Nétilat yadaïm, coupe à
deux anses du lavage des mains
2 -
Et voyant certains de ses
disciples les mains profanes, soit non lavées, mangeant
les pains, ils se firent leur
jugement (κατέγνωσαν). D(05)
- Les mains sont dites “profanes” avec κοιναῖς tant qu'elles n'ont pas été
purifiées selon un rite précis accompagné d'une prière.
- Avec ἔγνωσαν renforcé du préfixe κατα, le jugement porté était forcément
opposé et -contraire. Dans une partie des manuscrits, le choix s'est porté
sue ἐμέμψαντο,
ils les en blâmèrent ; mais si ce verbe offre un
sens plus direct, il ne correspond pas tout à fait à la réaction des
pharisiens et des scribes puisque celle-ci s'était exprimée à
travers une question (cf v.5) et non par une affirmation
péremptoire.
Le verbe est absent du texte courant (supporté par les manuscrits A B L Δ
etc):
“Et en voyant certains de ses disciples qu'avec
les mains souillées, soit non lavées, ils mangent
les pains.” Il n'y a qu'une phrase circonstancielle et, en
dépit des aménagements du verset, la principale fait défaut; elle ne se
trouve pas non plus dans le verset qui fait suite.
Avec
vituperaverunt, le latin correspondant a traduit davantage
le choix des mss A B etc que celui de D(05) qui est plus neutre.
3
- Les
Pharisiens et tous les Juifs s'ils ne se lavent pas vigoureusement les
mains, ne mangent pas de pain.
D(05), M, 1071.
“Et tous les Juifs” : cette
remarque de l'évangéliste tendrait à signaler qu'il n'était pas juif.
“Manger du pain” : Si l'expression signifie essentiellement
prendre un repas, le lavage des mains est prescrit dans la mesure où du
pain accompagne le repas. Car c'est sur lui que sera prononcée la
bénédiction. L'expression qui est déjà au v.2 revient au v.5.
4
- Et
il y a beaucoup d'autres choses qu'ils ont reçues par tradition de
conserver pour eux : lavage de coupes, de pots, de cuivres, et
de lits de table. D(05)
[pour leur donner de l'importance].
La mention
conserver pour eux suggère une coutume propre à
différencier des autres. les juifs et les pharisiens. Marc ne se
plaçait-il pas ainsi en dehors de leur cercle pour n'être, quant à lui, ni
pharisien, ni juif ? Comme il passait pour avoir été un disciple de
Pierre, parent du juif Barnabé, s'expliquerait ainsi le changement par
donner
de l'importance, intervenu dans le texte courant. En
reprenant la remarque des pharisiens et des scribes (v 5), Matthieu
n'a pas transmis, comme lui, les informations sur les règles de
purification propres aux juifs (cf. Mt 15.1).
6 - Citation d'Isaïe
Mc 7.6 D(05) Itabc,
(W)
|
Mc 7.6 (NA28)
|
Isaïe 29.13
|
Ce
peuple m'aime
des lèvres, mais leur cœur
a déserté, loin
de moi;
|
Ce
peuple m'honore des lèvres, mais leur cœur se tient loin de moi. |
Il s'approche de
moi ce peuple, ils m'honorent des lèvres, mais leur cœur se tient
loin de moi |
La citation d'Isaïe était reprise par Jésus avec certains changements :
aimer
au lieu d
'honorer,
déserter (ἀφεστήξω ) au lieu de
se
tenir loin de (ἀπέχω). Le texte courant, par contre, suit le verset
d'Isaïe selon la LXX. S'appuyer sur les textes bibliques ne contraignait
pas à des citations mots pour mots. Au contraire, liberté était laissée à
l'interprétation. Par contre les copistes du texte chrétien l'ont retouché
de manière à ce qu'il corresponde plus exactement à leur source.
8
-
Lavages de pots et de coupes, et d'autres
choses similaires qui sont faites en grand nombre. D(05) A Θ 565
28 33 1071
f 13 It
Cette parole semble prêtée à Jésus; mais elle pourrait tout aussi bien
constituer un parenthèse de l'évangéliste; et de fait, elle a
disparu des manuscrits privilégiés par le texte courant. En consignant la
manière dont l'aide due aux parents était détournée au profit du
religieux, Marc apportait un fait concret là où les reproches de Jésus,
consignés par Luc, étaient suffisamment généraux pour que chacun se sente
visé, sans pour autant se sentir vraiment concerné.
