ne mourrait point; mais: Si je veux
qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe?» Jn 21:23

KATA
IWANNHN
: Le nom Jean en entête du Papyrus du second siècle P66. Aussi loin
qu'on remonte c'est le nom attaché au quatrième évangile.
LA TRADITION SUR JEAN L'ANCIEN
Papias de Hiérapolis distinguait Jean
(l'Apôtre) de Jean l'Ancien:
« Si quelque part
venait quelqu'un qui avait été dans la compagnie des ANCIENS, je
m'informais des paroles des ANCIENS
: ce qu'ont dit André ou Pierre, ou Philippe, ou Thomas, ou
Jacques, ou JEAN, ou Matthieu, ou quelque autre des disciples du
Seigneur, et ce que disent Aristion et l'ANCIEN,
JEAN , disciples du
Seigneur...
Et voici ce que disait l'ANCIEN : Marc, qui était l'interprète
de Pierre, a écrit avec exactitude, mais pourtant sans ordre,
tout ce dont il se souvenait de ce qui avait été dit ou fait par
le Seigneur.» Propos de Papias cités par Eusèbe
HE 3:39, v 4 et 15
Mais ces propos de Papias furent mal interpr étés et les deux Jean
furent confondus en un seul et même personnage
«Papias, évêque de
Hiérapolis auditeur de JEAN le Théologien compagnon de Polycarpe,
écrivit cinq discours...dans son second discours il dit que Jean
le Théologien et Jacques son frère furent
tués par les Juifs» Epitome de Philippe de Side
(Codex Baroccianus 142)
Jean le th éologien était bien Jean l'Ancien qu'avait connu Polycarpe.
Mais l'auteur de l'épitome le confondait avec l'apôtre tout en
rapportant que celui-ci était mort, comme son frère, de la main des
Juifs; c'était donc forcément avant 70 et il ne pouvait avoir vécu à
Ephèse centenaire. Origène dans son commentaire sur Matthieu le disait
martyr. Voir à ce sujet ME Boismard
"Le
martyre de Jean l'Apôtre" .
Justin vers 150 écrivait
« De plus, il y
avait un certain homme avec nous, dont le nom était JEAN, un des
apôtres du Christ; il prophétisa, par une révélation qui lui avait
été faite, que ceux qui ont cru en notre Christ feront 325 mille
ans à Jérusalem...Comme notre Seigneur a dit également,
que ni ils ne se marieront ni ne seront donnés en mariage, mais
qu'ils seront égaux des anges, étant pour Dieu fils de la
Résurrection.(Dialogue avec Tryphon,81).
Ce que Justin affirmait sur Jean, Apôtre du Christ, n'était pas sans
évoquer les périodes de mille ans et la virginité des témoins de
l'Apocalypse (Ap 14:4); d'ailleurs son auteur la présentait comme une
prophétie (Ap 1:3).
Il se présentait lui-même à la première personne : “MOI JEAN” se
nommant cinq fois dans son œuvre.
Deux épîtres débutant avec le qualificatif «L' ANCIEN», lui étaient
attribuées.
Ces deux noms “JEAN” et “L 'ANCIEN” furent rapprochés par Jérôme des
propos de Papias :
“Quant aux deux autres épîtres
qui commencent, la première par ces mots: « L'ancien à la femme
élue et à ses fils, » et la seconde par ceux-ci:
L'ancien à son cher et bien-aimé Caïus, » on les attribue au
PRÊTRE JEAN, dont on voit encore le tombeau à Ephèse.»
(Jérôme Hommes Illustres).
Au temps de Jérôme, à la fin du IVème
siècle, le monument funéraire existait encore mais il était le lieu
d'un débat sur l'identité du personnage qu'il commémorait:
«Plusieurs savants
ont prétendu que ce tombeau était un double monument élevé à la
mémoire de ce dernier (Jean l'Ancien) et à celle de Jean
l'évangéliste» (Jérôme, Hommes
Illustres)

Ruines de la Basilique St Jean à Ephèse
Il y avait deux Jean que Jérôme dissociait ainsi:
- l'un était l'auteur du quatrième évangile,
- l'autre dit l'Ancien était l'auteur de l'Apocalypse et de deux
épîtres et celui-ci, était prêtre. Il écrivait en effet:
Nous faisons cette observation à cause de l'assertion de
quelques auteurs qui, comme nous l'avons vu plus haut, pensent
que les deux dernières épîtres de Jean viennent, non pas de
l'apôtre, mais du prêtre.”
