Folio
96 du codex Bezæ.

La page qui comprend au verso les versets 2 à 12 du chapitre XXVII de
Matthieu a étrangement disparu du manuscrit, comme si elle avait été
découpée aux ciseaux. Font défaut au recto les versets latins, 66 à 75 du
chapitre XXVI avec la réponse de Jésus à la question : Es-tu le Fils
de Dieu ? C'est ce texte latin qui aura tenté celui qui a subtilisé
la page, à moins que celle-ci n'ait été découpée dans un but de
préservation du manuscrit comme les folio 102 à 104 dont les bords ont été
découpés ?
1 Firent un conseil
L'expression avec
faire (ἐποίησαν au lieu de
tenir
avec ἔλαβον) se retrouve en latin dans l'Itala
a,c et la
Vulgate, ainsi que dans les versions coptes (mae, bo). Elle est identique
en Marc 15.1 D05. L'expression habituelle avec
tenir
(latin accepto) se retrouve au v 7 suivant.
Ce conseil matinal avait-il lieu d'être après celui de la nuit ?
Superfétatoire il fait surtout écho au conseil de jour rapporté par Luc
qui n'avait pas fait état d'un conseil nocturne contraire aux règlements
du temple.
2 Ponce
Pilate le gouvernant.
Ponce : ce nom est absent des manuscrits א, B03, L, 33, 0281, Sy
sp et
Origène mais présent dans les autres.
Pilate portait le titre très générique de préfet (
en latin praefectus),
ce que Luc 3.1D05 rendait par ἐπιτροπεύοντος et qui devint l'équivalent
grec du
procurateur romain, ce titre adopté sous Claude par les
préfets de province. Mais après la révolte contre Rome, et dès 70, c'est
un gouverneur qui fut nommé sur la Judée. Matthieu n'utilisait pas le
terme technique réservé en grec aux gouverneurs des provinces romaines
(cf.
ὁ ἡγεμονεύοντος),
mais un terme générique pour un commandant ou un chef.
Les remords de Judas
3 Alors, Judas qui le livrait
voyant qu'il était condamné, se repentant retourna les 30 pièces
d'argent aux grands prêtres et aux anciens.
Matthieu a choisi le verbe μεταμέλομαι qui marque le remord de préférence
à μετανοέω, le verbe de la conversion. En effet, Judas n'était plus en
mesure de vivre une “métanoïa”.
Saulieu,
la mort de Judas œuvre du diable, XIIs.
4a J'ai péché en livrant un sang
juste.
Θ, L, Itala, Sy
s, sa
mss, mae, bo, Or, Cyp.
Un sang
juste selon le Texte Occidental, un sang
innocent
selon le Texte Alexandrin et 1Samuel 19.5.
L'innocent est celui qui n'est pas coupable; il est sans reproche (ἀθῷος
avec a-privatif). Le juste est celui qui observe la loi. Déclarer un
inculpé innocent est le résultat d'un constat; le dire juste c'est en
faire l'éloge comme celui que le centurion fit du Christ au moment de sa
mort (Lc 23.45).
Que Judas ait fait l'éloge du Christ qu'il venait de trahir en le
déclarant juste a pu paraître excessif aux copistes du Texte
Alexandrin qui lui ont préféré l'expression courante
“le sang
innocent”.
4b Or ils dirent : Que nous
importe? À toi de voir.
A toi de voir serait un latinisme (“tu videris”). La réponse
sommaire des grands prêtres est reprise pour Pilate au
v.24.
5 Et lançant l'argent dans le
temple il s'éloigna et alla se pendre.
Avec ἀπήγξατο c'est le verbe de 2Sa 17.23. La pendaison est une
strangulation. C'est bien une issue fatale qui attendait l'Apôtre puis
qu'il est écrit : “
Maudit soit celui qui reçoit un présent pour
répandre le sang de l'innocent!” Dt 27.25. Et c'est pourquoi aux
dires de
Marc 14.21
et
Matthieu 26.24
il aurait reçu de Jésus lui-même une condamnation définitive et sans
appel.
6 Il n'est pas permis de le verser
au trésor...
Il n'est pas permis, cf
Dt 27.25.
Trésor traduit l'hébreu קָרְבָּן que l'évangéliste a gardé tel
quel en grec avec κορβᾶν et tel qu'il le trouvait en Mc 7.11 et qui
caractérise une offrande sacrée ; c'est κορβανᾶς qui désigne le trésor
selon F. Josèphe, GJ. 2, 9.4. D'où les nombreuses variantes du texte grec
de Matthieu.
7 Ayant pris conseil les uns des
autres, ils achetèrent le champ du potier pour la sépulture des
étrangers...
v.10 Et ils donnèrent les 30 [pièces d'argent] pour le champ
du potier.
Ces versets ont leur source en Jr 19 :
“Je briserai ce peuple et
cette ville, comme on brise un vase de potier, sans qu'il puisse être
rétabli. Et l'on enterrera les morts à Topheth par défaut de place pour
enterrer.” Au
v 9 Matthieu donnait sa citation à
Jérémie (au lieu de Zacharie) tant c'est son
chapitre
19 qui, dans son ensemble, l'avait inspiré sur le sort
de l'argent rendu par Judas.
