1
Une vigne qu' avait plantée un homme, l'ayant entourée d'une clôture,
ayant creusé une fosse et bâti une tour.
Une description qui renvoie très directement à Isaïe (5.2) sans pour être
pour autant une citation mais selon qui la vigne symbolisait Israël
:
“La vigne du Seigneur des armées, c'est la maison d'Israël,
et les hommes de Juda, c'est le plant qu'il chérissait. Il en
attendait la droiture, et voici l'oppression, de la justice, et voici
des cris de détresse.” Is 5.7
2
Puis il envoya aux vignerons en
temps un serviteur afin que du fruit de la vigne ils lui donnent.
La formulation, identique ici à celle de Luc, a été revue dans le TA avec
“
pour recevoir des vignerons des fruits de la vigne”,
d'après Matthieu 21.34
pour en recevoir les fruits.
4
De nouveau il leur envoya un autre serviteur
qu'ils frappèrent à la tête.
κεφαλαιόω, signifie
récapituler, ou encore
traiter
sommairement. L'extension de ce sens à
frapper à la tête,
n'est pas attestée ailleurs sinon à travers κεφαλαία désignant les maux de
tête. Marc aurait-il recherché un jeu de mots avec:
- la pierre devenue la
“tête d'angle” (κεφαλὴν
γωνίας du Psaume 118.22), et qui exprime au verset 10 la
gloire devant revenir au Christ au milieu des hommes.
- l'
impôt par tête au v 14 et qui constituait un sujet en débat ?
Ce verbe ne fut pas repris par Matthieu.
Pierre d'angle de la sonnerie
du shofar
5 et il envoya un autre serviteur qu'ils tuèrent puis de nombreux autres
qu'ils frappèrent et d'autres qu'ils tuèrent.
Ainsi plusieurs des mandataires du propriétaire de la vigne furent mis à
mort par les vignerons avant qu'il n'envoie son fils; n'aurait-il pas du
redouter qu'ils le tuent lui aussi ?
En amplifiant
la parabole
initiale, Marc a fait du propriétaire de la vigne un homme
inconséquent qui laissait partir son fils sans escorte susceptible de le
défendre. En acceptant sa mission, le fils se révélait non moins imprudent
que son père : N'allait-il pas au devant d'une mort certaine et
commanditée par son père?
De cette manière Marc impreignait la parabole de la théologie de la
rédemption qui sous-tend son évangile.
10
N'avez-vous pas lu cette écriture : La pierre
qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête d'angle
11
Celle-ci vient du Seigneur et c'est une
merveille à nos yeux.
En poursuivant par le verset suivant la
citation
initiale arrêtée en Luc au verset 10, Marc orientait dans le sens de
l'émerveillement l'image de la pierre destinée à “frapper” les esprits en
avertissement. En réécrivant la parabole à posteriori, ne cherchait-il pas
à voir en Jésus la pierre angulaire d'un nouvel édifice qui se dessinait
déjà ?
L'impôt à verser à l'empereur
14
Dis-nous s'il est permis que nous donnions
l'impôt par tête à César ou bien non.
ἐπικαιφάλαιον, ou impôt de capitation est attesté par les manuscrits D05,
Θ, 565. À Rome la capitatio humana ou plebeia était un impôt personnel
payé en argent par tous ceux qui n'étaient pas citoyens romains et
n'avaient pas de biens fonciers. Elle n'était pas alors prélevée dans les
provinces d'Orient. Il y aurait là un indice donnant à penser que Marc
n'était pas citoyen romain, qu'il n'était pas non plus propriétaire
foncier et qu'il écrivait de Rome.
Jésus aurait demandé à voir un denier comme monnaie de
l'impôt (cf v 15) . Or c'est sous Domitien, empereur de 81 à 96, que
l'impôt du cens fut réclamé en deniers d'argent et non dans la monnaie
locale de chaque province.
