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Bibliothèque de l'Université de Cambridge

Théodore de Bèze


Porche de l'ancienne église Saint-Irénée de Lyon
(Lavis/Encre de Chine -1824 - B.-A. Hubert de Saint-Didier)

Vallée du Rhône par satellite

Vallée du Rhône et Asie Mineure par satellite

Asie Mineure par satellite

agora de Smyrne

Agora de Smyrne , fin du second siècle.



Histoire du Manuscrit et de son texte


Son intituté “Bezæ Codex Cantabrigiensis”, ce précieux manuscrit le tient de sa préservation par les Huguenots lors des guerres de religion. En effet Théodore de Bèze  l'avait eu sous sa sauvegarde en 1562, quand, durant les guerres de religion, il fut retiré du monastère St Irénée de Lyon pris dans les flammes. Il l'adressa quelques années plus tard à la Bibliothèque de l'Université de Cambridge où il est conservé depuis lors.

L'évêque de Clermont d'Auvergne, dans le but de confirmer une variante latine de Jean (21, 22) dont l'original grec ne se lisait que dans cet exemplaire, l’avait amené en 1545 au Concile de Trente.

Plusieurs de ses pages qui avaient du être réécrites ont une encre identique à celle d'un manuscrit sorti de l'atelier de Florus qui exerçait à Lyon au IXème siècle. En outre certains versets du texte latin se retrouvent avec les mêmes particularités dans les citations du martyrologe d'Adon, rédigé au milieu du IXème siècle à Lyon.
L'analyse de la calligraphie a permis de faire remonter sa réalisation aux  années 380-420 1 .
Le début du Vème siècle à Lyon fut une période d'effervescence pour les communautés chrétiennes avec l'édification de basiliques sur les deux nécropoles voisines des martyrs St Irénée et St Just. 

F.H Scrivener lui assignait le Sud de la Gaule pour région d’origine,  en raison de la langue latine dans laquelle avait été traduit le texte grec. Qu'une communauté hellénophone ait subsisté à Lyon à cette époque n'est guère attesté par les documents ou l'archéologie; cependant la communauté chrétienne a pu  souhaiter  sauvegarder un document écrit en Grec en le recopiant pour assurer sa transmission et en le traduisant, pour son propre usage.

Si la confection du livre n'est pas antérieure au début du Vème siècle, l’ancêtre grec dont il livrait copie était,  quant à lui, très ancien, puisque des citations s’en trouvaient déjà chez Justin (3), martyrisé  vers 165 à Rome, et chez Irénée dans son traité contre les Hérésies (4) . Ce dernier, était arrivé  à Lyon dans les années 170, venant de Smyrne où il avait été disciple de Polycarpe. Il paraissait vraisemblable à F H Scrivener que lui, sinon ses compagnons, ait amené en Gaule ce livre des Évangiles et des Actes  auquel fut adjoint alors une transcription latine (5) . À ce scenario vraisemblable, les propositions offertes en alternative, n’emportent pas l’adhésion faute d'éléments significatifs de comparaison (6).

Le scribe qui en avait  assuré la copie avait eu sous les yeux un texte  plus ancien que les grands onciaux du IVème siècle sur lequel se base le texte courant; cet ancêtre  conditionna la mise en forme du nouveau manuscrit qui n’a pas d’émargement à droite comme cela se pratiquait au IV-Vème siècle; aussi les mots accolés s’inscrivent,  à  chaque page, sur trente trois lignes d’une inégale longueur, répercutant avec plus ou moins d’adresse la répartition  en stiques de l’original (7). La phonologie grecque était celle attestée  dans l’épigraphie du Ier siècle et qui évolua notablement par la suite; la calligraphie, plus hésitante à gauche qu’à droite, manifeste que le grec n'était pas la langue que le scribe pratiquait ordinairement et  il a répercuté des onciales du Latin dans le Grec. En outre, là où l’original grec  était  trop délavé pour être lu, il a complété sa copie en  se référant aux cas et aux déclinaisons du Latin, alors qu’ils n’étaient pas identiques (8). 