8 -
Le champ du sang, un verset
parallèle à Ac 1.19 :
|
Matthieu XXVII.8
|
Actes I.19
|
D05 |
C'est
pourquoi ce champ fut appelé Aikeldaimach
ce qui est le champ du sang
jusqu'à aujourd'hui. |
en sorte d'être appelé
ce domaine là
dans le dialecte d'eux Akeldaimach,
ce qui est domaine du sang. |
Texte courant |
C'est pourquoi fut appelé ce champ là
champ du sang
jusqu'à aujourd'hui. |
en sorte d'être appelé ce domaine là
dans le propre dialecte d'eux Akeldaimach,
ce qui est domaine du sang.
|
Extrait de l' édition Novum Testamentum Graece de C. Tischendorf de
1869:
Le nom araméen a été orthographié
Ἁικελδαιμάχ
en grec, comme en Ac 1.19 mais au iota près, Echeldemach en latin.
Comme pour la plus part des noms géographiques l'orthographe
Ἁικελδαιμάχ
varie d'un manuscrit à l'autre, la diphtongue αι s'écrivant couramment ε
et inversement.
Les mots
“Aikeldaimach ce qui est ” se trouvent dans la marge du
manuscrit grec 700 (cf. ed Swanson) ou encore chez Origène, ainsi que dans
l'ensemble des manuscrits latins de l'Itala et de la Vulgate. Mais
ils n'ont jamais été notés dans l'apparat critique des éditions
successives Nestle-Aland qui servent de référence dans l'établissement du
texte standard. Une omission subrepticement intentionnelle? Sans eux la
phrase paraît plus fluide : Serait-ce la raison pour laquelle ils auraient
été supprimés dans les manuscrits grecs ? En fait ils obéissent au procédé
rédactionnel de la parenthèse adopté dans ce même chapitre XXVII pour les
phrases très similaires :
- verset 33
“un lieu-dit Golgotha, ce qui est
lieu du crâne”
- verset 46 “
Élei, Élei lema zaftani ce qui est mon
Dieu mon Dieu pourquoi m'as-tu abandonné”.
Matthieu a repris ces deux citations à Marc qui avait écrit plus
littérairement
“ce qui se traduit...” (Mc
15.22&34). En se contentant du raccourci
“ce qui est”
Matthieu était guidé par la formulation du parallèle d'Actes 1.19 qui
recouvrait une tournure sémitique (הוּא).
Aussi, la supposition que ces trois mots pourraient avoir été insérés plus
tardivement par un tiers ne se justifie pas. Ils font partie intégrante du
chapitre à la rédaction duquel ils ont contribué.
Vallée de Ben Hinnom à Jérusalem.
Ce
champ du sang ramène au chapitre 19 de Jérémie (déjà cité au v7)
: 2 “Sors vers la vallée de Ben Hinnom à l'entrée de la porte
de la poterie...6 Voici, les jours viennent, dit le Seigneur,
que ce lieu-ci ne sera plus appelé Topheth, ni la vallée de Ben
Hinnom, mais la vallée de la tuerie.”
Vallée de la tuerie en raison des sacrifices idolâtres qui s'y étaient
succédés. C'est cette vallée même que les grand prêtres auraient acquise
pour servir de cimetière (cf
v7). C'était leur champ du
potier dénommé
Aikeldaimach, leur champ du
sang après avoir été celui de la tuerie.
Matthieu a su conjuguer le discours de Pierre dans les Actes avec les
textes prophétiques, selon un procédé littéraire fonctionnant sur
l'association d'idées. C'est, en effet, par ces rapprochements qu'il a pu
concevoir son récit de la mort de Judas.
9 Trente pièces d'argent
Les versets 26.15 et 27.9 de Matthieu font référence aux versets
11.12-13 de Zacharie
Matthieu 26.15 ; 27.9-10
|
Zacharie 11.12-13 d'après la LXX
|
15
Ils lui pesèrent 30 statères...
9 Alors fut accompli ce qui fut dit par Jérémie le Prophète,
disant :
Et ils prirent les 30 d'argent,
l'estimation
de l'estimé qu'ils estimèrent des fils
d'Israël.
|
12
Je leur dis: Si vous le trouvez bon, donnez-moi mon salaire;
sinon, ne le donnez pas. Et ils pesèrent pour
mon salaire trente d'argent. 13 Et le Seigneur
me dit : Envoie-les à la fonderie, cette belle
estimation dont j'ai été estimé
par eux; alors je pris les trente d'argent, et
les envoyai à la maison du Seigneur, à la fonderie. |
L'hébreu יָצַר en Zacharie 11.13, désigne un “créateur de formes” et a été
traduit dans la LXX par τὸ χωνευτήριον,
la fonderie en fonction
du contexte; car il s'agissait de
fondre l'argent reçu avec
celui du trésor. Mais יָצַר désigne beaucoup plus souvent
le
potier, et Matthieu s'est servi du grec ὁ κεραμεύς,
le
céramiste ou
le potier pour son verset 10.