Selon Luc, Jésus demandait à voir la
monnaie du
tribut (νόμισμα τοῦ φόρου), vraisemblablement celle que Pilate
venait de faire frapper et qui était une monnaie locale en bronze.
La loi du lévirat
25
Ils ne se marieront ni ne donneront en
mariage.
Dans le monde futur ils ne se marieront pas et n'ayant pas de descendance
ils n'auront pas de fille à donner en mariage.
Ce verset a été repris dans le texte standard en
fonction du parallèle de Mt 22.30 :
ni (ils) ne se marieront, ni
(elles) ne seront donné(e)s en mariage. Si le sujet du verbe n'est
pas précisé, son emploi à l'actif et sa répétition au moyen marquent la
différence entre “eux” et “elles”. En ce monde les hommes se marient
tandis que les femmes sont données en mariage. Dans le monde futur, ils ne
se marient plus et elles ne sont plus données en mariage : la distinction
entre eux signale que la différenciation sexuée n'aura pas disparu mais
subsistera.
Le codex Bezæ atteste que le texte de Marc ne
présentait pas initialement cette différenciation, homme & femme étant
appelés à devenir
ὡς ἄγγελοι,
comme des anges
; il y a la variation d'une lettre d'avec
l'expression employée par Luc : ils deviendront
égaux des anges
avec
ἰσάγγελοι ; aussi mince soit-elle, cette
variation n'est pas sans conséquences :
- être
comme des anges suppose de voir disparaître toute
différence sexuée ;
- être
égal aux anges confère un statut sur lequel la mort n'a
plus d'emprise, ce que développe la fin du verset lucanien.
La suite tend à donner raison au statut d'égalité avec les anges : si Dieu
se fait appeler Dieu d'Abraham d'Isaac et de Jacob, c'est bien parce
que les trois patriarches ont gardé leur pleine identité d'hommes vivants.
En outre il apparaît clairement au
chapitre
14 que Marc conférait à l'adjectif ἴσος
le
sens inhabituel de similitude au lieu de celui d'égalité.
Le plus grand commandement
33
Et l'aimer de tout son cœur et de toute sa
puissance et de toute son âme.
Un verset revu dans le texte standard en fonction de son parallèle : Tu
aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de
toute ta pensée. Mt 22.37.
Selon Luc au ch X, en sa qualité de rabbi ou de maître
qui ne se laisse pas embarrasser ou intimider, Jésus renvoyait subtilement
la question à celui qui était venu le tester : un légiste ; et celui-ci
dût s'exécuter en offrant sa propre synthèse de la Loi ; Jésus le
félicita alors de sa rectitude.
Ne s'y trouve pas la confession de foi au Dieu Un d'Israël que Marc
prêtait à Jésus, et on ne voit pas quelle motivation aurait poussé Luc à
la supprimer.

Par contre, Marc a pu réécrire le récit trouvé en Luc au ch X et le
replacer à Jérusalem parmi les épisodes où Jésus était testé par les
autorités du temple. Il a pu choisir de donner à Jésus la paternité du
plus grand commandement de la Loi , quitte à le faire passer pour un élève
appliqué et à faire répéter sa leçon par le scribe qui
ajoutait sa propre conclusion ; ce dont Jésus le félicita.
Quant à envisager deux épisodes avec des interlocuteurs
différents , il faudrait supposer que Jésus se soit laissé enseigner par
un légiste et qu'il ait resservi cet enseignement à Jérusalem à la manière
d'un enfant qui répète une leçon apprise.
40
et ils dévorent les maisons
des veuves et des orphelins,
Les orphelins, qui ne sont pas dans le parallèle lucanien, ont disparu du
TA.
Le sujet de "ils dévorent" sont les scribes et les
collecteurs d'impôts; mais ce dernier terme serait corrompu ; au lieu de
τῶν τελωνῶν il faudrait lire comme en Luc 20.46 τῶν θελόντων (adopté en
Marc dans le TA).