13
- annulant la parole
de Dieu par votre tradition insensée
que vous vous êtes transmise.D(05) It Sy
L'adjectif
insensée est unique ici en Marc (alors qu'il se
retrouve 6 fois tant sous la plume de Matthieu que de Paul, mais non comme
qualificatif de la tradition juive). Sa disparition dans le texte courant,
de même que la retouche du v 4, témoigne, d'une tendance à atténuer le
caractère anti-juif qui se dégage du chapitre. La problématique est
inverse au chapite 3 quand les copistes ont reporté sur la famille de
Jésus ce que Marc prêtait aux pharisiens et aux scribes.
L'évangéliste était-il d'origine païenne ? Ou bien, juif devenu chrétien,
prenait-il sa distance avec la tradition dans laquelle il était né?
15
- Il
n'y a rien d'extérieur à l'homme qui, entrant au dedans de lui, puisse
le
souiller; mais ce qui de l'homme est éjecté, cela
rend l'homme impur.
ἐκεῖνά,
cela : l'emploi de ce pronom, parce qu'il tend à
désigner ce qui est estimable et précieux, est à proscrire dans ce verset
d'autant qu'il est superflu.
Ce qui entre en l'homme ce sont les aliments, cf v.18. Jésus remettait-il
en cause les traditions portant sur la casheroute ? Durant son ministère
il ne semble pas que Jésus y ait renoncé, mais elles ne seront pas
imposées aux croyants venus de la gentilité par les Apôtres réunis autour
de Jacques.
Quant à ce qui sort de l'homme le v.19 indique bien les déjections et non
les flux régis par le Lévitique (ch 15).
Ce verset sur l'intérieur et l'extérieur, le pur et l'impur (v. 18 à
23), fait écho à celui de Luc 11.39 où Jésus ne visait pas les
traditions mais les intentions humaines, le for-interne :
Maintenant
vous, les pharisiens, hypocrites, l'extérieur de la coupe, et du plateau
vous purifiez, mais l'intérieur de vous est grevé de rapacité et de
malignité. Marc s'est judicieusement arrangé pour attribuer cette
attitude non point aux seuls pharisiens mais à l'homme en général,
soit à tout un chacun.
16
Si quelqu'un a des oreilles
pour entendre, qu'il entende. A D(05) K M U etc.
Un refrain (cf Mc 4.9&23) qui n'a pas été gardé dans le texte courant
qui s'appuie sur les mss א B L 28.
Égouts romains, Vaison la
Romaine

19
- Car cela n'entre
pas dans son cœur mais dans son ventre et à l'égout
s'en va; il purge tous les aliments.
ὄχετὸν désigne un conduit ou un canal. Dans le texte courant lui a
été préféré ἀφεδρών un hapax legomenon repris du parallèle de Mt 15.17.
Pourquoi avoir privilégié à propos d'un usage quotidien un mot fort peu
courant, peu connu, peu utilisé?
Parce que les Romains utilisaient l'égout pour les eaux usées alors que
son usage était peu répandu dans les provinces orientales ? De fait,
ὄχετὸν pourrait être une indication sur le contexte dans lequel Marc avait
évolué et écrivait son évangile.
Le sujet de “il purge” semble être l'homme lui-même. Le texte courant en a
fait un participe présent avec pour sujet “ce qui, de
l'extérieur entre” au v.18.
20
-
Or ils disaient que ce qui
de l'homme sort c'est là ce qui souille l'homme.D(05) F.
L' imparfait de la troisième personne du pluriel ἔλεγον
ils
disaient ( au lieu de ἔλεγεν,
il disait), serait
une erreur de copiste
qu'avec dicebat,
le latin correspondant s'est abstenu de suivre. Le paragraphe appartient à
l'ensemble de la réflexion de Jésus sur le pur et l'impur; avet le
pluriel, le rédacteur en prêtait le développement aux apôtres qui
détaillaient eux-mêmes les passions habitant l'âme humaine.
21
- car
de l'intérieur du cœur des hommes sortent les mauvaises pensées,
impudicité, fraude, adultères, meurtre.
Au terme κλέμματα, la fraude sous toutes ses formes, a été préféré les
vols, κλοπαί, terme choisi par Matthieu. Le latin suit ici l'ordre
et les termes du codex Washingtonianus et 28.
24
- Et
se levant de là, il s'en alla vers les limites de Tyr [...]; et entrant
dans la maison, il voulait que personne ne le sache; et il ne put rester
ignoré. L Δ Θ W 28 565.
Sidon n'était pas nommée ici, puisqu'en venant de Galilée le voyageur
tombait sur les frontières de la ville de Tyr. Il devait repartir ensuite
vers le Nord pour trouver la ville de Sidon, ainsi qu'il est dit au v.31 :
“Et
sortant à nouveau des limites de Tyr, il vint par Sidon vers la mer de
Galilée, au milieu des limites de la Décapole.” Néanmoins, le
parcours décrit dans ce verset paraît aussi incertain que la supériorité
manifestée par Jésus vis à vis de la femme qu'il allait traiter de petit
chien.