La trahison de Judas laissait un goût amer ; en lui prêtant un retour sur
lui-même Matthieu le rendait tout à coup pathétique puisqu'il lui faisait
perdre sa force d'opposition et sa nuisance. Sa faute était reportée sur
les grands prêtres et la colère à son égard pouvait se transformer en
pitié, sinon en un mépris allant jusqu'au dégoût.
Or ce roman matthéen n'est pas compatible avec les propos de Pierre sur la
mort de l'apôtre qui n'aurait pas restitué l'argent mais aurait acquis
avec un domaine où il serait mort par “accident”; évitant de s'étendre sur
ces faits très nauséabonds, Pierre les évoquait seulement pour justifier
son remplacement par Matthias.
Ainsi le lecteur se trouve face à deux récits contradictoires : l'un bâti
littérairement sur les textes des prophètes avec le souci de rendre moins
détestables la trahison et la mort de l'apôtre, l'autre relatant les faits
à demi-mot au point de laisser le lecteur dans une perplexité déroutante.
L'un cherchait à calmer le jeu alors que l'autre ouvrait la voie à tous
les questionnements possibles.
Le récit de Matthieu qui se trouvait dans les évangiles a eu la primeure ;
celui de Luc, parce qu'il révélait une vérité trop crue, s'est retrouvé
comme noyé dans celui de Matthieu. Car bien que contradictoires les
commentateurs n'ont pas manqué de ressources, au cours des siècles, pour
faire croire à leur harmonie.
_______________________________________________________
12 Et comme Jésus était accusé
par les grands prêtres et les anciens.
À la suite de Marc, Matthieu n'a pas énoncé les accusations portées par
les autorités religieuses contre Jésus et que Luc avait énumérées :
“Celui-ci a été trouvé dévoyant notre nation et dissuadant de donner des
tributs à César, se disant être christ-roi ...
Il soulève le
peuple enseignant par toute la terre, en commençant depuis la Galilée
jusqu'ici.” Lc 23. 2&5.
Aucune d'entre elles ne pouvait mener à une condamnation à mort mais à un
simple châtiment comme Pilate le concéda. En ne donnant pas ces
précisions, Marc et Matthieu évitaient de se confronter aux motifs de la
condamnation. Quelles étaient, en effet, les véritables raisons qui
avaient poussé les autorités religieuses à citer Jésus devant Pilate ?
15 Selon la
fête. D05
Matthieu 27.15D05
|
Marc 15.6 D05
|
Luc 23 D05, Sysc
|
Selon la fête le
gouverneur avait coutume de libérer un unique prisonnier à la
foule celui qu'ils voulaient.
|
6
Selon la fête,
il leur libérait
un unique prisonnier, celui qu’ils réclamaient.
|
17 - Or il avait
la nécessité à chaque fête de leur en libérer un unique.
|
La présence de l'article devant
fête dans le codex Bezæ en Marc
et en Matthieu impliquerait de traduire κατὰ δὲ τὴν ἑορτὴν par
“selon
la fête” et non par
“à chaque fête”, comme le permet sa
disparition en Luc
.
Selon la fête : Parmi les trois fêtes de pèlerinage, celle de la
Pâque était la plus importante en nombre de participants. Commémorant la
libération d'Égypte, le besoin de renouveler cette libération de
manière effective pouvait être très sensible.
À chaque fête : à chaque fête de la Pâque, plutôt qu'à
chacune des trois fêtes de pèlerinage.
Selon Marc, Pilate libérait alors un prisonnier de sa propre initiative et
d'une manière devenue habituelle.
Selon Luc il obéissait à une nécessité d'ordre politique : Celle
d'atténuer la pression de la foule montée à Jérusalem.
Selon Matthieu, il se pliait à une coutume (εἰώθει) bien qu'il n'y ait pas
traces d'une coutume de grâce dans les sources romaines comme dans les
sources juives.
16 Or ils avaient alors un
fieffé prisonnier appelé Barabbas...
20 Les grands prêtres et les anciens persuadèrent les foules qu'elles
réclament Barabbas et perdent Jésus.
Voilà comment, selon Matthieu (et Marc 15.11), la foule devint responsable
de la condamnation de Jésus à la manigance des autorités religieuses.
Barabbas était ἐπίσημος,
marqué d'un signe (latinisme),
fameux
ou, dans le mauvais sens du terme,
fieffé. Et à la suite de
Marc, Matthieu évitait de dire que Barabbas avait fomenté une émeute et
commis un meurtre (cf Lc 23.16-19), sinon les autorités religieuses
n'auraient pu se prononcer en sa faveur.
17 Comme ils s'étaient
rassemblés Pilate leur dit : Qui voulez-vous que je vous libère :
Barabbas ou Jésus l'appelé Christ ?
Pilate aurait de lui-même proposé à la foule de choisir entre la
libération de Jésus et celle de Barabbas, contrairement aux récits de Marc
et de Luc. Il se pliait à une coutume (avec εἰώθει v.15) dont il n'était
pas le maître. Ce verset concourt au portrait que Matthieu dressait de
Pilate : un homme objet du dessein des dieux (cf v.
