14 -Celui-ci descendit
justifié bien plus que ce pharisien là!
[Celui-ci descendit justifié vers sa maison par rapport à ce pharisien
là!]
Une pointe qui n'est pas négligeable, car elle laisse bien entendre que
le pharisien, un ascète et un homme de prière, avait été justifié, au
moins partiellement!
16 -Laissez les petits
enfants venir à moi et que vous ne ne les empêchiez pas, car d'eux est
la royauté de Dieu.
L'appartenance est dite au génitif (être de quelqu'un, à la différence
de la destination, être à ou pour quelqu'un avec le datif); ainsi la
royauté de Dieu se fait propriété des enfants à tel point qu'elle
devient partie d'eux-mêmes. Il en va de façon semblable avec la première
des béatitudes : heureux les pauvres, car vôtre est la royauté de Dieu
(6,20)
17 - Celui qui
n'accueillera pas la royauté de Dieu comme un enfant n'y entrera pas.
La royauté de Dieu qui se fait propriété des pauvres et des enfants au
point de devenir partie d'eux-mêmes est à accueillir comme un enfant.
Mais il convient de se poser la question : qui est comme un enfant? la
Royauté de Dieu !
19 sinon un, Dieu.
Sur l'expression et ses emplois chez les synoptiques, cf
Mc 2.7,
20 -Or Il dit :
"lesquels ? " Jésus dit alors: " cela. tu ne commettras pas
l'adultère,tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de
faux témoignage; honore ton père et la mère".
[Tu sais les commandements: ne commets pas l'adultère, ne tue pas, ne
vole pas, ne porte pas de faux témoignage,honore ton père et ta mère]
L'interdit de l'adultère vient avant celui du meurtre. Jésus
innovait-il?
- Dans le Décalogue en Ex 20:13 et Dt 5,17, selon le texte hébreu,
l'interdit du meurtre est en première position et le manuscrit 4 Q 158
confirme cet ordre.
- Par contre en grec le copiste du codex Vaticanus (B) a reporté
l'interdit du meurtre après l'adultère en Dt 5,17 ; après le vol en Ex
20:13.(B).
- Philon lui-même plaçait l'adultère en premier (Décalogue
51,121,168,170).
- Le papyrus de la collection Nash ci-dessus avec le shm'a et le
décalogue en hébreu remontant au second siècle donne ce même ordre (v
18).
- C'est l'ordre adopté par Jacques (2:11) et par Paul (Romains 13:9).
- Matthieu a restitué l'ordre initial du texte hébreu et les scribes
l'ont ensuite répercuté dans l'évangile de Marc (B). La formulation avec
le futur suit la Septante selon l'ordonnancement des verbes en Dt
5,17-20, tandis que les copistes ont opté pour le subjonctif aoriste
comme en Marc (Mc10,19).
24 - Comment de manière
chagrine, ceux ayant de la fortune, entreront-ils dans la royauté de
Dieu?
La formulation avec comment est interrogative; l'adverbe signifiant "de
manière chagrine" ou "avec amertume" peut être associé à "envahi de
tristesse", adjectif décrivant le jeune homme riche au v.23. La perte
des biens engendre une tristesse qui rendrait impossible l'entrée dans
la royauté de Dieu, s'il n'y avait la parole du v.27.
27 -Ce qui est
impossible auprès des humains, est possible auprès de Dieu.
La préposition para est suivie du datif pour indiquer la
proximité (de même qu'en 2,52). Une nuance qu'a su rendre le latin avec
in ...apud = dans...chez . C'est dans la proximité de Dieu qu'il devient
possible sans amertume ni tristesse de se dépouiller de ses biens (sur
para suivi du génitif, cf. note sur 1,37).
29 -Il n'y a personne
qui n'ait laissé des maisons, ou des parents, ou des frères, ou des
sœurs, ou une femme ou des enfants en ce temps-ci à cause de la
royauté de Dieu, qui n'obtienne le septuple en ce temps-ci et dans
l'ère à venir une vie éternelle.
[Il n'y a personne qui n'ait laissé une maison, ou une femme ou des
frères, ou des parents, ou des enfants à cause de la royauté de Dieu,
qu'il n'obtienne plusieurs fois autant en ce temps-ci et dans l'ère à
venir la vie éternelle]
Les similitudes avec les parallèles Mc 10,30 ou Mt 19,29 n'indiquent pas
une interpolation, car plusieurs manuscrits suivent ici le codex de Bèze
qui prend en compte, non seulement les soeurs mais aussi la femme. Un
point qui n'a pas fait l'unanimité puisque Marc et Matthieu ont
soustrait cette dernière de leur liste. Si obtenir quatre fois plus est
préconisé par la Loi dans l'ordre humain (Ex21,37), sept fois plus a
trait à la rétribution dans l'ordre spirituel. Ce sept fois autant , que
le disciple est susceptible de recevoir dès ce monde pour avoir tout
quitté, constitue les prémices de la vie éternelle.
34 - Or ils ne
firent en rien le rapprochement de ces choses, mais la parole était
cachée d'eux.
[Et ils ne firent en rien le rapprochement de ces choses, et cette
parole là était cachée d'eux]
Quel rapprochement les Douze ne surent-ils faire? Celui des écrits
prophétiques annonçant que le Christ souffrirait (v.31)? Cet aspect de
la Parole leur demeurait caché (verbe au parfait, comme en 9,45 puis
24,32). Serait-ce que l'enseignement donné sur les Ecritures par des
générations de légistes (11,52) empêchait d'entrer dans une vraie
connaissance? Ou bien était-ce Jésus qui continuait à s'exprimer de
manière volontairement obscure? (cf 8,10). Avec sa Résurrection, il
commença à leur interpréter les Ecritures (24,27), ouvrant leur
intelligence pour qu'ils fassent le rapprochement entre les paroles et
les événements vécus (24,45).
37 - Le Nazarénien.
[le Nazôréen]
Jésus était appelé pour la première fois par des disciples le Nazarénien
(puis une seconde fois en 24,19). En conséquence de quoi, ou suite à
cela, l'aveugle de Jéricho décernait à Jésus, également pour la première
fois dans cet évangile, le titre Fils de David, de couleur plutôt
politique (cf. note sur 20,41). La phonétique NazwraioV choisie dans les
autres manuscrits semble s'être répandue plus tardivement. On y
retrouverait "la forte parenté usuellement admise entre Nazoréens
(nosrim) et le surgeon (neser) issu de la souche de Jessé, le père de
David (Is 11,1). Les jeux observés sur l'emploi du terme indiquent donc
des traces de débats autour de la filiation davidique de Jésus, et
surtout de sa signification, où la dimension nazoréenne est atténuée au
maximum". Etienne Nodet et J. Taylor, Essai sur les origines du
Christianisme, Cerf 1998,p258.-259
Le qualificatif Nazorinè rencontré en 4,34 ( nazorhnai) avait été énoncé
par l'esprit d'impureté qui désignait Jésus comme Saint de Dieu , un
titre réservé au grand-prêtre Aaron. Quel lien entretenaient ces
différentes appellations nazarénien-nazôréen et nazorinè? A en juger par
Mc 1,24D et 10,47D, elles furent confondues par les scribes; cela ne
signifie pas qu'elles recouvraient la même réalité. Si Nazarénien n'est
pas sans connotation avec la ville d'origine Nazareth d'une part et avec
le descendant de David d'autre part, Nazorénien par contre est
révélateur du nazir, le consacré à Dieu.