ADAM, HA_ADAM ET LE FILS DE L'HOMME
La Création de « l ' adam
»
Qui étaient
Adam et Ève pour
ceux qui écrivirent le Livre de la Génèse ?
Il y a deux récits de la création, et s'Ils se suivent, ils n'offrent
pas moins de ressemblances que de contradictions comme si l'un avait été
écrit en fonction du précédent. Un premier symptôme de leur différences
tient au nom divin qui est Elohim dans le premier chapitre, IHVH-Elohim
dans les suivants. Quand à l'humanité, nommée ha-adam dans les quatre
premiers chapitres, elle évolue, à partir du cinquième, en Adam, un
individu père des générations ; elle est mâle (zarar) / femelle (nekeva)
dans le premier, mais Ish (homme)/Isha (femme) dans le second. Ce choix
des noms et des mots est significatif d'une différence d'auteur,
d'écriture et de la pensée qui la soutend.
A l'hébreu
Ish, au grec
Anêr et au latin
Vir,
(soit l'homme au masculin, le mâle) le correspondant proposé en français
est celui d'Homme, qui traduit plus exactement le latin
Hominus,
grec
Anthrôpos, hébreu
Adam et qui désigne non
seulement l'homme adulte au masculin mais aussi le genre humain sous
tous ses aspects, jeunes et vieux, vieillards et enfants, hommes et
femmes. Au lieu des deux termes communs à ces langues, le français n'en
offre qu'un, ce qui complique la juste compréhension du texte. Le plus
souvent donc,
ha-adam serait mieux traduit par “genre humain”
(ou humanité) et Ish par “homme-mâle”.
Génèse, Chapitre I.27
Élohim créa ha-adam à son image,
à l'image d’Élohim, il le créa,
mâle et femelle il les créa.
Ainsi Dieu créa ha-adam, le genre humain comme une réplique de lui-même;
et par la dimension sexuée, mâle et femelle, il inscrivait une
différence d'avec lui puisque «à son image» n'a pas été répété par
l'auteur dans la troisième et dernière phrase. La différenciation sexuée
permettait de distinguer le genre humain d' Élohim, Dieu.
De plus, si Dieu avait créé un seul humain, un androgyne à la fois mâle
et femelle, l'auteur n'aurait pas écrit «il
les
créa», mais « il
le créa». Et
c'est à «eux», là encore un pluriel, que Dieu parla en recommandant de
croître et de se multiplier. C'est donc au genre humain dans son
ensemble, mâle et femelle qu'il s'adressait et non pas à un individu, ou
même seulement à deux.
Créés ensemble à l'achèvement de la création mâles et femelles étaient
égaux de fait. Mais nommée après le mâle la femelle constituait
l'élément ultime.
Il n'était pas encore question, dans ce récit, de personnes humaines
individualisées, l'homme et la femme, mais de ha-adam, l'humanité ou le
genre humain , se distinguant du divin par sa nature sexuée.
Génèse, Chapitre 2
L'auteur de ce second récit de la création ne voyait pas les choses sous
le même angle puisqu'il se représentait l'
adam au départ de la
création et non point à son terme, esclave de l'Eden et non point appelé
à dominer sur les êtres vivants.
Toutefois le lien avec le chapitre précédent était assuré par le terme
employé «ha-adam» ; et l'auteur commençait par expliquer pourquoi les
deux mots «ha-adam»,
le genre humain et «ha-adama», l
a
terre, avaient même racine; car l'homme tiré de la poussière de
la terre devenait vivant grâce au souffle divin. La dualité n'était plus
dans la nature sexuée du premier chapitre, mais dans la composition
corps et esprit.
Et à la façon dont Élohim avait tiré
ha-adam de
ha-adama,
Il avait extrait la femme de l'homme :
Ghiberti,
porte du baptistère de Florence.
«21.Et le Seigneur Élohim fit tomber une torpeur
sur ha-adam et il s'endormit. Il prit un de ses côtés, et ferma la
chair dessous. 22. Le
Seigneur Dieu bâtit le côté qu’il avait pris de ha-adam, en
Isha. Il la fit venir vers ha-adam. 23.
ha-adam dit : « Celle-ci, cette fois, c’est
l’os de mes os, la chair de ma chair ; pour
celle-ci sera appelée Isha (femme) , car de Ish (l’homme) celle-ci a
été prise...
3.20 Et l'adam appella le nom de son Isha Hava car “lui” était mère
de toute vie.
Arsinoé, sculpture ptolémaïque de Canope.

L'image proposée par ce mythe est sensée exprimer la complémentarité de
l'homme et de la femme ; cependant, selon les lois de la nature c'est
toujours la femelle qui conçoit, donne naissance et fait naître, un rôle
reporté ici sur le mâle sensé être la source première et vitale de toute
création. Il donne à celle qui a été sortie de son côté le nom de
Hava,
Ève,
la vivante ; de cette manière il lui délègue le principe
source de vie. Car c'est bien le pronom הִוא (à la place du féminin
attendu הִֽיא) qui est dit
“mère de toute vie”. Si הִוא est
parfois un pronom féminin dans la Torah, jamais par contre le féminin
הִֽיא ne représente le masculin.