26).
Barabbas.
Un nom signifiant
“fils du père”, soit un bâtard; quelques
manuscrits comportent le nom
“Jésus Barabbas” dont Θ qui
présente parfois les mêmes leçons que D05. Mais “Jésus” ne figure pas
devant Barabbas en D05 ni dans l'Itala.
Jésus l'appelé Christ
Deux fois (v 16 et 22) Pilate aurait donné à Jésus cette identité
sous laquelle il était apparemment connu. Pourtant, durant son ministère,
Jésus se défendait d'être appelé ainsi, reprenant les démoniaques (Mc
1.34, Lc 4.41) et demandant expressément à ses disciples de ne pas encore
lui donner ce titre ( Mt 16.20, Mc 8.30, Lc 9.21). Par contre, au jour de
sa résurrection, il leur parla de lui même sous ce nom, “ le Christ” (Lc
24.26&46) ; il devint désormais le sien.
Matthieu, qui dès les premiers chapitres de son évangile disait de Jésus
qu'il était appelé le Christ, adoptait l'appellation courante des
premières communautés chrétiennes. En comparaison, Marc et Luc avaient
respecté dans leurs écrits ce qui s'était passé durant le ministère de
Jésus.
Portrait
de jeune femme du Fayoum, 25-37 AD,
Cleveland Museum of Art
18
Il savait en effet que par jalousie ils l'ont
livré.
Verset identique à celui de Mc 15.10 D05 que les copistes amendèrent
notamment par un plus-que-parfait au lieu de l'aoriste dans la seconde
phrase.
Le motif de la jalousie invoqué par Marc et Matthieu comme animant les
autorités religieuses dans leur volonté que le Christ soit condamné à mort
par le politique a de quoi surprendre; certes ils comprenaient que les
raisons invoquées en dissimulaient d'autres (cf
v.12).
Toutefois qu'un individu soit animé par la jalousie, cela se comprend ;
mais que tout un groupe (d'au moins 70 personnes) se soit ligué par
jalousie contre Jésus, alors qu'il était manifestement pauvre et ne
détenait aucun pouvoir, ne s'avère guère convaincant. La motivation doit
être recherchée ailleurs, dans la volonté de se défendre contre la colère
et
la honte ressenties à la
dénonciation des idolâtries de l'argent et de la virilité.
19 Siégeant alors sur l'estrade
sa femme envoya lui dire : Rien à toi et à ce juste, car j'ai beaucoup
souffert en rêve à cause de lui.
L'estrade : ce peut être le lieu
réservé au détenteur du pouvoir lorsqu'il prend une décision de justice
(comme Luc l'a mentionné en Ac 12.21, 18.12, 25.6&17; cependant, à
propos de Pilate il n'a rien précisé de ce genre).
Le rêve remplissait déjà un rôle
conséquent dans les deux premiers chapitres de Matthieu comme moyen
privilégié par lequel la divinité pouvait se faire entendre, et sans même
qu'un interprète ne soit sollicité. Ces différents rêves entretiennent
entre eux un lien manifeste : ils proviennent tous du même auteur,
l'évangéliste lui-même.
Les légendes des siècle suivants
feront de la femme de Pilate une convertie au nom de Claudia Procula et de
son mari un adepte.
22 (& 23)
Ils dirent tous :
Qu'il soit crucifié.
Cette requête était moins directe que celle indiquée par Marc
“crucifie-le!”, mais plus précise que celle rapportée par Luc “ôte-le!”.
Selon Matthieu c'est le peuple lui-même qui crucifia Jésus (cf.
v.
26)
Le lavement des mains
Pilate se lavant les mains de la
condamnation du Christ,
sarcophage des Alyscamps, Arles, IVs.
24
Pilate voyant alors qu'il ne gagne rien mais que
le tumulte devient plus fort, ayant pris de l'eau se rinça les mains
contre la foule en disant : Innocent je suis, moi,
de ce sang là; à vous de voir.
Le rapprochement avec le lavement des mains du Livre du Deutéronome
(21.1-9) prête à confusion : On y voit les anciens se laver les
mains pour manifester, qu'avec l'ensemble des citoyens de leur ville, ils
n'étaient pas coupables du meurtre qui avait été constaté à proximité, ni
d’avoir laissé échapper le meurtrier. Cela s'était produit à leur insu
et ils affirmaient leur innocence en se lavant les mains. Le geste de
Pilate n'a rien à voir avec cet épisode biblique.
Dans le cas du Deutéronome, le geste était accompli
comme affirmation devant Dieu de l'innocence des citoyens; par contre, en
refusant de porter la responsabilité de la mort de Jésus, Pilate n'en
demeurait pas moins coupable selon le droit romain. Son lavement des
mains est à rapprocher plutôt de celui que les adeptes du
Mithriacisme
dans l'armée romaine, accomplissaient à l'entrée de leurs cryptes pour se
laver du sang qu'ils avaient versé au nom de leur divinité. Par ce geste
ils s'affirmaient non coupables des actions commises.