Les “
limites de Tyr et de Sidon” selon le texte courant : c'est
là un rappel de Mc 3.8 et Mt 15.21, ou encore des Prophètes (Isaïe 23,
Ézéchiel 28) qui unissaient les deux villes dans une même harangue.
26
- Or
la femme était grecque, phénicienne de naissance. D(05) Itala.
Cette femme de Tyr qui se précipitait au pied de Jésus parlait le grec.
Phénicienne de naissance, c'était une indigène. La précision du texte
courant “Syro-Phénicienne” serait d'ordre géo-politique, la Phénicie sous
domination romaine étant rattachée à la Syrie.
Codex
Egberti, ca 985, la phénicienne.
27
- Et
il lui dit : Laisse, d'abord, se rassasier les enfants, car il n'est pas
bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens.
Marc, selon qui, à diverses reprises, Jésus tentait d'échapper à la
foule, lui prêtait ici une parole d'auto-défense visant à repousser la
femme qui n'avait pas de limites. Néanmoins, à travers cette parole
agressive et violente, Marc ne faisait-il pas passer l'élection du peuple
juif pour un complexe de supériorité source de mépris ? Se repose la
question déjà soulevée au v.3 : Marc était-il juif ?
28 -
Et elle répondit en lui
disant : Seigneur, mais,
même les petits chiens, sous la table, mangent des miettes des enfants !
D(05) Itala.
Le “mais” laisse supposer une réaction spontanée. La femme répondait avec
humour à la parole de Jésus qu'elle ne prenait pas au premier degré. Par
cette répartie elle témoignait de la reconnaissance des païens à l'égard
des juifs, et de leur humilité. La diaspora juive qui avait gagné
l'ensemble du Bassin méditerranéen avait gagné nombre de prosélytes (dont
beaucoup de femmes). Marc aurait-il été l'un d'eux?
29
- Et
il lui dit: Va! A cause de cette parole, le démon est sorti de ta fille.
Cette phénicienne fut récompensée pour ne pas s'être vexée
mais avoir fait preuve de confiance. Un démon de colère et de dépit que
cette mère avait déjà dompté en elle-même ? Et ce démon ne représentait-il
pas, à lui seul, tous les vices énumérés aux v.21&22 ?
33
-
Et l'ayant conduit à l'écart, loin de la foule, après
avoir craché, il lui mit les doigts dans les oreilles et il lui
toucha la langue.
Sa salive, Jésus l'aurait appliquée non seulement sur la langue mais aussi
sur les oreilles; c'est ce qu'invite à comprendre l'ordre des termes en
D(05). Et en effet, l'homme étant sourd et parlant avec peine, ce sont les
oreilles, surtout, qui avaient besoin de s'ouvrir. Jésus avait-il craché
dans sa main ? Ou bien sur le sol pour faire une “glaise” semblable à
celle dont fut créé l'adam primordial et comme y faisait allusion
l'évangéliste Jean (Jn 9.6)?
34
- Et
regardant vers le ciel, il
soupira intensément, et lui dit: “effeta”,
c'est-à-dire, ouvre-toi.
Le verbe στενάζω est renforcé du préfixe ἀνα donnant à entendre
que Jésus soupira intensément au point d'émettre un gémissement.
Avec la médiation de la salive, celle de la prononciation d'une parole en
araméen obtenait le miracle.
36
- Et
il leur enjoignit de ne rien dire à personne; mais eux, plus largement
encore, en faisaient la proclamation.
Jésus accomplissait une guérison immédiate, constatable de tous ; et il
aurait recommandé à la foule présente de n'en rien dire ? Cette
attitude si contradictoire revient au long des chapitres à la manière d'un
refrain (cf. Mc 2.2 ; 4.7-9, 12 & 20 ; 7.17&24) ; mais c'est la
responsabilité même,, dont Jésus était capable de faire acte qui état
ainsi mise en cause. Elle alterne néanmoins avec des réactions plus
circonstanciées: Jésus avait intimé le silence (Mc 5.43) à l'entourage de
la petite fille du chef de synagogue pour la protéger des curieux après
qu'il l'ait réanimée. Il demanda à un lépreux de faire confirmer sa
guérison par les prêtres avant de la divulguer (Mc 1.45).
À suivre Luc, Jésus ne cherchait pas à se protéger de la foule puisqu'il
ne cessait de l'attirer à lui par ses enseignements et des signes ;
la notoriété pouvait aussi être un moyen d'atteindre et de toucher
Hérode Antipas, le geôlier de Jean, avant qu'il n'en devienne le meurtrier
; après sa mort, dans le récit de Luc et à la différence de celui de Marc,
signes en public et miracles sont plus parcimonieux.