Que Jean ait été prêtre remontait à une tradition ancienne transmise
par l'évêque d'Ephèse
:
«Jean lui aussi,
celui qui a reposé sur la poitrine du Seigneur, qui a été prêtre
et a porté le petalon , qui a été martyr et didascale, repose à
Éphèse."» (lettre de Polycrate évêque d'Éphèse dans la
Seconde moitié du II siècle à Victor de Rome, citée par Eusèbe HI
III,31. )
Jean, considéré comme le disciple bien-aimé aurait donc été un prêtre;
Polycrate ne disait pas qu'il avait été prêtre, non grand-prêtre, même
s'il avait porté le "petalon" . Le propos est à considérer de manière
circonstanciée puisque l'évêque d'Éphèse, dans cette même lettre tenait
à tort le diacre Philippe, dont il est question dans les Actes, pour
l'un des Douze Apôtres (et sa citation fut retouchée par Jérôme mais non
par Eusèbe qui la laissa telle quelle).
Le “petalon”, une lame d'or sur laquelle était gravée "consacré à YHWH",
était l'attribut du grand-prêtre. Comme grand-prêtre du nom de Jean il y
eut le fils d'Hanne, membre du Sanhédrin, présent lors du martyr
d'Étienne, et qui exerça le sacerdoce de 36 à 37. Au rang des
persécuteurs, il est bien difficile de voir en lui un disciple des
apôtres et un évangéliste. L'autre grand-prêtre de ce nom, fut tué vers
58 sur l'ordre de Felix par les Sicaires.
Cependant à tout grand-prêtre en fonction, s'il lui arrivait une
déficience., était associé un second, susceptible de le remplacer pour
l'office liturgique du Yom Kipour. Il se pourrait donc que ce prêtre ait
officié une fois dans sa vie en lieu et place du grand prêtre en
fonction.
Toutefois, il ne faut pas manquer de remarquer que l'hagiographie
superposait différents personnages de manière à asseoir l'autorité de
l'évêque d'Éphèse par rapport aux autres églises. Tertullien avait noté
ce procédé à propos de l'évêque de Smyrne institué par Jean:
«Car c'est ainsi que
les Églises apostoliques présentent leurs fastes. Par exemple,
l'Église de Smyrne rapporte que Polycarpe fut installé par JEAN;
l'Église de Rome montre que Clément a été ordonné par Pierre.» Tertullien
traité contre les hérésies 32,2
Ignace d'Antioche dans son parcours vers Rome entre 107 et 110,
s'adressant aux Éphésiens parlait des évêques Onésime et Polycarpe, mais
sans faire allusion à Jean. Il exhortait à l'unité autour de l'évêque,
rappelant à diverses reprises le témoignage des Apôtres, mais jamais
nommément:
«lui en qui je porte
mes chaînes, perles spirituelles ; je voudrais ressusciter avec
elles, grâce à votre prière, à laquelle je voudrais toujours
participer pour être trouvé dans l'héritage des chrétiens d'Éphèse,
qui ont été toujours unis aux Apôtres, par la force de
Jésus-Christ.»(Lettre aux Ephésiens XI,2)
LE DISCIPLE BIEN AIMÉ : Un disciple connu ou un anonyme?
Le “disciple que Jésus aimait”, appelé aussi le “disciple bien aimé”, ou
encore "l'autre disciple"; se serait-il caché sous d'autres appellations
? Se pourrait-il qu'il ait été l'un des disciples couramment nommé par
l'évangéliste et que la tradition aurait manqué d'identifier ?
Lors de la dernière apparition de Jésus ressuscité au
bord du lac, le disciple bien-aimé était présent. Avec Pierre, Jacques,
Jean et Thomas, se trouvaient deux disciples anonymes ainsi que
Nathanaël; ce dernier, originaire de Cana, était le seul à avoir reçu -
et ce dès le début de l'évangile - une éloge de Jésus:
“Voici en vérité un
Israélite indemne de toute fraude”.