- καταέναντι : Avec le préfixe κατα (B03 & D05, 0281) le sens
d'opposition de l'adverbe ἀντι, contre est renforcé. Ainsi
Pilate ne se lavait pas seulement les mains pour se déresponsabiliser
de son devoir de jugement, mais il rejetait la culpabilité de sa
démission sur le peuple. Il se lavait les mains contre lui.
Avec ἀπέναντι (autres manuscrits), l'adverbe ἀντί est renforcé d'une
notion d'éloignement donnant à entendre que Pilate s'était lavé les
mains à l'opposé de la foule. Mais les versions latines
avec “coram” ont incité les traducteurs à rendre ἀπέναντι par
devant.
- “Innocent je suis, moi”:
Avec le pronom “moi” (D05 ) il devenait évident que Pilate parlait en
son nom personnel jusqu'à oublier sa charge. Ainsi, le juge injuste
s'innocentait lui-même de manière à ce que l'Innocent véritable soit
mis à mort. Au lieu de déclarer l'innocence de Jésus, il la réclamait
pour lui au moment de démissionner. Cette conversion du commandant en
irresponsable, du bourreau en victime innocente est la constante mise
en évidence par René Girard dans l'ensemble des mythes, et cet épisode
de Matthieu faisait de la Passion un “mythe” au sens où l'entendait
l'anthropologue. Adoptant l'orientation déjà engagée par Marc,
Matthieu l'avait renforcée et amplifiée.
- “À vous de voir” rappelle la parole des grands prêtres à
Judas v 4.
25 Et en réponse tout le
peuple dit : Son sang sur nous et sur nos enfants.
Ce n'est pas la foule qui était en cause mais “tout le peuple”, le
peuple d'Israël, le peuple de Dieu et les générations futures. Une
généralisation dans l'espace et dans le temps.
Fort commentés, ces versets 24 & 25 reflètent un anti-judaïsme
virulent qui ne serait pas tant celui de Pilate que celui de
l'évangéliste qui écrivait à l'époque de la séparation des églises
d'avec le berceau qui les avait vues naître. Et en effet, ces deux
versets, propres à Matthieu leur concepteur, recoupent celui du ch
XXI v.43.
26 Et Jésus, après l'avoir flagellé,
il le leur livra pour
qu'ils le crucifient.
D05 Θ, It.
φ
λαγελλώσας,
flagellé avec un premier
lambda est identique au parallèle de Marc; c'est la transposition du terme
latin avant qu'elle n'évolue en φ
ραγελλώσας. Cette
antériorité phonétique est un signe non négligeable de l'antériorité du
texte du codex Bezæ sur celui des autres manuscrits.
Le pronom
leur est également dans un grand nombre de manuscrits
de la tradition occidentale. Et en effet, selon Matthieu Pilate (
v24),
avec les autorités religieuses (
v.20), rendait le peuple
responsable du meurtre de Jésus, ce que le verbe à la troisième personne
du pluriel σταυρώ
σωσιν,
qu'ils le crucifient,
ne faisait qu'accentuer. Le verset fut retouché car la crucifixion
fut conduite par des soldats romains et non par le peuple juif spectateur.
Pilate se soumettait au rêve de sa femme en se démettant de son rôle de
juge dont il reportait la responsabilité sur le peuple. Le “Jus gladii” ou
la possibilité de condamner à mort un accusé avait été consenti par
l'empereur aux préfets qui se succédèrent sur la Judée. Pilate y aurait-il
renoncé pour laisser agir le Destin qui s'était manifesté à travers le
rêve de sa femme ? Il souhaitait surtout reporter la culpabilité sur le
peuple, ce que celui-ci aurait avalisé en répondant:
27 Alors les soldats du
commandant se saisissant de Jésus dans le prétoire assemblèrent contre
lui toute la cohorte.
συνήγαγ
εν est une erreur de copiste et doit être
lu συνήγαγ
oν. Ce verset est le parallèle de Mc
14.16.
28 Et en le vêtissant, d'un
manteau de pourpre et d'une chlamyde écarlate ils
l'enveloppèrent. (D05, 33, 157,sy
hmg, sa
ms
mae, bo).
Au manteau de pourpre décrit par Marc, Matthieu avait adjoint une chlamyde
écarlate portée dans l'armée romaine et notamment par les adeptes de
Mithra; se mêlaient religions et divinités “sur le dos du Christ”.
Mais le manteau de pourpre n'est pas réitéré au v.31 à côté de la chlamyde
et il y a lieu de se demander s'il ne s'agit pas d'une interpolation due
au copiste.
Matthieu a repris à Marc cette scène dérisoire qui s'insère bien mal après
la flagellation dont Jésus sortit tout ensanglanté. Comment une cohorte
entière (soit 600 hommes) se serait-elle encore déchaînée contre lui
? En fait, cet épisode conjugue la première scène de dérision par
les gardes de la maison de Caïphe avec celle infligée par Hérode et ses
soldats qui, après l'avoir frappé, le revêtirent d'un manteau
resplendissant (
Luc
XXIII.15). En évitant de mentionner cet interrogatoire conduit par
le tétrarque, Marc Matthieu et Jean évitaient d'impliquer la famille
Hérodienne et permettaient au procès de tenir dans le temps record d'une
nuit et une journée. Ce faisant, ils étouffaient le complot fomenté alors
entre les autorités religieuses et politiques pour parvenir à leurs fins.