L’ancêtre du codex Bezæ différait du texte standard de nos bibles par certains versets en moins, sinon par d'autres qu'il avait en propre ou qu’il partageait avec les manuscrits dits de la tradition occidentale, par des membres de phrases, des termes, des conjugaisons, des cas, des déclinaisons, ou encore par l'ordre de ses mots. La présence (ou l'absence) d'un simple article peut peser d'un grand poids dans la compréhension de telle ou telle expression employée par le Christ.
L’Évangile de Jean s’y trouvait, non point à la quatrième, mais à la seconde place, juste  derrière Matthieu; la copie du Vème siècle répercuta cet ordre adopté aussi dans le codex W 032 de Washington, alors qu’il n’était plus habituel. Cet ancêtre  pourrait avoir constitué le premier recueil rassemblant les textes néotestamentaires et lors de ce regroupement il y eut une tentative visant à harmoniser les évangiles entre eux puisque certains passages de Marc et de Matthieu vinrent s’interpoler en Luc (9) .

Plus que les Évangiles de Marc Matthieu et Jean, les deux livres de Luc comportent un grand nombre de leçons propres, témoignant d’une connaissance approfondie des coutumes sacerdotales et de la liturgie du temple. Cette attention au contexte hébraïque a suggéré que l’ancêtre du codex Bezae était une première, sinon une seconde édition, produite par l’auteur lui-même, à l’attention d’une communauté qui ne s’était pas coupée de la Synagogue; les théories émises concernaient principalement le texte des Actes. Ce texte archaïque était tellement en empathie avec le cadre dans lequel la vie de Jésus s’était déroulée, que l’information donnée y était au plus près de sa source. Visualiser la table des commentaires, permettra de s'en faire une idée. Comparativement Marc et Matthieu témoignaient de la distance prise progressivement dans les communautés qui s‘affermissaient à l’extérieur de la Judée et de la Galilée; dans cette mouvance et dès le second siècle, les Évangiles Synoptiques furent  harmonisés entre eux et retouchés de manière à être plus  accessibles d’auditoires grecs et latins. 


1- J. Irigoin, datant “l'écriture grecque du codex de Bèze”, de la première moitié du Vème siècle ( p.3-13) et L. Holtz “l’écriture latine du codex de Bèze” entre 380 et 420, (p14-55) -  dans Actes du colloque International de Lunel (27-30 juin1994) - ce sont les années 400-420 qui ont été retenues depuis.
2 -   R. L. Mullen, le codex de Bèze, un témoin d’une version antérieure, dans Dossiers d’Archéologie, janvier 2003 p 34-43.
3 -   Lc 10,16D et 13:27D dans la première Apologie de Justin
4 -   Lc 2:45D; 14:26,27,33D; 19:5D, 24:39D; Ac2:24D; 3:12-14D; 5:31D; 15:17-18,23D
5 - Le Latin suit le grec dans sa disposition . Tantôt il est la traduction du grec correspondant, tantôt il retranscrit le texte courant, et il arrive que sa leçon soit unique.
6 - Si C B Amphoux a  adopté et développé la thèse de Scrivener,  D C Parker qui proposait Beyrouth comme lieu d’origine a été réfuté par RL Mullen op.cit., qui évoquait Constantinople et un transfert du codex vers la Gaule au début du VIIème siècle.
7 -    F.H Scrivener, Introduction pxvii . Antonio Amassari  a adapté le texte latin en fonction de ces stiques et de la ponctuation dans son édition Bezae Codex Cantabrigiensis, Editions Vaticanes 1996.
8 -   M.E Boismard  Le codex de Bèze et le texte occidental des Actes, dans Actes du colloque International de Lunel (27-30 juin1994) p.257-70.
9 -   Notamment la généalogie, ou encore le Notre Père, l’appel de Levi; il faut alors se référer aux autres manuscrits poour connaître l’original lucanien.