En clair Jésus le louait pour sa pureté d'
intention. Nathanaël était à ses yeux indemne de toute faute. Un
véritable Israélite, un fils de Jacob. Ce fut le seul éloge que Jésus
ait fait de l'un de ses disciples. Cela ne le désignait-il pas à
l'attention de tous comme le disciple que Jésus aimait,?
Jésus
lui avait encore dit: “Avant que Philippe ne
t'appelle, quand tu étais sous le figuier je t'ai vu” Jn
1:48
Le figuier est l'arbre du paradis dont les feuilles permirent à Adam et
Eve de couvrir leur nudité; arbre de la connaissancee et de l'amour.
Nathanaël était de Cana en Galilée . Or Trois jours après cette
rencontre, (le chiffre trois est rattaché bibliquement à la
Résurrection), il y eut des noces dans la ville de Cana, la ville de
Nathanaël.

Qui donc pouvait bien être le marié sinon lui ? Cana qui signifie zèle,
passion, jalousie, n'était-il pas une manière de cacher l'identité de ce
personnage pour qui le vin coula à flots ?
Si Nathanaël passe inaperçu, d'où cela
vient-il?
Son nom signifie “don de Dieu” et n'est chez aucun des Synoptiques -
si ce n'est en abrégé dans l'ascendance spirituelle du Christ où un
certain Nathan était placé comme l'héritier de David; en effet le
premier fils de Bethsabée mourut avant d'atteindre son huitième jour
et ne reçut qu'un nom symbolique “donné” ou “redonné à Dieu” - nom du
prophète qui avait dénoncé sa faute au père.
Pour l'évangéliste, qui pouvait bien être ce Nathanaël absent des
autres évangiles? N'était-ce pas là encore un prête-nom?
LE DISCIPLE BIEN - AIMÉ ET LE SONGE DE JACOB
Lors du dernier repas, le disciple que Jésus aimait sut recueillir ses
confidences en se penchant vers son coeur. Il était aux côtés de Marie
pendant la crucifixion, lui que Jésus avait élu pour fils spirituel, lui
confiant sa mère et réciproquement. Dans cet évangile, la Croix scelle
les noces mystiques du Christ et de l'Eglise.
Il courut plus vite que Pierre au tombeau; il devait être plus jeune
vraisemblablement.
Il aperçut les linges mais n'entra pas; cette précaution pouvait être
suscitée par la crainte de côtoyer un défunt. Ayant laissé passer Pierre
devant lui , il pénétra dans la tombe; il vit le suaire qui avait
entouré la tête,
"enveloppé en un lieu unique, à part" .
Le verbe enveloper était le verbe très rare employé par Luc et Matthieu,
pour le corps que Joseph d’Arimathie descendit de la croix et enveloppa
du linceul. La façon dont ce suaire était roulé aurait-elle évoqué la
manière dont Jésus en avait été enveloppé?
Ou bien l'auteur cherchait-il a établir un lien avec le récit des
Synoptiques et plus précisément celui de Luc?
L'évangéliste ne faisait pas une description archéologique du tombeau
mais une lecture allégorique, le Lieu unique évoquant le songe de Jacob
à Béthel:
Il
fit
une rencontre dans LE LIEU
et il alla là parce que le soleil s’en était allé.
ll prit à partir des pierres DU LIEU
et mit sous sa tête et coucha en ce LIEU-LÀ.
Il rêva: voici “soulam” (échelle?) dressée sur la terre,
son sommet atteignant les ciels
Et voici des anges de Dieu
montant et descendant dessus.
Et voici Le Seigneur se tenait au-dessus.”
Gn 28:11-13 trad. litt.
Le songe du patriarche serait à relire comme une prophétie de la
résurrection.
Le LIEU, ha-Makom en Hébreu, est associé au Temple, symbole de la
présence divine. Dans le quatrième évangile , comparaison était faite
entre le temple et le corps du Christ, lieu même de sa présence:
«Il
parlait du temple de son corps» .
Or Il faut se souvenir que c'est devant Nathanaël justement que Jésus
avait fait allusion au rêve de Jacob :
“Vous verrez
le ciel s’ouvrir et les anges de Dieu monter et descendre au
dessus du Fils de l’homme!” Jean 2:51.