29 Et tressant une couronne
d'épines, ils la posèrent sur sa tête et une canne dans sa main droite
et s'agenouillant devant lui, ils se moquèrent de lui en disant : Salut
roi des Juifs.
Le calame (roseau) comme sceptre et l'agenouillement des soldats ne sont
pas dans le parallèle de Marc en D05 (ils ont été rajoutés à son
v
15.19 dans le Texte Alexandrin par harmonisation avec Matthieu); ils
tendent à faire du supplice une scène de bouffonerie. L'évangéliste Jean
ne les a pas repris.
32 Sortant alors, ils trouvèrent
un homme cyrénéen à sa rencontre (venant) du nom de Simon qu'ils
contraignirent à porter sa croix. D05
Le verbe venir fait défaut alors qu'il est présent dans le parallèle
latin. Marc donnant de Simon le Cyrénéen
une
identité précise, et c'est peut-être pourquoi Matthieu pensait que
Simon venait à la rencontre de Jésus. Or, il convient d'identifier Simon
de Cyrène à
Simon Niger
qui ne connaissait pas encore Jésus mais s'adjoignit à ses disciple après
avoir porté sa croix.
34 Ils lui donnèrent à
boire du vin mélangé avec du χολή. Et en y goûtant il ne voulut pas
boire.
Selon Luc et Jean les soldats firent boire à Jésus du vinaigre pour
ajouter à son supplice alors qu'il était en croix. Selon Marc ils lui
proposèrent un breuvage
de vin mélangé de myrrhe
avant qu'il ne soit crucifié,
de
χολή selon Matthieu, et lorsqu'il fut en croix ils
avançèrent vers lui une éponge de vinaigre (v.48). Ces deux gestes
pourraient avoir recouvert des intentions différentes. Le terme χολή qui
concerne “les humeurs” comme la bile était propre à rendre plus amère
encore la souffrance de la croix, ce à quoi Jésus se serait
soustrait en refusant de boire le breuvage. Mais il pouvait s'agir aussi
d'un venin propre à communiquer une mort rapide. Les soldats lui auraient
ainsi proposé d'abréger ses souffrances mais il s'y serait opposé.
Matthieu aurait interprété à sa manière le vin mêlé de myrrhe proposé par
Marc.
37 Le Roi des Juifs
Matthieu 27.37D05
|
Marc 15.26 D05
|
Luc 23.37-38 D05, Sysc
|
Jean 19.19-20 |
Puis ils apposèrent au-dessus de sa tête
le motif le concernant, écrit : Celui-ci est Jésus le roi des
Juifs. |
Or
il y avait l'inscription du motif le concernant écrite :
Celui-ci est le roi des Juifs..
|
Les
soldats disant: Salut, le roi des Juifs! Ils lui imposèrent
aussi une couronne épineuse. Or il y avait aussi l'inscription
écrite sur lui, en caractères helléniques, latins, hébraïques:
Le roi des juifs celui-ci est. |
Pilate rédigea aussi un écriteau
et le mit sur la croix; l'inscription était : Jésus le Nazôréen
le roi des Juifs. Cet écriteau...
était écrit en hébreu, en grec et en latin. |
.
En plus de la couronne épineuse, fut attachée au cou du supplicié un
écriteau raillant le peuple juif. Il fut écrit par des soldats de diverses
origines qui se parlaient en grec, beaucoup venant du Latium avec le latin
pour langue de naissance. Au grec et au latin ils adjoignirent l'hébreu,
la langue pratiquée par les habitants de Jérusalem et de la Judée venus
voir les suppliciés.
Selon Marc l'inscription correspondait au motif du jugement, laissant
envisager une raison officielle de la condamnation à mort. C'est ce que
Matthieu a renforcé en insérant le nom du condamné, Jésus. C'est que Jean
avait aussi compris puisqu'il prêtait à Pilate lui-même la rédaction et
l'apposition de l'écriteau; l'inscription était en hébreu la langue de
Jésus et de la Judée, en grec la langue commune et en latin la langue des
officiels romains.
40-43
Si tu es Fils de Dieu
Matthieu 27.40
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Matthieu 27.43
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Marc 15 30-31 |
Luc 23.35 D05, Sysc
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Celui qui détruit le temple et en trois
jours le bâtit, sauve-toi toi-même si fils
tu es de Dieu! |
S'il
a mis sa confiance en Dieu qu'il le délivre maintenant s'il
désire celui-ci, car il a dit que: De Dieu je
suis fils. |
Hé
! toi qui détruis le sanctuaire et le construis en trois jours,
sauve-toi toi-même en descendant de la croix! |
D'autres
tu as sauvés, sauve-toi toi même si
fils tu es* de Dieu,
si Christ tu es, l'élu! |
. *
Les mots soulignés sont absents du Texte Alexandrin
On ne trouve pas dans les parallèles de Marc la tentation relative au
titre
“Fils de Dieu”. Et les trois tentations de Jésus au désert
qui débutent sur l'invective
“Si tu es Fils de Dieu...” sont
absentes de son évangile. Le grand prêtre aurait interrogé Jésus comme
“Fils
du Béni” et non comme
“Fils de Dieu”. Par contre,
c'est au centurion romain qu'était réservée l'affirmation que Jésus était
vraiment
“fils de Dieu” . Était-ce parce que ce titre revêtait
pour un romain un sens différent que celui que lui aurait concédé un juif
?