Ainsi elle conçoit et donne naissance par délégation du masculin. De
fait, la nature sexuée n'est plus comprise comme expression de la
complémentarité constitutive de la nature humaine, mais comme un
substrat.
Cette façon de présenter le masculin comme principe de naissance n'est
jamais dénoncée. Elle est cependant une formidable contre-vérité
subrepticement occultée par le chapitre trois.
Le réel serait-il donc si difficile à accueillir qu'il faille le
controuver pour vivre ?
Génèse, Chapitre 4 et 5
4: 1.
«Ha-adam
connut Hava, sa femme. Enceinte, elle enfanta
Caïn. Elle dit: « J’ai eu un Ish avec IHVH. »
Suit le récit de Caïn et Abel, la lutte entre les deux frères selon un
shéma commun aux différentes religions de l'Antiquité (Remus/Romulus,
Osiris/Seth, Mithra/Ariman etc).
Par contre avec le chapitre V débutait la première généalogie biblique
issue d'un individu précis:
«5:1. Voici l’acte des enfantements d’
Adam»
Car n'était plus mentionné ha-adam, le genre humain - quand ce n'était
pas le genre masculin, seul - mais une personne du nom d'Adam. En effet
à partir de ce chapitre, dans le texte hébreu, adam qui n'est plus
précédé de l'article “ha”, devient un nom propre, Adam. Toutefois le
second verset de ce chapitre reprend le verset 27 du premier chapitre:
«au jour où Élohim créa adam, à la ressemblance
d’Élohim, il les fit. 2. Mâle et femelle, il les créa et les bénit.»
Par ce moyen littéraire, l'auteur rattachait les générations de la Bible
à partir de Seth et de sa descendance aux deux récits de la création.
Puis il ajoutait son propre commentaire :
«Il appela leur nom adam au jour où il les créa.»
Si ce nom adam englobait l'homme et la femme, c'est bien parce qu'il
était considéré en premier lieu comme un terme générique désignant le
genre humain avant de devenir un nom personnel au verset suivant:
«3. Adam vécut cent trente ans; il engendra à sa
ressemblance, selon sa réplique et appela son nom, Seth. 4. Et ce
sont les jours d’Adam après avoir engendré Seth: huit cents ans. Il
engendra fils et filles.»
- Ainsi pour les auteurs du texte hébreu, ha-adam était avant tout
un nom générique; en l'employant, ils ne se référaient pas à une
personne précise; cependant pour rattacher la généalogie biblique
aux récits de la création, l'auteur du chapitre V fit évoluer le
terme ha-adam en nom propre Adam , omettant de préciser qui en était
la femme et la mère de Seth. Si l'écrivain des chapitres deux ,
trois et quatre avait, avant lui, dépeint un individu personnalisé
ou historique, n'aurait-il pas ôté l'article dans les dialogues,
devant Adam, à partir du verset 2:16 ?
- Les traducteurs grecs de la LXX, au second siècle avant l'ère
chrétienne, ont rendu le générique ha-adam par anthrôpos
sauf dans les dialogues avec Dieu où le nom propre , Adam, apparaît
alors et ce, dès le verset 2:16. Dès cette époque, donc, les
exégètes du texte entrevoyaient dans le couple de Génèse 2-4 des
personnalités bien plus que des figures typologiques. Cependant au
verset 5:2, où adam sans article était le nom donné par
Dieu au genre humain dans son entier, ils ont eu recours au nom
historique d'Adam, lalors que la traduction par Anthrôpos aurait
mieux convenu.
- En parlant d'Adam sans article, la lecture que Paul faisait de la
faute originelle reposait bien plus sur le texte grec que sur
l'hébreu.
- Par contre lorsqu'il se donnait le titre Fils de l'
homme, Jésus faisait référence à la Génèse, lue dans le texte
hébreu; il se rattachait ainsi au genre humain dans son intégralité
bien plus qu'à un individu précis. En effet il ne se disait pas Fils
d'Adam mais Fils de l'adam
ce qui a une toute autre signification. Il se donnait ce titre en
même temps qu'il faisait part, pour
la première fois, du pardon divin.
- A l'époque moderne «the Son of Man» qui en est la traduction
anglaise habituelle (avec omission de l'article devant man), ne se
réfère pas à la Génèse mais aux livres prophétiques où se lit une
expression semblable sans article, «hUios anthrôpou», Fils d'homme,
notamment en Dn 7:12.
Dans sa réflexion sur ces textes, le Christianisme qui est tributaire de
la pensée Augustinienne et Paulinienne part du grec de la LXX. Mais
comme Jésus se référait à l'hébreu, c'est de cette langue qu'il
conviendrait de repartir pour comprendre les composantes littéraires du
texte et ses implications.