En définitive, le “Lieu unique”, se trouvait à la rencontre du ciel et
de la terre, dans le Fils de l'homme lui-même, autour duquel montaient
et descendaient les Anges de la vision de Jacob. Nathanaël,
étymologiquement don de Dieu, ne serait-il pas un seul personnage avec
le disciple bien-aimé? Intervenant au début du ministère du Christ, béni
à travers le vin qui coula à profusion le jour de ses noces, il se
retirait pour réapparaître ensuite peu avant la Passion et accompagner
Marie et le Christ jusqu'aux noces mystiques. Mais qui était-il, lui
dont les Synoptiques n'ont rien dit? Nathanaël n'était-il pas un simple
prête-nom cachant quelqu'un qui préférait l'anonymat? Ce n'était pas une
figure allégorique de l'auteur. Ce n'était pas une femme, même si le
masculin “disciple” pouvait désigner homme ou femme, de même que le
terme “diacre”, qualifiait aussi Phoébé.
Ce personnage n'était pas imaginaire ; il était bien réel puisqu'il fut
le seul à témoigner que le côté du crucifié avait été transpercé d'un
coup de lance, détail appuyé par la confiance que l'auteur mettait dans
son témoin, détail confirmé par le linceul de Turin.
JACQUES LE FRÈRE DU SEIGNEUR
NATHANAËL ne serait-il pas JACOB, dit Jacques le Juste, le frère du
Seigneur qui accompagnait Cléopas sur la route et qui fut rejoint par
Jésus au moment où il s'enfuyait de Jérusalem ? Preuve en serait donnée
par Épiphane de Salamine qui voyait en Nathanaël le companion de Cléopas
(
3).
C'est à ce “véritable frère” qui était sans fraude, sans reniement, à ce
vrai fils d'Israël, que le Christ avait voulu confier sa présence
eucharistique. De tous , Jacques était le plus proche par la pensée la
réflexion, la conduite, l'amour vrai. C'est peut-être bien de lui dont
Jésus parlait dans ce verset:
« parmi les enfants
nés des femmes il n'y a pas de plus grand prophète que Jean le
Baptiste. Mais un plus jeune que lui, dans la Royauté de Dieu est
plus grand que lui.» Luc 7:28 D05.
Ce serait encore à lui que les Douze faisaient allusion en se
demandant si un plus grand qu'eux les gouvernerait quand Jésus ne
serait plus avec eux (Luc 9.46-50 et 22.24). Le logion 12 de
l'Évangile de Thomas parle de lui en des termes similaires :"1
Les disciples dirent à Jésus :
Nous savons que tu nous quitteras : Qui deviendra grand sur
nous ? Jésus leur dit : Là où vous serez, vous irez vers
Jacques le juste pour qui ciel et terre sont venus à l'existant.
Son désir de rester inconnu a été respecté de Luc.
La vérité en ce qui le concernait serait à situer entre le portrait
idéal qu'en donnait l'évangéliste Jean et l'idée que Paul se faisait de
lui et transmettait dans sa lettre aux Galates.
Sylvie Chabert d'Hyères
© Copyright, 2006
1 - Les deux
verbes sont au parfait selon l'expression bien souvent employée par
l'évangéliste: témoigner en vérité de ce quI a été réellement vu sinon
contemplé (cf Jn 1:34 3:11,26,32, 5:33,37).
2 - Les versets 21:24 et 25 sont généralement considérés
comme des ajouts au texte initial par la Critique. Ils offrent une
lecture sinueuse du "Il” au “Je” en passant par le “Nous”. Ils sont
néanmoins attestés par les anciennes versions , comme par Cyril et
Origène. C'est le chapitre 21 dans son entier qui parraît avoir ajouté à
l'Évangile, le chapitre 20 comportant déjà une première conclusion.
.3 Dans la marge du codex V du IXème siècle se
lit en note : ὁ μετὰ Κλεοπᾶ Ναθαναὴλ ἦν, ὡς ἐν Παναρίοις ὁ μέγας ἔφη
Ἐπιφάνιος. Κλεοπᾶς ἀνέψιος ἦν τοῦ σωτῆρος, δεύτερος ἐπίσκοπος
Ἱεροσολύμων
Celui avec Kléopas, était Nathanaël, comme le disait
dans les Panarions le Grand Epiphane. Kléopas était l'oncle du
Sauveur, le deuxième évêque de Jérusalem.