En reprenant à Marc les blasphèmes des passants et des grands prêtres,
Matthieu y a inséré à chaque fois une interpellation au
“Fils de
Dieu”. D'où pouvait-elle venir sinon du parallèle de Luc dans le
codex Bezæ, et que les copistes du Texte Alexandrin ont à leur tour bannie
?
Car selon Luc, le peuple qui s'était retourné contre Jésus au profit de
Barabbas le tentait en lui suggérant de se sauver après en avoir sauvés
d'autres et manifester ainsi qu'il était le messie (Christ), élu, fils de
Dieu, ces titres renvoyant à un messie roi et prêtre.
46 Mon Dieu, mon Dieu pourquoi
m'as-tu abandonné ?
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Matthieu 27.46
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Marc 15.34
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D05 |
ηλει ηλει
λαμ' αζαφθθανει
עֲזַבְתָּנִי לָמָה אֵלִי אֵלִי |
ηλει ηλει λαμ’αζαφθανι
עֲזַבְתָּנִי לָמָה אֵלִי אֵלִי |
NA28 |
ηλι ηλι λεμα σαβαχθανι |
ηλι ηλι λεμα
σαβαχθανι |
.
Cette parole, premier verset du Psaume 22, Jésus l'aurait dite en hébreu.
Sa retranscription en araméen dans tous les autres manuscrits est
ancienne, opérée en Marc comme en Matthieu, vraisemblablement par un
copiste dont c'était la langue de naissance; et qui devait lire
habituellement les psaumes en araméen (ou peut-être en syriaque).
50 La mort de Jésus
Matthieu 27.50
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Marc 15.37
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Luc 23.46
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Jean 19.30
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Et Jésus criant à nouveau d'une voix forte
laissa l'Esprit. |
Jésus
laissant une voix forte, expira.
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Et
Jésus clamant d'une voix forte dit : Père en tes mains, je
confie mon esprit. Or, disant cela il expira.
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Après avoir pris le vinaigre,
Jésus dit : Tout est achevé.
Et inclinant la tête il livra l'Esprit. |
.
La formulation de Marc suscite la perplexité mais son
v.39
vient l'expliciter :
Le centurion qui se tenait là voyant comment en
criant il expira... Ainsi Jésus mourut dans un cri.
Matthieu en a repris les termes sauf le verbe
expirer qu'il a
remplacé par
laisser l'Esprit , une tournure inattendue, en
partie reprise à Marc, et rajouté le verbe
crier. Sa
formulation a inspiré Jean pour qui Jésus, par sa mort, livra aux hommes
l'Esprit Paraclet. Selon Luc Jésus mourut dans un acte de confiance en son
Père.
S. Dali le Christ de St jean de la Croix

Sur
la croix l'inclinaison de la tête ne pouvait se faire qu'en avant,
contrairement à la position sur le côté recherchée par les artistes.
51 Le voile du sanctuaire se
fendit en deux parts
depuis le haut jusqu'en bas.
Une phrase identique à celle de Mc 15.38 D05 et à la même place que celle
de Luc 23.45b
D05.
Et la terre trembla et les pierres se fendirent 52
et les tombeaux s'ouvrirent et de nombreux corps des saints endormis se
réveillèrent 53 et sortant des tombeaux après son réveil ils se
rendirent dans la ville sainte et apparurent à beaucoup.
Une fantasmagorie que ces corps sans âme prenant le temps de reprendre vie
jusqu'à la résurrection de Jésus. Allusion à la résurrection des ossements
desséchés selon Ézéchiel 37 ? Ces trois versets manifestent la puissance
imaginative de Matthieu.
54 Or le centurion et ceux qui
avec lui gardaient Jésus voyant le séisme et ce qui arrivait furent
saisis d'une grande frayeur, disant : En vérité fils de Dieu il était
celui-là!
Cette exclamation du centurion romain visait à affirmer ce que les Juifs
se refusaient à admettre (
v40&43). Matthieu ayant
écrit que Jésus, engendré de manière miraculeuse de l'Esprit Saint (Mt
1.18), était “Fils de Dieu”, c'est par des prodiges que Dieu prouverait
son amour pour son lui (
v43). Et c'est à un centurion
romain qu'en revenait la confession dans un contraste évident avec les
Juifs incrédules.
Cette confession était une reprise de Marc
15.39,
( cet homme, de Dieu, était un fils), mais ne revêtait pas un
sens identique, Matthieu considérant dans l'expression
“fils de Dieu”
un titre, tandis que Marc s'intéressait à la qualité du fils “adoptif” de
Dieu tel que l'envisageaient les empereurs romains ; ainsi Tibère se
disait-il le fils du divin Auguste ; de fait, un centurion romain pouvait
reconnaître cette qualité à Jésus au moment de sa mort.
