Commentaire de l'Évangile de Marc selon le codex Cantabrigiensis chapitre XVI







Photographies du Manuscrit :
      Cambridge Digital Library


detail




Le codex Bezæ (D05) garde la rédaction longue du dernier chapitre de l’Évangile de Marc ; les versets 9 à 21 ne figurent ni dans le codex Vaticanus ni le Sinaïticus.
En outre, à partir du v16, ce n’est plus l’écriture habituelle; la page devait se trouver en mauvais état de conservation et elle fut recopiée dans l’atelier du diacre Florus à Lyon, ce que l’on sait par l’analyse de l’encre bleue employée. Le texte fut alors écrit sur deux colonnes, à gauche le grec et à droite le latin correspondant. Au recto a été recopié également le texte latin des versets précédents.

1 [Lorsque le sabbat fut passé, Marie la Magdalène, Marie de Jacques, et Salomé...].
Cette phrase, absente de D05, fait double emploi avec la précédente:
“Marie Magdalène et Marie de Jacques regardaient l’endroit où il était déposé.” Marc 15.47
Salomé était nommée en Mc 15.40 avec Marie Magdalène et Marie la mère de Jacques et de Joset.
Dans le parallèle lucanien (Lc 24.10), il est fait mention de Marie, celle de Jacques (Μαρία ἡ Ἰακώβου), c’est-à dire la femme de Jacques. Se ressent une hésitation de la part des copistes à l’assimiler à Marie mère de Jacques et de Joset.

Mozac, chapiteau roman des Saintes Femmes au tombeau
3 et elles disaient entre elles : quel signe révèlera la pierre depuis l’entrée du tombeau ?

Dans l’expression “entre elles” le pronom est au masculin pluriel là où est attendu le féminin; comme au verset 6, il faut y voir une erreur de copiste.

La phrase ΤΙCΗΜΙΟΝΑΠΟKΑΛΥΨΕΙ (τισημιοναποκαλυψει) apparaît en filigranes sous la correction apportée par un copiste avec le verbe ἀποκυλίσει qui reprend la phrase lue dans les autres manuscrits avec un ordre des mots un peu différent: “qui roulera pour nous la pierre?”
τισημιον peut se lire de deux manières :
- soit τι σημ(ε)ιον, quel signe?
Comme aux versets 17 et 20, l’orthographe ne comporte pas  le ε.
- soit τις ημι(ο)ν, qui à nous ?
Le o serait une erreur de transcription. Reste αποκαλυψει le verbe de la révélation. “Révèlera” est inattendu; mais il confère aux femmes l’espérance de trouver un signe devant le tombeau. Elles s’y rendaient tout en sachant qu’elles ne pourraient y pénétrer puisqu’il était fermé d’une pierre qu’elles ne sauraient rouler à elles seules. Comment expliquer alors qu’elles aient décidé de s’y rendre?
Selon une des lectures offerte par le codex Bezæ elles étaient animées par le désir de lire un signe. Un signe n’allait-il pas “révéler la pierre” à propos de laquelle Jésus avait dit : “N’avez-vous pas lu cette écriture: La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête d’angle. Celle-ci vient du Seigneur et elle est admirable à nos yeux”? Marc 12.10-11 (Psaume 118, 22-23).
La lecture déchiffrée sur le parchemin pourrait correspondre à la tentative (du copiste?) de relier la pierre tombale aux versets du psaume repris par Jésus. Elle diffère de l'autre rédaction fondée sur Luc 24.1 ( τίς ἄρα ἀποκυλίσει τὸν λίθον, D05, Itc,d  070, sa) et gardée dans l’ensemble des autres manuscrits.

4 Elle était en effet fort grande. Et elles vont et trouvent la pierre roulée loin.
  Le fait que la lourde pierre soit roulée loin est le signe attendu qui découvre et révèle la résurrection ; la phrase retenue habituellement “et ayant regardé, elles voient que la pierre était roulée, car elle était fort grande” n’est pas la réponse à une attente.

Duccio, 1308-11, L'ange gardant la tombe
6 Et l’ange leur dit : N’ayez crainte. Jésus que vous cherchez, le crucifié s’est relevé, il n’est pas ici. Voyez ici sa place où il avait été déposé.
Le jeune homme en blanc est appelé ici un ange selon le seul D05. Le qualificatif Nazarénien est quand à lui absent. La phrase “Il n’est pas ici” ne tend-t-elle pas à chasser la présence invisible du ressuscité ? Il est à remarquer qu’elle est absente du parallèle lucanien dans le codex Bezæ.
Le pronom “sa” devant “place” sous entend que la place du Christ serait d’être dans le tombeau. On comprend qu’il ait été supprimé par les copistes.

7 Mais allez et dites à ses disciples et à Pierre que : Voici, je vous précède en Galilée là, vous me verrez, selon ce que je vous ai dit.
Comme c’était l’ange qui parlait de la part de Jésus et non Jésus lui-même, une correction a été apportée dans la seconde phrase ; celle-ci a été mise au discours indirect dans les autres mss.
 
8 [παντα δε τα παρηγγελμενα τοις περι τον πετρον συντομως εξηγγειλαν μετα δε ταυτα και αυτος ο ιησους απο ανατολης και αχρι δυσεως εξαπεστειλεν δι αυτων το ιερον και αφθαρτον κηρυγμα της αιωνιου σωτηριας αμην
Elles rapportèrent  aux compagnons de Pierre ce qui leur avait été annoncé.  Jésus lui-même fit porter par eux, de l’orient jusqu’au couchant, la proclamation sacrée et incorruptible du salut éternel, amen ».]
Complément présent  dans les mss L Ψ 579, minuscules 01,02,03.

14 Les Onze.
Le décompte des apôtres réduits à Onze après la trahison de Judas, ou bien à dix suivant que Pierre soit compté ou non, est une précision spécifique à Luc-Actes. Ainsi le rédacteur de ce passage connaissait sans doute les œuvres de Luc. La mention des Onze se retrouve ensuite en Matthieu 28.16.