55 Il y avait aussi des femmes
nombreuses regardant de loin qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée
en le servant 56 parmi lesquelles se trouvait Marie Magdaléné et Marie,
celle de Jacques et de Joseph la mère, et la mère des fils de Zébédée.
Selon Matthieu le rôle des femmes accompagnant Jésus était la diaconie
(διακονοῦσαι) soit l'intendance de la communauté. Les femmes avaient en
effet tenu cette charge (cf
Ac
6.2) avant de se voir remplacées par des hommes qui tout en exerçant
l'intendance n'en étaient pas moins témoins et dispensateurs de la Parole.
Le diaconat tenu par des femmes se retrouve plus tard durant le ministère
de Paul ; et si là encore il s'agit de l'intendance, celle-ci
s'accompagnait de la gouvernance ou du soin de la communauté (cf
Ac18.18
et R 16.1).
Concernant Marie de Jacques et de Joseph la mère : cf
Mc
15.40.
Matthieu ayant conféré à l'épouse de Zébédée le caractère d'une femme
juive défendant la position de ses fils, il était presque naturel de la
retrouver, elle aussi, près de la croix. La tradition verra en elle
Salomé, cette autre femme nommée à cette même place par Marc
57 Le soir tombant vint un homme
riche d'Arimathie du nom de Joseph qui lui aussi était devenu disciple
de Jésus.
Joseph n'était pas dit membre du conseil, mais il était qualifié de riche,
puisqu'il faisait don à Jésus de son propre tombeau. Et plutôt que de voir
en lui un juif pieux vivant dans l'attente de la royauté de Dieu, Matthieu
l'a présenté comme un disciple de Jésus.
58 Il s'avança vers Pilate et
réclama le corps de Jésus. Pilate alors demanda que soit rendu le corps.
L'épisode relaté par Marc aux v 15.43-45 se trouve résumé ici en un seul
verset et sans qu'allusion soit faite à la vérification de la mort
effective de Jésus par le centurion. Matthieu était-il moins en butte que
Marc et Jean à la pensée gnostique qui ne reconnaissait pas au Fils de
Dieu une mort réelle ?
59 Et Joseph, se saisissant du
corps, l'enveloppa dans une étoffe de lin, pure, 60 et le déposa dans
son tombeau neuf.
Le linceul était pur, soit sans tâche et non contaminé ; il était ainsi
propre à recevoir le corps de Jésus comme le tombeau “neuf” que Joseph
avait préparé pour lui-même et dont il faisait don à Jésus. Cela
signifiait que ce tombeau n'avait pas encore servi comme
le signalait Luc selon D05. Ainsi, tout en reprenant à Marc sa
formulation, Matthieu y ajoutait une information en provenance de Luc.
62 Or le lendemain qui est après
la parascève se rassemblèrent les grands prêtres
et les Pharisiens devant Pilate en disant :
63 Seigneur, nous nous somme
rappelés que ce pervertisseur a dit, encore en vie, que : Après trois
jours je me réveillerai.
Jésus était qualifié de “pervertisseur” quant à l'annonce de sa
résurrection d'entre les morts. Il ne l'avait pourtant faite qu'à ses
disciples lorsqu'il les avertissait de sa Passion prochaine. Cela n'a pas
empêché Matthieu d'en prêter la connaissance aux grands prêtres et aux
Pharisiens; du parti des sadducéens, les grands prêtres ne croyaient
pas à la résurrection à la différence des pharisiens. Leur conflit à ce
sujet était si profond que leur entente à propos du tombeau du Christ
paraît suspecte.
64 Demande donc que la tombe
soit sécurisée jusqu'au troisième jour
Dans les deux versets 63 et 64, et gommant leurs différences, sont
rassemblées les deux expressions relatives au jour de la résurrection,
après
trois jours et jusqu'au
troisième jour. Conformément
à ce qu'il lisait en Marc, Matthieu a surtout utilisé la première,
après
trois jours (cf Mt XII.40, XVI 21D05,
XVII.23
D05) ), bien qu'elle ne corresponde pas au temps réel pendant lequel Jésus
fut couché dans le tombeau. Par contre elle collait au trois jours et
trois nuits passés par Jonas dans le ventre d'un poisson, image de la
Passion. Il s'est servi de la seconde
le troisième jour en
XX.19,
par influence du parallèle lucanien (Lc 18.33).
65 Pilate leur répondit : Vous
avez des veilleurs.
À leur demande de sécuriser la tombe pour éviter que le corps de Jésus ne
soit dérobé, les autorités religieuses reçurent l'ordre d'installer leurs
propres gardes devant la tombe. Le terme φυλακάς, veilles ou
veilleurs fut traduit par
custodes dans le latin correspondant
avant d'être remplacé dans le Texte Alexandrin par le latinisme
κουστωδίας,
une garde.
Il ne s'agissait pas de soldats et ce ne sont pas des soldats romains qui
montèrent la garde auprès du tombeau mais des juifs.